samedi 30 octobre 2010

Du meeting de M. Kouadio Konan Bertin à Tiassalé


Il y a quelques jours, j’ai lu un article de presse du journaliste Jules Claver Aka, Envoyé spécial du journalLe Nouveau Réveil. L’article est un compte-rendu du meeting de M. Kouadio Konan Bertin, alias KKB, président national de la Jeunesse du PDCI. Ce meeting a eu lieu le dimanche 3 octobre dernier à Tiassalé, dans le sud de la Côte d’Ivoire, et ce, dans le cadre de « larentrée politique de la délégation départementale du PDCI». Comme d’habitude, je vais ici saisir l’occasion pour dire ce que je pense de ce que M. Jules Claver Aka a qualifié de « message dense aux militants du PDCI ».

Êtres humains ou bêtes à visages humains ?

En cette période pré-électorale, M. KKB a recommandé aux militants du PDCI en général, et aux jeunes en particulier, la mobilisation permanente. Au titre des consignes de vote, il leur a donné les mots d’ordre suivants : « On va commencer à voter le 31 octobre à partir de 8 heures, jeunes de Tiassalé, dès 8 heures,vous prenez tous les bureaux de vote. Assurez-vous que les femmes et les vieux ont tous voté. A partir de midi, vous avez fini le travail …si Gbagbo s`amuse à appeler ses patriotes dans la rue, vous les cognez proprement ».Autrement dit, le PDCI n’attendra pas la clôture des bureaux de vote, encore moins le dépouillement… J’avoue que, là, j’ai été bien choqué par la violence du langage de M. Kouadio Konan Bertin. Il me semble avoirretrouvé le même discours d’une autre époque qui, hier, invitait et incitait les jeunes du RHDP à bruler les bus et les édifices publics de la république. Et alors, je me suis demandé pourquoi les responsables politiques ivoiriens répugnent tant à bannir de leur langage les appels à la violence ? Je me suis également demandé comment des gens, parce qu’ils se disent « militants » peuvent-ils toujours exécuter ce genre de mots d’ordre, sans réfléchir et sans se rendre compte qu’ils se font du mal à eux-mêmes et au pays ? C’est à se demander siles militants africains se prennent pour des êtres humains ou si l’on doit les considérer comme des bêtes à visages humains ?

Un nouveau Pétain ?

En tout cas, les propos de M. KKB m’ont vachement rappelé ceux de M. Philippe Pétain, chef de bataillon,professeur à l’Écolede guerre, chargé du commandement des troupes engagées à Verdun. Devenu aux yeux de tous « le vainqueur de Verdun » et jouissant d’une popularité considérable, Philippe Pétainreçut son bâton de maréchal de France en novembre 1918. Il privilégiait les charges de cavaleries et les attaques à la baïonnette, préconisait l'utilisation des canons pour les préparations et les barrages d'artillerie, afin de permettre la progression de l'infanterie, laquelle doit pouvoir tirer précisément sur des cibles individuelles. Le maréchal Pétain déclarait aux élèves officiers : « Accomplissez votre mission coûte que coûte. Faites-vous tuer s'il le faut… ». C’est sans doute à cause de ce langage de violence qu’il fut condamné à l’indignité nationale, et fut exclu de l’Académie française…

Du délire paranoïaque

Dans le même message, M. KKB a précisé : « Je suisvotre attaquant. Et vous êtes des défenseurs. Tiassalé est ma surface de réparation. Et vous êtes mes défenseurs. Ma surface est entre vos mains. C`est lamission que je vous confie ». On note ici que le langagede M. KKB est caractérisé par une réelle surestimation de lui-même, une auto-proclamation, un orgueil anormalement développé et associé à l’agressivité et au mensonge. C’est ce que les psychologues appellent « le délire paranoïaque ». Malheureusement, la paranoïa, est la maladie dont souffrent la plupart de nos politiciens, à tous les niveaux, à droite comme à gauche ; c’est cela qui fonde leur mauvaise foi et quijustifie que, chez nous, il y a plus de dérapages que de propositions d’idées constructives. Il faut savoir que la paranoïa est, au sens premier, un dérèglement appartenant au groupe des psychoses. Elle est caractérisée par un délire systématisé, sans affaiblissement des capacités intellectuelles. C’est une maladie qui débute à l'âge moyen de la vie (35-45 ans) sur un fond de méfiance, d’orgueil, d’hypertrophie du Moi, de susceptibilité, de jugement faux, de rigidité du psychisme, de désir de vengeance…), qui naît, bien souvent, d'un conflit psychoaffectif d'importance variable ; ce qui suppose que, pour comprendre les propos et les agissements de l’individu concerné, il fautfaire une investigation dans son enfance et dans sa jeunesse, c'est-à-dire interroger son milieu familial, ses relations avec ses parents, son niveau d’instruction, etc.

