mardi 27 avril 2010

La nouvelle génération des pasteurs africains : un nouveau mal pour l’Afrique ?

L’Afrique prise en otage depuis des siècles par l’Occident, connaît un autre tournant non salutaire dans son état de continent dit le plus pauvre de la terre. La religion qui a joué un rôle majeur dans la soumission du continent africain, fait un grand retour sur la scène. Cette fois-ci avec une autre couleur, celle des Africains eux-mêmes. Qu’en est-il exactement ? Dans ce qui va suivre, nous allons essentiellement parler de la situation des églises africaines en Occident ou chaque mois qui naît, fait voir le jour à au moins un nouveau pasteur africain.
Un bref rappel sur le rôle joué par la religion dans la soumission, voire dans la destruction de la société africaine.
Dans les écoles, en Afrique, l’on se souvient très bien de ce que les enseignants appellent les « 3M ». A travers ceci, les historiens décrivent à leurs élèves et étudiants la manière dont les Occidentaux ont procédé pour plonger l’Afrique là où elle est restée depuis des siècles, dans la misère totale. Missionnaires d’abord, les Occidentaux ont « pacifié » les Africains en leur faisant admettre que ce qu’ils adoraient chez eux était nuisible et démoniaque. Il fallait donc adopter une nouvelle religion. Une religion aux couleurs de l’Occident. Le démon de cette religion est noir comme l’africain lui-même. D’où, il fallait à celui-ci adopter la nouvelle religion pour être sauvé de l’enfer et pour recouvrer une âme qui lui permettra d’avoir accès au paradis du blanc. Cet état de choses aura eu, par-dessus tout, des conséquences désastreuses sur les Africains. Par exemple, sur la base de ces axiomes, des lois déshumanisantes ont été instituées en Occident, dont entre autres, « le Code Noir » de Louis XIV, le Roi-Soleil. Des théories ont été élaborées, présentant les hommes noirs comme des êtres inférieurs par nature aux Blancs : « Leur nature est semblable à celle des animaux, et ils n’atteignent pas au rang d’êtres humains ; parmi les choses existantes, ils sont inférieurs à l’homme, mais supérieurs au singe, car ils possèdent, dans une plus grande mesure que le singe, l’image et la ressemblance de l’homme ». Et, de ce fait, seul le baptême à l’occidentale les sauvera de leur infériorité. C’est d’ailleurs cela qui a servi de soubassement à la traite des noirs et qui justifie que les Africains ont été baptisés et instruits dans la foi chrétienne. C’est cela même l’origine et la raison fondamentale de la présence du christianisme en Afrique.
Notre enquête nous a conduits aux Etats-Unis d’Amérique et dans cinq pays européens : Allemagne, Italie, France, Belgique et Grande Bretagne. Là, il nous a été donné de constater qu’il n’est pas de mois qui passe sans l’ordonnance d’au moins un nouveau pasteur africain. Ainsi donc, les Africains venus « se chercher », comme dirait l’autre, ont découvert une nouvelle ruche pleine de miel : le métier de pasteur.

