mardi 15 mai 2012

Au tableau d'honneur : Madame Nyamko Sabuni

Mme Nyamko Sabuni est une femme d’origine congolaise, née en exil au Burundi, arrivée en Suède en 1981, à l’âge de 12 ans, avec sa mère et ses frères et sœurs, pour rejoindre son père, un opposant politique plusieurs fois emprisonné au Zaïre (actuelle RD Congo) et refugié dans ce pays nordique, grâce à Amnesty International : « Mon père et ma mère sont immédiatement entrés dans la vie active (...) ; ce qui fait que, pour nous, il n’y a rien eu de bizarre. Les parents travaillaient, et nous, nous allions à l’école et la vie suivait son cours. A Kungsängen (20 km de Stockholm), nous étions la seule famille d’immigrés visible. 

L’apprentissage du suédois m’a suffi pour me fondre dans mon pays d’accueil. Et puis, le marché du travail et la société suédoise permettaient, dans les années 80, aux immigrés de s’intégrer plus facilement qu’actuellement. Aujourd’hui, la création d’emplois, des cours de langue adaptés et la lutte contre la discrimination sont les clés de l’intégration». « Je me sens congolaise, et fière d’être suédoise » Diplômée en droit et en sciences de l’information et de la communication, Mme Nyamko Sabuni dont l’intégration semble exemplaire et dépourvue de traumatisme, affirme : «Je suis très fière de mes racines, je n’ai jamais eu de problème d’identité». 

Aujourd’hui, Mme Nyamko Sabuni se retrouve Ministre de l'Intégration et de l'Égalité des genres de la Suède, en fonction depuis le 6 octobre 2004. Elle reçoit, dans son bureau coquet et sans luxe apparent, avec respect et attention, mais pas en «gentille maman»… Au-delà des différences de sexe, de couleur de la peau ou d’âge, au-delà des clichés, c’est sur le terrain des idées que Mme Nyamko Sabuni se situe et se bat : «Je ne pense pas faire mon travail très différemment de quelqu’un d’autre simplement parce que je suis noire, mais peut-être plutôt à cause de certains points de vue que j’ai (...) ; cela est plus déterminant», affirme-t-elle en suédois, la langue qu’elle parle parfaitement, tant au travail qu’en famille, parfois en alternance avec le swahili. Toujours sur le terrain des idées, Mme Nyamko Sabuni, avant d’être nommée au gouvernement, avait déjà beaucoup fait parler d’elle, en proposant, alors qu’elle siégeait au parlement, un ensemble de mesures pour combattre la "culture de l’honneur" et la politique d’assistanat : interdiction du port du voile pour les filles de moins de quinze ans, examen gynécologique obligatoire au collège permettant de prévenir et détecter les mutilations génitales, arrêt du financement par l’Etat des écoles religieuses et criminalisation des mariages forcés, etc. « J’ai du mal à voir ou à vivre des injustices sans essayer d’intervenir ». On sait que ces propositions, parmi tant d’autres, lui ont valu des critiques parfois acerbes et même d’être qualifiée d’«islamophobe». 

A ses détracteurs, Mme Nyamko Sabuni répond : «je dis avec honnêteté comment sont les choses : je crois toujours en ces propositions… J’ai joué mon rôle, j’ai initié un débat. En tant que ministre, je fais appliquer la politique sur laquelle nous sommes tombés d’accord... En tout cas, le plus important, pour moi, est que nous ayons un dialogue, un débat, et que nous décidions ensemble de ce qu’il est possible de faire... Pour moi, il est très important que les gens sachent et prennent conscience du fait que, ici, ils ont des possibilités et des avantages, mais aussi des obligations et des exigences… ». 

On comprend, par de telles propositions, que Mme Nyamko Sabuni est farouchement opposée aux pratiques culturelles ou religieuses, notamment lorsqu’elles ne respectent pas la Constitution, ni les droits de l’Homme. On note que, à l’heure actuelle, environ 100.000 filles en Suède subissent "la culture de l’honneur", une notion qui englobe, pour elle, les examens de virginité, le port du voile pour les petites filles, l’excision, les mariages forcés ou encore les violences physiques, etc. Comme vous voyez, de par la qualité et l’originalité de son parcours, de par son engagement social et politique, Mme Nyamko Sabuni mérite de figurer au tableau d’honneur. 

Puissent son background et sa réussite inspirer les jeunes générations d’Afro-suédois, et de façon générale, toutes les jeunesses africaines sur le continent et partout ailleurs dans le monde. 

Léandre Sahiri 

Source : afriquecentrale.info Paru dans Le Filament N°21

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