Dans ce cas du « délire paranoïaque », le sujet tient des propos très bien argumentés, apparemment cohérents et convaincants, si bien que l’on arrive parfois à engager des personnes fragiles ou ignorantes ou manquantd’esprit critique ou incapables de « s’élever au-dessus des contingences immédiates pour se comporter en êtres pensants ». Mais, la base du raisonnement est fausse, ou la conclusion est erronée. En effet, M. KKB a, au cours de ce meeting du dimanche 3 octobre dernier à Tiassalé, affirmé que « le coup d`Etat de 1999 s’est passé sans effusion de sang par la volonté du président Henri Konan Bédié, parce que celui-ci ne voulait pas que le sang de ses compatriotes coulepour son pouvoir ». Ceci est totalement faux, puisque le président Henri Konan Bédié avait appelé à la« résistance » au coup d’Etat l’emportant. C’est plutôtles Ivoiriens qui ont refusé radicalement de verser inutilement leur sang pour un homme qui s’était montré, comme l’avait écrit Béchir Ben Yamed, « inapte à assumer l’héritage d’Houphouët-Boigny : le vêtement était visiblement trop ample pour lui » (J. A, janv. 2000).Et puis, nul n’ignore que « l’appel à la résistance » de M. Henri Konan Bédié avait donné le jour à une liesse populaire pour saluer son départ et pour cause. La « Lettre Ouverte » signée des mains de M. Tiburce Koffiet publiée dans le journal Le Jour n° 1270 du 30 avril1999 précise : « …Monsieur le Président, vous et vos amis et partenaires du pouvoir politique, seuls élus au banquet de l’abondance et de la jouissance, n’avez pasle sens du sacrifice. Vos préoccupations essentielles semblent être les suivantes : continuer dans la culturedu gaspillage et du clinquant, sacrifier le peuple, bloquerles salaires, hausse sans cesse et fantaisiste des prix,absence d’une politique sociale réelle du logement… Ici, en Côte d’Ivoire, on ne pense plus, on mange et on cherche à manger, car le savoir ne donne plus accès ni au respect ni au travail… ». Sans commentaire. De plus,M. KKB affirme que « Laurent Gbagbo sait qu`il ne peut jamais gagner les élections en Côte d`Ivoire, même dansses rêves les plus fous ». Et pourtant…

J’accuse

Dans son « message », M. KKB a dit : « …Quand on demande à des gens, qui allez-vous votez, ils répondent Laurent Gbagbo. Et quand on leur demande pourquoi,ils répondent, parce que Laurent Gbagbo est garçon. Depuis quand on est garçon en politique ? Laurent Gbagbo est quel genre de garçon ?... Laurent Gbagbo joue au brave alors que ses collaborateurs autour de lui meurent… Boga Doudou est tombé, Daly Oblé est tombé, Dagrou Loula est tombé. Bouaké est tombée,Korhogo est tombée, Man est tombée… et la Côte d`Ivoire est aujourd`hui divisée en deux. Alors, Gbagbo est quel genre de garçon ? Il a dit, tant que je seraiprésident, Soro Guillaume ne sera jamais ministre.Gbagbo est président et Soro Guillaume est devenu Premier ministre. Quel genre de garçon est-il ? »...Je me dois d’abord d’avouer que j’ai été choqué par la désinvolture et la vulgarité du « leader » qu’est M. KKB. Il n’est en rien un modèle, ni au plan intellectuel, ni au plan politique, ni au plan de l’éthique… Il ne sait mêmepas respecter la mémoire des hauts cadres et des officiers supérieurs de notre armée nationale, en l’occurrence feux Boga Doudou, Daly Oblé, Dagrou Loula, entre autres, qui au-delà de leurs appartenances ethniques et politiques, sont, d’abord et avant tout des dignes fils de la Côte d’Ivoire et ont été de loyaux serviteurs de la Côte d’Ivoire. Il n’éprouve aucune peine devant le désastre qu’a dû subir notre pays, et singulièrement les régions de Bouaké, Korhogo, Man… dont les populations ont été les plus durement touchées par la rebelion. On a même l’impression qu’il éprouve une certaine gaîté à voir « la Côte d`Ivoire aujourd`hui divisée en deux » et qu’il ne comprend pas que c’est là, bel et bien, la preuve de notre sauvagerie et de notre barbarie qui nous rendent ridicules aux yeux des autres peuples du monde.

Le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur dans la crise ivoirienne, a lancé "un appel solennel" pour "une campagne électorale sans violence". Le représentant spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire, M. Youn-jin Choi, a exhorté les candidats à la "maturité" et le président de la Commission électorale indépendante (CEI), M. Youssouf Bakayoko, a prôné "la plus grande sagesse durant cette période sensible". Aussi, force est d’accuser M. Henri Konan Bédié, candidat à laprésidence de la République démocratique de Côte d’Ivoire, de laisser le leadership de la jeunesse de son parti à un tel « garçon » semant à tout vent les germes de la violence ? A moins que M. KKB soit « la voix de son maître »... Sinon, le président Bédié devrait rappeler M. KKB à l’ordre ou tout au moins calmer ses ardeurs... Du moins, de mon point de vue... Et, fort heureusement et à mots couverts, le vice-président du PDCI, M. Ouassénan Koné l’a fait, fort bien sagement, en invitant les Ivoiriens à la raison et al tempérance: « Je voudraisvous inviter à être prudents le 31 octobre », a-t-ilconseillé aux populations de Tiassalé. Chapeau bas, mon Général ! Par-dessus tout, j’accuse les autorités de Tiassalé de n’avoir pas réagi aux propos d’incitation à la violence de M. KKB, aux fins de les condamner vigoureusement, de prévenir tous actes de violence susceptibles de porter atteinte à la crédibilité du scrutin du 31 octobre que nous avons appelé de tous nos vœux, de sorte que nous restions tous unis derrière celui qui sera élu, commecela se passe dans les pays civilisés du monde entier.