Ces nouveaux « sauveurs d’âme » qui, sans vergogne, s’autoproclament : Révérends, Prophètes, Evangélistes, Bishops, visionnaires, etc., poussent comme des champignons. Cependant, lorsque vous prenez un bout de temps pour écouter leurs prières, vous tombez de rire, car en majorité, ils ne savent même pas lire, ne comprennent pas la Bible qu’ils portent toujours sous les bras ; une décoration toute simple. Et, ce fait est identique dans tous ces pays où notre enquête de près de trois ans a été menée. Lorsque vous leur posez des questions, ils vous induisent dans la confusion totale, parce qu’ils n’ont rien à dire et cela parce qu’ils ne savent rien de ce qu’ils prétendent enseigner. Ils font preuve d’ignorance profonde et de manque d’arguments convaincants, à tel point que vous vous demandez sur quelle base les autres Africains les suivent, s’agglutinent autour d’eux à chaque occasion et les vénèrent... Sont-ils aveugles ? Ces nouveaux oiseaux-chantres de la parole sainte sont essentiellement intéressés par la dime représentant les dix pour cent (10%) des salaires de leurs clients qui voient en eux des intouchables envoyés par Dieu pour leur ouvrir le chemin du paradis. Ces pasteurs africains encouragent leurs frères et sœurs à s’adonner à n’importe quel boulot, pourvu qu’ils viennent ensuite verser la « dîme » qui leur permettra d’aller s’asseoir à la droite de Dieu.
Un autre fait est que, chaque dimanche, après leur culte, des candidats-clients s’alignent pour exposer leurs problèmes aux pasteurs. Pour eux, les pasteurs seuls ont les solutions à leurs problèmes et les miracles pour améliorer miraculeusement leurs sorts. Les pasteurs utilisent les confidences faites par leurs disciples comme sources de révélation, pour construire leurs prédications truffées bien souvent de mensonges grossiers qu’ils appellent maladroitement des « prophéties » ou « témoignages » que, à leurs dépens et naïvement, les fidèles applaudissent.
Il faut ajouter que ces échanges ou ces exposés, après ou en dehors des cultes, sont très souvent accompagnés de « gestes » (cadeaux, argent en espèce, services, etc.). Ces candidats-clients dont la plupart sont des désœuvrés, des illettrés ou demi-lettrés, des sans-papiers ou des malades, croient que la bénédiction ou la guérison est fonction de la quantité d’argent donné au pasteur, lequel est perçu comme un être supérieur qui communique avec Dieu : plus l’on donne, plus grande est la bénédiction ou la guérison offerte par Dieu qui veille au grain...

Dans leurs prières de dimanche ou à d’autres occasions où ils apparaissent, (funérailles, mariages, fêtes d’anniversaire, match de football, etc.), certains pasteurs profitent du micro et du podium pour faire leurs propagandes, sans se gêner, et sans se soucier de « pomper l’air » à l’assistance, par des discours fumeux, hors propos ou mal à propos.
Un autre fait à signaler est que, les pasteurs, en plus des subventions que leur donnent les états de leurs pays de résidence, ci-dessus mentionnés, sont nourris et blanchis par leurs « brebis » qui, à travers eux, cherchent le chemin du ciel pour avoir la vie éternelle après la mort. C’est le pasteur qui choisit la voiture voulue et les disciples s’exécutent, alors que, de leur côté, pour se rendre au boulot et à l’église, ces mêmes clients-disciples courent après le bus et le train.
Tous ces pasteurs ont les mêmes phrases magiques : « Dieu m’a touché » ; « Le Seigneur a posé sa main sur moi », etc. Le plus étonnant est que leur Dieu ne passe pas par une autre personne pour leur annoncer la bonne et grande nouvelle qui les propulse devant la scène des clients à escroquer. C’est toujours directement que leur Dieu leur parle ; c’est le direct, le face-à-face en somme. Leurs épouses deviennent des « mamans » et ne sont plus appelées par leurs noms et prénoms consignés dans leur état-civil. Certaines d’entre elles bénéficient des services ménagers de la part des femmes des diacres et doyens des églises. Car, la nouvelle « maman » doit veiller aux petits soins du pasteur, pour faire davantage d’enfants que l’église va supporter. C’est elle qui, très souvent, joue le rôle de trésorière-comptable-banque. Nous sommes dans une affaire familiale, un vrai business où rien ne doit échapper au couple « choisi » par Dieu pour dépouiller et appauvrir encore plus les Africains qui souffrent déjà trop en Occident. Certains pasteurs poussent le comble jusqu'à avoir des maîtresses. Ils couchent et font avorter les jeunes filles de leurs églises, bien souvent avec la complicité de certains membres de l’exécutif pastoral, lesquels ne sont pas sans reproches. Les divorces ne manquent pas ou bien la « maman » se tait pour ne pas « mouiller le pain de la famille » ou encore elle se débrouille aussi avec « son petit de l’église et de nuit » qui en public, joue au « commissionnaire ». Nous sommes dans une sorte d’opéra où madame a son petit musicien et monsieur sa petite «choriste», tous les deux propulsés ministres pour faciliter les rencontres. Qui pourrait, pour une concertation impérieuse, empêcher le président de la République de voir son ministre à huis clos et même à des heures indues? Personne ! Car, c’est souvent la nuit que les grandes et graves décisions sont prises pour faire avancer la nation. Le gâteau étant bien partagé, il n’y a pas d’histoire à la maison et la destruction de l’Afrique continue. Lorsque vous leur posez le problème de l’escroquerie et des autres abus dont ils sont les uns maîtres, les autres victimes, une seule réponse tombe dans vos oreilles : « seul Dieu a le dernier mot, les humains ne peuvent pas et ne doivent pas porter de jugement. La Bible dit : Qui es-tu pour juger les autres ? »…