M. KKB a conclu son message en invitant l`ensemble de la population de Tiassalé à « faire le bon choix le 31octobre… Et, faire le bon choix, a-t-il dit, c’est voterBédié, parce que Bédié est prêt à reprendre le combat du développement là où les armes l`ont contraint à lelaisser ». Sur ce point, il y a débat. La vérité sortira, au soir du 31 octobre, des urnes.C’est ce que je pense.

Léandre Sahiri,Directeur de Publication



Edito du 15 octobre 2010

Comme nous le disions précédemment, la création de notre site lefilament.info, marque une étape très importante de la vie de votre journal Le Filament . Si ce n’est déjà fait, visitez notre site et invitez d’autres personnes à le découvrir. D’autres innovations sont attendues pour que Le Filament demeure adapté à l’air du temps et pour qu’il réponde, encore et toujours à votre attente et à votre goût. Le comité de rédaction y travaille chaque jour, aveccourage, enthousiasme, détermination et abnégation, bien entendu, en tenant compte de vos avis, conseils et suggestions. C’est aujourd’hui une réalité que Le Filament est attendu chaque mois avec impatience et grand intérêt. Ceci nousencourage à poursuivre et à garder la ligne d’indépendance et de liberté que nous avons délibérément choisie de suivre etqui nous distingue. Nous continuerons à privilégier la courtoisie, la recherche, l’investigation, l’analyse, la documentation. Nous continuerons à ne publier que ce qui a de l’intérêt et du sens, au-delà de toute complaisance, de tout parti pris et des querelles inutiles. Nous veillerons à ce que Le Filament demeure un vrai carrefour ou uneplateforme véritable d’échange et de débat d’idées…

Le nombre de nos lecteurs et lectrices s’agrandit chaque jour davantage. Parce que, effectivement, vous nous aidez volontiers à diffuser largement Le Filament . Parce que vos contributions sont de plus en plus nombreuses et dequalité appréciable.

Nous vous en sommes très reconnaissants. Le Filament est entièrement gratuit parce que nous sommes convaincus qu’on peut s’instruire sans frais et qu’on peutfaire des réalisations grandioses sans grands moyens. Dans ce sens, continuez à offrir Le Filament GRATUITEMENT, à vos amis, à vos parents, à vos connaissances, notamment par email, par fax, par photocopie, par courrier postal, etc.Excellente lecture. Portez-vous bien et à très bientôt.

Léandre Sahiri
Directeur de Publication

lundi 4 octobre 2010

Dambisa Moyo

Professeur, Economiste, auteur de du livre « L’aide fatale »



Au tableau d'honneur de ce mois, je vous présente Mme Dambisa Moyo. Originaire de la Zambie, elle a fait ses études (Harvard) aux Etats-Unis avant de travailler à la banque mondiale en qualité de consultante de 1993 à 1995, puis à la banque d'affaires Goldman Sachs de 2001 à 2008 où elle a été directrice de la recherche économique et de la stratégie pour l'Afrique subsaharienne. Elle est économiste et professeur au Centre for International Business and Management (CIBAM) de l'université de Cambridge (UK) et du Royal Institute of International Affairs (Chatham House).

En mai 2009, la revue Time Magazine a classé Mme Dambisa Moyo parmi les 100 personnes les plus influentes du monde. Auteur de nombreux essais économiques, traduits dans plusieurs langues, entre autres de «Dead Aid: Why Aid is Not Working and How There is a Better Way For Africa », (en français : « L’aide fatale ») publié au printemps 2009 aux États-Unis.

L'essai propose de nouvelles solutions à la dépendance systématique des pays pauvres à l'aide publique. L'analyse de l'économiste offre, de plus, de nouvelles perspectives sur le rapport entre les objectifs attendus et les résultats obtenus de l'aide au développement, en relevant les impasses économiques vers lesquels celui-ci a conduit l'Afrique.

« L’Afrique a des ressources énergétiques et une main-d’œuvre jeune qui ne demande qu’à travailler ».

Pour Mme Dambisa Moyo, l'aide est un problème pour l'Afrique. Et de ce point de vue, le constat est, pour elle, tout simple : « après trente années d’aide au développement à l’Afrique au nom de la pauvreté, le continent africain n'a pas encore effacé ses déséquilibres économiques. En 1970, 10 % de la population du continent vivait avec moins d'un dollar par jour. Aujourd’hui, encore le 70 % des Africains est dans cette situation. Dans le même temps, le niveau de vie a progressé dans le reste du monde. En Chine, par exemple, 300 millions de personnes sont sorties de la pauvreté. Je ne remets pas en cause l’aide humanitaire d’urgence apportée à la suite des inondations, des sécheresses ou des famines. Je critique l’aide au développement pour les dizaines et dizaines de milliards de dollars en provenance des pays riches ou des institutions internationales qui n'ont pas produit d'effet ».

« L’Afrique doit se tenir sur ses jambes ».

En outre, Mme Dambisa Moyo dénonce, dans son livre, l'aide au développement comme un des facteurs essentiels de corruption dans certains Pays : « L’aide au développement pose de nombreux problèmes, dont celui de la corruption. Cet aide dirige les pouvoirs publics africains à se débarrasser des questions nationales très importantes comme l’éducation, la santé, le respect de l’environnement... qui sont là des domaines très stratégiques pour l'avenir d'un pays. Or, ils sont confiés au financement de l’aide étrangère. Beaucoup de gouvernements africains ont été amenés à considérer l'aide comme une source de revenus permanente et sûre. Ces financements dispensent enfin les États africains de lever des impôts. Or, s’il ne revendique pas d’argent à ses administrés, un gouvernement peut s’abstenir de leur rendre des comptes. Dans les années 60, l’aide étranger allait aux infrastructures, dans les années 70 vers la pauvreté, dans les années 80 vers l’ajustement structurel et dans les années 90 vers la démocratie et la gouvernance. Mais, le point fondamental est que cet argent a été toujours utilisé dans de mauvaises directions. Ce système a produit, jusqu'à aujourd'hui, de l'inflation, une dette plus lourde et une nouvelle pauvreté. Nous n'avons pas eu, dans ces dernières décennies, de véritables changements. Il est virtuellement impossible en s'appuyant sur l'expérience de l'Afrique, pour soutenir que l'aide a eu des résultats positifs.

L’Aide Fatale, Editions JC Lattès, 256 pages.

Sur la base de ce constat, Dambisa Moyo propose de remplacer l’aide au développement par des capitaux privés. Pour elle, l’Afrique a en effet enregistré depuis des années le début d’un décollage économique très perceptible. Des nations africaines, comme le Gabon, le Ghana, l’Afrique du Sud et le Botswana, entre autres, ont déjà fait recours aux investisseurs privés et ont pu émettre des emprunts sur les marchés obligataires... »…

Vous avez sans doute compris pourquoi Mme Dambisa Moyo qui s’est engagée pour bousculer le politiquement correct, en dénonçant l’aide à l’Afrique, .mérite, bel et bien, de figurer dans cette rubrique.

Si vous avez lu les livres de Mme Dambisa Moyo, n’hésitez pas à nous faire partager vos impressions et vos avis. Envoyez-nous vos commentaires, analyses et compte-rendu, etc. Nous les publierons dans nos prochaines parutions.

Léandre Sahiri

Paru au tableau d'honneur du Filament N°8



Noir Canada

Un livre d’ALaIn DENEAULT
Genre : Essai
Editions Écosociété, Montréal, 2008
Présentation par Sylvain de Bogou


Alain Deneault anime le collectif Ressources d'Afrique. Il est titulaire d’un doctorat de philosophie de l’Université de Paris-VIII et mène aujourd'hui des recherches en sociologie à l'UQAM. Ses recherches et publications portent sur la fonction sociale, conceptuelle, psychique et esthétique de l’argent, les notions relatives au développement en Afrique, ainsi que sur les concepts fondamentaux de la philosophie politique jaugés au regard des réalités financières offshore. Alain Deneault a fait paraître des articles dans de nombreuses revues scientifiques (Global Crime, Mouvements, Le Coq héron…) de même que dans des publications politiques, telles que Billets d’Afrique, À bâbord !, ou encore dans Le Devoir. Il est l’auteur de Paul Martin et compagnies, Soixante thèses sur l’alégalité des paradis fiscaux (VLB, 2004).

Paru en 2008, son livre « Noir Canada », sous-titré « Pillage, corruption et criminalité en Afrique » est déjà à son troisième tirage. Ce fait démontre combien de fois ce bouquin de 346 pages est devenu incontournable dans les milieux des amoureux de la lecture simple et dans les sphères des politiques et des intellectuels tout court. C’est un livre pour tous et surtout pour les patriotes africains ; sans oublier les « amis » de l’Afrique.


Nombreux sont les thèmes abordés. L’auteur et ses collaborateurs parlent des crimes commis par les sociétés canadiennes qui contrôlent les richesses du sous-sol de toute l’Afrique. Ils soulignent également la place prépondérante que joue le Canada dans la protection des corporations étrangères et canadiennes qui commettent des crimes (homicides et scandales financiers) en Afrique. La corruption, les menaces contre toute personne qui ose lever le doigt et le pillage à grande échelle sont des pratiques quotidiennes chez les compagnies canadiennes, selon l’auteur. Pour Alain Deneault donc, le Canada qui présente toujours un visage de bon Samaritain en Afrique, est au cœur de ce qu’il appelle « la Mafiafrique ».

Ce livre est à lire. Car, il conduit le lecteur dans les méandres et les combines utilisés par les Occidentaux à travers leurs corporations (parfois à visage philanthropique) pour faire perdurer les souffrances des populations africaines et perpétuer la misère en Afrique.

Il s’entend que toutes les lignes de cet ouvrage restent, au sens juridique, des allégations. Les informations qu’il donne proviennent de sources crédibles et réputées, de Goma à Kinshasa, en passant par Berlin, Bruxelles, Londres, Paris, New York, Washington, Toronto, Ottawa ou Montréal. Il s’agit de données relevées dans des rapports d’organisations reconnues, dans des articles d’organes de presse réputés, dans des mémoires consignés par des autorités dans le cadre d’auditions d’experts, dans des documentaires fouillés et témoignages circonstanciés. Le plus souvent, ces données se sont recoupées. Leur nombre est effarant.

Au total, « Noir Canada » est un livre de grande valeur, un livre-enquête à lire nécessairement.

Sylvain De Bogou

Paru dans la rubrique Livre à lire du Filament N°8



Trop cher, le livre ?