Encore un autre fait, c’est que ces pasteurs ont des comportements plus mondains que ceux-là mêmes qu’ils traitent… d’« hommes et de femmes du monde ». Les églises deviennent des lieux de ragots, de dénigrements et de palabres infinis. Les querelles et divisions s’élargissent entre les pasteurs parce qu’untel a pris les clients d’untel autre. Certains trésoriers volent le trésor de l’église et, pour ne pas rendre de compte, ils créent leurs églises. Une couverture tout bonnement et c’est tout. On continue les prières sous la protection d’autres pasteurs, comme si de rien n’était. Personne, pas même les victimes, ne critique, ni ne crie au scandale, puisque Dieu est le seul juge suprême et va les juger au moment venu. Des enfants suivent les traces du père, premier pasteur de la famille. Ainsi va l’église fondée par le père, gagnant en ampleur, au grand dam de l’Afrique qui a besoin de ses enfants pour sortir la tête des eaux de la misère. Si le pasteur meurt, son épouse, dorénavant appelée « maman », continue l’œuvre et cela pour dire que ce n’est plus seulement la main de Dieu qui est la seule condition pour accéder au trône. Le rôle de pasteur est devenu un héritage, zut !...

Ces pasteurs nouveaux ont aussi une dérangeante particularité. Dans leur majorité, ils ont servi les dictatures les plus féroces que l’Afrique ait connues. Ils étaient les hommes et les femmes de main qui d’Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), qui de Mobutu au (RDC, ex-Zaïre) ; qui d’Eyadema (Togo), qui de Kérékou (Bénin), qui d’Abacha (Nigeria), etc. Ils se réfugient donc aujourd’hui derrière le paravent de pasteur, sans doute pour échapper aux poursuites judiciaires, si ce n’est pour ne pas exercer d’activité professionnelle et vivre à la sueur du front des autres. Ils aveuglent même les parents des victimes et certaine de leurs victimes, avec leur « innocence comique » qui cache à peine leur tartufferie et leur criminalité. Leurs enfants qui deviennent souvent des pasteurs ont aussi la bouche bée sur les atrocités commises par leurs parents. En un mot, au lieu de se terrer, ils continuent d’assassiner l’Afrique, et cela, loin du continent. Ils oublient que la violence économique, le vol, l’escroquerie appellent la violence et la vengeance physique.