A un ami, je me suis permis de demander ce qu'il pense des pages littéraires dans nos quotidiens nationaux. Voici ce qu’il m’a répondu : « Ne crois tout de même pas que je lis ce genre de trucs ! ». Est-ce parce que ces pages littéraires sont d'une indigence à faire rougir ? Pas du tout. Mon ami poursuivit : « Mon cher ami ! La plupart du temps, vous parlez de livres qui coûtent… trop cher. Des gens comme moi ne peuvent pas dépenser autant d'argent pour un livre ». Et voici la rengaine !

Les livres coûtent-ils vraiment trop cher ?
Cette idée selon laquelle le coût du livre est hors de portée de l'individu moyen est très répandue dans notre pays, et partout ailleurs en Afrique. C'est l'une des questions auxquelles les éditeurs doivent souvent répondre. Mais, pose-t-on la même question à propos d'automobiles, de téléviseurs, de réfrigérateurs ou de tous les autres gadgets que nous achetons à prix d'or ? Et pourtant, un simple exemple pour nous édifier. En valeur, un fumeur moyen (10 cigarettes/ jour. 35 F la cigarette) brûle en cigarettes (350x 30 jours = 10500 F CFA) trois bons livres par mois. Autant dire que, avec cette comptabilité, un fumeur modeste vaut un gros lecteur. On pourrait continuer la comparaison avec la consommation nationale d'alcool, évidemment supérieure, en termes de budget, à celle des livres. Or, quel que soit le prix d'un livre, il ne vaut pas la valeur de ce qu'il nous apporte. Si notre rapport au livre reste distant et fait que notre consommation en livres reste faible, c'est juste parce que nous pensons que la lecture est un passe-temps moins passionnant, moins utile que le cinéma, la télévision, les sorties, etc. Et non parce que le livre coûte trop cher. Notre rapport au livre relève ainsi d'un simple fait de représentation.

Tout dépend de notre rapport au livre.
Quelle est notre représentation du livre ? Quel est notre rapport au livre ? Quelle place occupe-t-il dans notre vie ? Une fois qu'on aura réglé ces questions, on ne pourra plus concevoir notre vie sans y inclure le livre et la lecture.

C'est-à-dire la représentation que nous avons du livre est de le considérer comme un bien inutile dans notre vie. Par le livre, on acquiert les armes essentielles permettant de comprendre le monde et la société dans laquelle nous vivons. Parce que le livre aura fait disparaître notre ignorance et notre incapacité à comprendre les choses les plus banales du fonctionnement des sociétés humaines.

Serge Grah

Paru dans la rubrique sous l'art à palabre du Filament N°8

Les raisons socio-politiques de l'expansion des églises évangéliques en Afrique

Il s’observe ces deux dernières décennies un fourmillement sans précédent de nouveaux mouvements religieux d’inspiration protestante, tant en Afrique subsaharienne que dans les populations immigrées d’origine africaine en occident. Ce phénomène semble être attribué au besoin de voir le monde religieux intervenir rapidement dans la résolution des problèmes matériels, physiques et sociaux de l’homme.

Il semble être aussi une réponse, en particulier en occident, à la nécessité de l’affirmation d’une identité culturelle particulière. Celle-ci fonde et véhicule une vision du monde, autant qu’elle détermine la manière de penser, d’agir et de se comporter. Regardons de très près ce qui passe en Afrique. Partons d'exemples concrets. En République Démocratique du Congo (RDC), pour la seule ville de Kinshasa, le nombre des Églises dites de « Réveil » est estimé à plus de 8 000 pour une population évaluée à près de 7,5 millions d’habitants. Une enquête effectuée du 17 septembre au 8 octobre 2002 sur l’appartenance religieuse de la population de cette ville révèle que 27,8% de cette population, soit plus d’un quart, ont déclaré être membres d’une « église de réveil ». Les fidèles des Églises catholique et protestante représentaient, quant à eux, respectivement 34,2 et 25,1%. Pourtant, entre 1968 et 1970, 58,6 % de la population adulte s’étaient déclarés catholiques et 27,0% protestants. Les Églises de réveil étaient donc pratiquement inexistantes. En 1990, ces Églises comptaient 10% de fidèles pour atteindre 15% entre 1994 et 1996 et avoisiner les 30% depuis 1998. Dans une ville comme Lomé qui fait moins d'un million d'habitants, on compte plus de 400 églises dites du réveil. La question qui se pose alors est la suivante : Pourquoi cette situation? Autrement dit, quelles sont les raisons socio-politiques de cette émergence des églises évangéliques? Mais d' abord, que faut-il entendre par églises du réveil?


Que faut-il entendre par « Eglises du réveil »?

Comme leur nom l’indique, les « Églises de réveil » militent pour un réveil spirituel. Elles se présentent comme une alternative à l’hermétisme et à la torpeur des religions traditionnelles catholique, protestante et musulmane. Elles ont trouvé un terrain de prédilection un peu partout en Afrique, au début des années 1990, grâce à la proclamation de la démocratie qui reconnaît ipso facto la liberté d’association et de culte. Elles sont ainsi passées de groupes informels (cellules ou fraternités de prière) en organisations structurées.

Les Églises de réveil sont issues du courant évangélique (néo-pentecôtiste et charismatique) anglo-saxon dont l’Amérique constitue le berceau et la terre d’élection. Elles constituent donc des formes du protestantisme. Fondées sur la seule autorité de la Bible, en référence au principe protestant « sola bibilia », ou « sola scriptura », les Églises chrétiennes indépendantes proclament leur foi en Jésus-Christ considéré comme fils de Dieu. Cette foi est, selon elles, le fruit de la grâce divine. Les Églises de réveil croient au baptême par immersion comme résultat d’une décision personnelle responsable. Ainsi, le baptisé devient un « chrétien né de nouveau » par le baptême du Saint-Esprit, « c’est-à-dire une personne ayant quitté le monde, abandonné « la vie de péchés » pour mettre en pratique la Parole de Dieu (la Bible) ou, selon la formule consacrée, pour mener une vie de sanctification » (Jean-Pierre Missié). Comme toute autre communauté chrétienne, les Églises de réveil ont leurs structures hiérarchiques, leur liturgie et leurs recettes religieuses. Celles-ci sont formées essentiellement des cultes d’adoration et d’intercession, des études et enseignements bibliques, des veillées de prière, des témoignages (aveux publics des bienfaits de Dieu), des jeûnes, des cures d’âme et des séances de guérisons-miracles.

En ce qui concerne les cures d’âme, elles consistent en des entretiens directs avec le fidèle sur sa vie, son histoire, ses relations familiales et sociales, etc. Ces entretiens ont pour but ultime de situer l’origine du mal assaillant le fidèle. A travers cette relation d’aide et de confiance, le pasteur joue à la fois le rôle de psychologue et de conseiller spirituel.


Quelles sont les raisons socio-politiques de leur expansion en Afrique des églises du réveil ?

Trois éléments importants sont à prendre en compte en ce qui concerne le succès récolté par les Églises de réveil et leur expansion en Afrique.

D'abord, leur prétention de proposer des solutions rapides aux échecs et difficultés de la vie quotidienne de leurs adhérents meurtris par la déstructuration profonde du tissu économique et social, occasionnée notamment par la mal gouvernance de la part des dirigeants (corruption, pillage des ressources nationales, etc. ), les guerres et les conflits armés internes à ces pays. Les solutions proposées sont essentiellement l’évangile de prospérité matérielle et immatérielle (argent, travail aux pauvres, mariage aux célibataires en quête de partenaires, progéniture aux personnes stériles ou en difficulté de procréer etc.) et la distribution des guérisons-miracles. La réussite matérielle et immatérielle, perçue ici comme une bénédiction de Dieu, serait acquise après une séance de désenvoûtement, encore mieux de « délivrance » de tout lien satanique, source d’échec et de blocage.

Ensuite, certains leaders d’Églises de réveil puissantes entretiennent des relations privilégiées avec le monde politique et économique. S’ils ne sont pas partenaires ou représentants financiers des hommes politiques, ils bénéficient, d’une manière ou d’une autre, de leur assistance et de leur protection (argent, voiture, garde du corps, etc.). En retour, du fait de leur autorité et popularité, ils contribuent à asseoir ou à légitimer le pouvoir politique, par des passages bibliques érigés en postulats tels que : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu » (Rom. 13, 1), « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt. 22, 21)... Ainsi, ils participent, consciemment ou inconsciemment, à étouffer toute tentative de contestation sociale et, par ricochet, à entretenir et à accentuer la misère des populations. Leurs discours non engagés se révèlent donc être aux antipodes de leurs actes.

Venons-en au troisième et dernier élément. Une fois à l'étranger, tout individu est confronté à des systèmes culturels différents, parfois incompatibles. Cette différence culturelle « apparaît toujours, au premier abord, comme une menace ». Ainsi, se développe-t-il des stratégies d’auto-défense en vue de préserver une certaine identité culturelle. Celle-ci véhicule une vision du monde et détermine, consciemment ou inconsciemment, le comportement des individus. Ainsi, dans les pays occidentaux, la plupart des hommes et des femmes d'origine africaine qui adhèrent aux nouveaux mouvements religieux, le font pour des raisons essentiellement culturelles. On peut aussi noter la grande sécurité que ces églises apportent à ses membres et l'intégration sociale à travers la « communauté » que forment ces églises.



Comment fonctionnent ces églises ? Comment et pourquoi y adhère-t-on ?

C'est clair : il en faut un peu plus pour cerner les contours de la question des raisons socio-politiques de l'expansion des églises évangéliques. L’étude du phénomène de nouveaux mouvements religieux dont le foisonnement a été observé ces deux dernières décennies en Afrique et en occident, particulièrement parmi les populations immigrées d’origine africaine, autorise au moins deux réflexions : d'abord, le fonctionnement de ces mouvements repose sur la logique selon laquelle le bien (la santé, le mariage, la progéniture, la richesse matérielle etc.) et le mal (la stérilité, la maladie, la pauvreté, le chômage, le célibat forcé etc.) survenant dans la vie d’un individu ont une origine externe. Le mal viendrait des sorciers et de mauvais esprits tandis que le bien de Dieu et de bons génies

Ensuite, l’adhésion à un mouvement religieux d’origine africaine en occident est largement influencée par des motivations culturelles, à savoir le besoin de vivre sa culture et, de ce fait, d’être en cohérence avec les normes et valeurs sociales de son groupe culturel d’appartenance, normes et valeurs préalablement acquises par le processus de socialisation. Cette cohérence dans la manière de penser, d’agir et de se comporter confère à l’individu une sécurité psychologique, par rapport à lui-même et par rapport à ce groupe. Comme on le voit, il est impossible de dialoguer avec ces églises, si on ignore leurs raisons d'être et leur identité…

Jean-Paul SAGADOU, Religieux assomptionniste, Diplômé en théologie de l'Institut Catholique de Paris. Président-fondateur de l'Association Personnaliste des Amis de Mounier (APAM-Burkina), il accompagne aussi la réflexion de la Jeunesse Etudiante Catholique (J.E.C) du Burkina Faso ainsi que celle de la JEC de l'Afrique de l'Ouest francophone.