Nous disons que c’est un crime d’obnubiler la conscience d’une race avec des litanies dans le seul souci de l’exploiter et de l’exproprier, tout en sachant que, depuis des siècles, cette race se retrouve au bas de l’échelle du développement mondial. C’est aussi un crime de prétendre qu’on est muni d’un pouvoir saint capable de libérer de leurs maux ces nuées d’Africains désespérés. C’est encore un crime de voler le produit du dur labeur des pauvres femmes et hommes qui, en dépit de leur intelligence et de leurs diplômes, sont condamnés à faire les travaux de dixième degré pour survivre. C’est encore un crime d’exploiter ses semblables et ses proches en leur promettant les documents légaux pouvant leur permettre de résider en Occident, tout en sachant que l’église n’est pas le service de l’immigration et donc ne peut rien pour eux. C’est encore un crime d’user de sa position de pasteur, donc de prétendu « homme de Dieu » à qui l’on vient se confier, pour enceinter les innocentes filles qui viennent chercher le salut promis. C’est encore un crime, de la part des clients qui, même désemparés, s’offrent et offrent en victimes résignées leurs corps, ceux des membres de leurs familles, ainsi que leurs avoirs à des escrocs de tout acabit qui prolifèrent chaque jour.
Là-dessus, nous demandons aux états et autres institutions qui soutiennent financièrement ces églises d’instaurer un système de moratoire, de contrôle plus rigoureux, afin d’éviter les dérapages que nous venons de souligner. Dans le cas contraire, ces états eux-mêmes seront rendus coupables et condamnables pour complicité de vol et de viol, de fraude, voire de crime contre l’humanité ; car, ils se cachent derrière les églises pour détruire la race noire, autrement dit le continent africain.

Enfin, nous disons que c’est un crime de se faire entretenir par ses semblables, en utilisant le mensonge délibérément construit sous l’auspice du concept de pasteur. Le débat est ouvert. Exprimez-vous !

Sylvain de Bogou, Directeur de Rédaction, Le Filament.

Paru dans la rubrique Le débat du mois du Filament N°3

La lutte contre les meilleurs

L'Afrique, en ce 21ème siècle, s'enfonce de plus en plus dans le sous-développement. Du moins, dans le mal-développement. Et ce continent, malgré ses riches potentialités minières, minéralières, forestières et autres, continue d'attendre qu'on l'aide. Face à cette situation on a trouvé des explications : la colonisation, le prix des matières premières, etc. Si cette explication est vraie, il faut avouer qu'elle est de moins en mois convaincante. Parce que les pays d'Amérique latine et d'Asie ont également été colonisés. Ils ont été, comme nous, colonisés. Ils sont, comme nous, exploités. Mais, malgré cela, ces pays sont mieux lotis que la plupart des pays au sud du Sahara en matière de développement. Le Brésil aujourd'hui a une industrie lourde et compte parmi les grandes puissances. Les pays asiatiques appelés dragons d'Asie sont aujourd'hui ceux qui nous prêtent de l'argent. Pourquoi donc, l'Afrique ne peut-elle pas décoller ?

Il faut malheureusement reconnaître aujourd'hui que le sous-développement de l'Afrique ne tient pas seulement à l'exploitation dont nous sommes victimes. Si nous ne parvenons pas à avancer, si nous reculons continuellement, c'est bien parce que nous avons une culture et même une philosophie qui va à rencontre de tous ceux qui veulent progresser : la lutte contre les meilleurs. Celle-ci est l'une des causes fondamentales de la situation actuelle de l'Afrique.
Toutes les communautés humaines aspirent au progrès. Chacun voudrait vivre mieux qu'il n'a été hier. Mais, le constat révèle que le progrès est l'œuvre de quelques individus parfois même d'un seul individu et il finit par se propager dans le reste de la communauté.
Face à cette aspiration au progrès, face au fait que le progrès part de quelque part pour gagner les autres, quelles sont les attitudes que les sociétés africaines ont vis-à-vis des sources de progrès ?
Dans les pays occidentaux, dès qu'on trouve qu'un individu pose un acte de nature à faire progresser la société, on l'entoure de soins. On le protège, on le vénère même. Ces sociétés occidentales sont organisées sous le modèle compétitif. On récompense les meilleurs : scientifiques, musiciens, politiciens etc. C'est l'homme de talent, c'est le génie qui est favorisé, stimulé. Le médiocre n'a donc pas sa place dans ces sociétés-là. Or, les africains, devant les sources génératrices de progrès, adoptent une attitude contraire, négative, qui consiste à démoraliser, à combattre les générateurs de progrès.
En effet, les sociétés africaines semblent, elles, être profondément engagées dans le combat ou la lutte contre les meilleurs. Voyez-vous, dans nos sociétés, il suffit d'essayer de briller pour avoir toutes sortes d'ennuis. Même dans nos milieux universitaires, milieu d'intellectuels, c'est une insulte que de faire honneur à quelqu'un qui a mieux réfléchi que nous. Qui pis est, au village, les sorciers ne «tuent» jamais les cancres, les demeurés. Leurs victimes sont toujours les meilleurs éléments d’entre nous.