Paru dans la rubrique Religion du Filament N°8



L’échec de l’aide internationale

Les pays africains ont été contraints, au lendemain des «indépendances», d’hériter des dettes que les anciennes puissances coloniales avaient contractées pour les exploiter. A peine « libérés », ils ont été considérés insolvables par les agences de notation financière. Exceptés l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, dirigés par des autorités blanches, ils ont été quasiment interdits d’accès au marché des capitaux et ont donc été contraints de sous-traiter leur « développement » auprès des institutions de Bretton Woods.

Depuis, une source très importante de l’endettement des pays d’Afrique subsaharienne provient des prêts du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), mais également de la Banque Africaine de Développement (BAD), bras armé africain de ces institutions internationales.

Alors qu’ils s’adressent aux pays les plus pauvres de la planète, les prêts octroyés sont soumis à des taux d’intérêt scandaleux et à des conditions draconiennes pour les bénéficiaires qui se voient contraints, par ces institutions, à des politiques économiques austères devant, en théorie, assurer leur développement : privatisations massives des secteurs-clé de l’économie, désengagement de l’État des programmes sociaux (santé, éducation, etc.). Cependant, selon le propre constat de ces institutions, l’essentiel des programmes imposés ont été des échecs. L’Afrique se retrouve donc avec ces dettes, sans avoir bénéficié du moindre recul de la pauvreté.

Le revenu réel par habitant dans l’Afrique subsaharienne est inférieur à ce qu’il était dans les années 1970, plus de 700 millions d’Africains vivent avec moins de 1 dollar par jour. L’espérance de vie stagne, un enfant sur sept meurt avant l’âge de 5 ans, l’alphabétisation est inférieure à ce qu’elle était en 1980. Le secteur agricole a été décimé par les programmes d’ajustements structurels, au point que la sécurité alimentaire est très gravement menacée ; situation d’ailleurs reconnue par M. Zoellick, Président de la Banque

Mondiale, qui a fait un mea culpa public.

En ce qui concerne la Côte d’ivoire, un Ivoirien sur deux vit aujourd’hui avec moins d’un dollar par jour, soit environ 600 CFA. Le montant de la dette représente 60% de son produit intérieur brut (PIB). Et, situation totalement surréaliste, le pays peut rembourser plus qu’il ne reçoit de ces institutions si bien que, pour la seule année 2008, la Côte d’Ivoire a dû rembourser 251,8 milliards alors qu’elle n’a reçu que 60,14 milliards. On est en droit de se poser la question : Qui aide qui ?

Adjé Kouakou,
Producteur et Présentateur de l’émission AMANIEN.
Voice of Africa Radio à Londres

Paru dans la rubrique Amanien du Filament N°8

Côte d’Ivoire : La débauche institutionnalisée

Dix-sept pays africains, dans une liesse fiévreuse et hérétique, fêtent les cinquante années de leur indépendance, en cette année 2010. Toute l’Afrique s’embrase aux couleurs « des cinquante années d’indépendance ».En Côte d’Ivoire, comme si l’ivresse d’un seul jour était la solution que le peuple attendait pour enfin bien respirer, des sommes faramineuses, qui n’existaient pas pour réduire la souffrance des peuples, sont curieusement trouvées et dépensées.Et pourtant, le paradoxe est tel qu’on se croirait devant une aporie et une apoplexie au même instant.

Une aporie parce qu’on se trouve totalement désarmé devant ce qui se passe dans ce pays, la Côte d’Ivoire. L’éthique, il ne faut pas en parler. Et cela va du public au privé, en passant par la famille. L’Etat, si on peut le résumer aux trois institutions suivantes : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire, est lui-même le nid de la corruption et de la putréfaction de la Côte d’Ivoire : « il faut corrompre pour vivre ou pour survivre », telle est la nouvelle donne. Et alors, on ne réfléchit plus, on ne pense plus, on n’ose plus poser de questions : « on se tait pour mieux manger ». Des enquêtes farfelues sont engagées sans aucun résultat ou si la chance est au rendez-vous, le résultat est simplement politicien. Le tout, au détriment des « sans voix » qui se contentent d’applaudir ou de défendre le « coupable blanchi » pour une question de géopolitique.

Ainsi va la Côte d’Ivoire où tout était, est et reste pourtant possible pour pousser l’Afrique en avant, au développement.

Ce qui se développe par contre est la Rue Princesse avec ses conséquences : croissance du SIDA et d’autres maladies sexuellement transmissibles (MST).

La Rue Princesse est le lieu de ravitaillement en belles jambes pour les ayant, il ne faut donc pas la toucher. Non !

L’école, il ne faut pas en faire cas. Les résultats de fin d’année vacillent entre 18% et 30%. Cela va du primaire au supérieur. Et, devant cette destruction volontaire de la production intellectuelle par des intellectuels qui avaient, pourtant, promis monts et merveilles, les parents, sans doute désabusés, continuent d’applaudir les « Sauveurs de la République » qui s’enrichissent sur leur dos et qui logent, à grand prix, leurs petites maîtresses écervelées dans les quartiers huppés de Cocody avec des 4x4 flambant neuf comme récompense des coups de rein donnés de temps en temps.

Dans les universités et écoles dites supérieures, la tête ne compte plus. La « raison » des fesses a pris le pas sur le cerveau. Seules les jambes, le visage bien maquillé et « l’approche de l’étudiante » envers son enseignant donnent droit aux bons résultats. Et, pendant ce temps, pour échapper à la règle d’or, la loi des fesses, du passage à la classe supérieure, les intellectuels et leurs amis dirigeant les institutions et les grandes boîtes étatiques, envoient leurs filles étudier en Occident. Et toujours, le peuple applaudit à cœur joie.

Nous parlons également de l’apoplexie, parce que l’état des choses en Côte d’Ivoire donne l’impression que les intellectuels au pouvoir, et cela en provenance de tous les partis politiques, sont tous devenus amnésiques. Ils feignent d’oublier que c’est grâce aux études faites (complétées ou non) qu’ils sont aujourd’hui au devant de l’Etat. Il y a donc lieu de se demander s’ils n’ont pas perdu le fonctionnement de leur cervelle. Ils choisissent d’utiliser les syndicats des enseignants comme des armes politiciennes et servent les Ivoiriens de discours creux qui montrent leurs incapacités notoires à placer la Côte d’Ivoire sur le chemin du développement tant souhaité, tant recherché et tant promis.

Mais, peuvent-ils jamais s’imaginer, du moins savoir que leurs mensonges et leur politique du ventre et des fesses prendront fin un jour et que l’histoire qui est le vrai juge, les condamnera, à jamais, sur l’autel des enfants indignes d’une République aux énormes potentialités.

SYLVAIN DE BOGOU, Directeur de la rédaction
sylvaindebogou@yahoo

Paru dans la rubrique actualité oblige du Filament N°8


Pour une nouvelle image de l’Afrique

Il y a près d’une dizaine d’années, notamment les 19 et 20 avril 2002, s’est tenu à l’Université des Langues et de la Communication de Milan, au nord de l’Italie, un colloque international initié par M. Baye Ndiaye, un ressortissant sénégalais installé en Italie depuis plusieurs décennies, et qui préside le Centre d’Orientation des Etudes Africaines (Cosa) de Milan. Thème du colloque : « De l’image de l’Afrique en Europe ».

Au cours de ce colloque, les participants ont été unanimes à reconnaître que, généralement, les medias occidentaux ne donnent de l’Afrique qu’une vision négative. Les participants ont dénoncé le fait que les agences de presse d’Europe et d’Amérique ne braquent leurs caméras sur le continent africain que lorsqu’une catastrophe se produit, du moins lorsque les Africains sont confrontés à des crises graves, de quelque ordre que ce soit : génocide, rébellion, inondation, coups d’Etat, fraudes, corruption, etc. Dans cet ordre d’idées, M. Mamoune Faye, journaliste au quotidien dakarois Le Soleil, avait fait remarquer que ces médias étaient presque déçus que le Sénégal n’ait pas sombré dans la guerre civile lors de la présidentielle de février-mars 2000. On pourrait dire la même chose à propos de la crise ivoirienne : les medias occidentaux étaient mobilisés et attendaient de donner des Ivoiriens l’image d’un peuple barbare en proie à la guerre civile entre le Nord et le Sud de la Côte d’Ivoire, entre musulmans et chrétiens, etc.

Mais, à mon humble avis, le problème de l’image de l’Afrique dans les medias occidentaux se pose en d’autres termes et ne nécessite pas des colloques où l’on vient, bien souvent, se masturber intellectuellement. Je pense, en effet, que les medias occidentaux ne donnent de nous que ce que nous offrons à voir au monde. En d’autres termes, si nous nous illustrons par des dérapages et des barbaries, il est tout à fait évident que nous ne ferons que les choux gras des medias occidentaux dont la plupart font de la presse à sensation. Mais, si nos actes nous élèvent à un certain niveau, nous forcerons les medias occidentaux à donner de nous une vision positive. De ce fait, il ne faut pas imputer à l’Occident la responsabilité de nos irresponsabilités, de nos manquements, des maux que nous nous imputons à nous-mêmes. Il ne faut pas se baser sur le pseudo problème des images pour occulter les dérapages de quelques dirigeants inconscients, des tares et carences de nos sociétés. C’est une fuite en avant, c’est faire fausse route que d’incriminer, en tout et à toutvent, les Occidentaux, là où nous devons, avec force courage, faire notre mea-culpa, notre autocritique et prendre des résolutions fermes pour qu’une Afrique nouvelle émerge qui contraindra, forcement et inéluctablement, les medias occidentaux, ainsi que nos propres medias, à donner de nous une image nouvelle.

C’est ce que je pense.

Léandre Sahiri, Directeur de Publication

Paru dans la rubrique ce que je pense du Filament N°8
 

Le Filament Magazine Copyright © 2011 -- Template created by O Pregador -- Powered by Blogger