Or, ce sont ceux-ci qui sont censés être les propulseurs du progrès chez nous. Combien sont-ils les cadres qui sont morts pour avoir eu juste l'idée de développer leur village ? Combien sont-ils les hommes politiques qu'on a combattus avec une haine vénéneuse, parce qu'ils avaient de meilleurs projets pour leur peuple ? Patrice Lumumba et, plus tard Thomas Sankara sont là des exemples probants.
Alors, comment donc l'Afrique peut-elle aller au développement, si nous nous attaquons, de manière systématique, à ceux qui pourraient nous embarquer sur la voie du progrès ? N'est-ce pas à croire, comme disait Axelle Kabou, que «l'Afrique refuse le développement » ? Simple question.

Serge Grah (Journaliste, Ambassadeur universel pour la paix).

Un article paru dans la rubrique sous l'art à palabres du Filament N°3

Blanchissez-moi tous ces nègres

Ce livre, « Blanchissez-moi tous ces nègres » de Serge Bile retrace l’incroyable histoire du blanchiment et dévoile comment ce fléau, soutenu par la propagande occidentale, s’est imposé à des millions de gens, accrocs désormais d’une drogue inquiétante qui leur empoisonne la vie.

On a tout dit sur les femmes noires qui se blanchissent la peau, qu’elles sont complexées, masochistes, et surtout inconscientes des dangers que leur font courir ces pratiques : hypertension, stérilité, problèmes osseux, voire cancers.
On a tout dit, sauf que les femmes mais aussi les hommes qui se dépigmentent, sont d’abord les victimes d’une addiction orchestrée par des savants fous qui s’ingénièrent dès le 18è siècle à « blanchir les nègres » pour de vrai.

En France, on les plongeait dans un bain d’acide oxymuriatique, au Québec, on les bombardait de nitrate d’argent, alors qu’aux Etats-Unis, on les décapait aux rayons x, provoquant chez les cobayes de graves brûlures et souffrances.
Ces expériences ont au fil des siècles laissé croire à certains Noirs, déboussolés par l’esclavage, qu’ils pouvaient réellement changer de peau pour changer de vie en s’enduisant le corps avec de miraculeuses crèmes éclaircissantes.

Paru dans la rubrique livre à lire du Filament N°3

La Côte d'Ivoire agonise doucement…

La Côte d'Ivoire est comme un malade aux mains de plusieurs chirurgiens réputés. Pendant que ses chirurgiens se disputent sur la méthode d'incision à pratiquer sur le malade, ce dernier agonise doucement.
Je crois personnellement que le président Laurent Gbagbo est allé d'erreurs en erreurs, et cela avec la bénédiction de tous ceux qui devraient lui prodiguer des conseils justes. Je devine que, face à tous ceux qui lui lancent des éloges, très peu sont ceux qui lui donnent vraiment des conseils. Je crois que, dans la gestion d'un pays, il faut suivre des lois et des principes clairs et surtout des voies constitutionnelles. Le président Laurent Gbagbo est loin d'être un Dieu, il n'est ni génie, ni le plus intelligent parmi ceux qui aiment leur pays. Car, si en 10 ans, il a été incapable de résoudre le problème qui s'est imposé à lui, c'est qu'il n'a pas de solution véritable à cette crise... Pendant que tout ce monde de belligérants s’engraisse, le peuple souffre. Et, on a comme l'impression que ceux qui doivent aider ce peuple n'en ont cure. Je comprends peut-être un peu certains lorsqu’ils disent qu’ils sont fiers de Gbagbo. Mais, la gestion de notre pays ne saurait se résumer en un conte de Leuk-le-lièvre et Bouki-l'hyène, où Gbagbo est Leuk, et l'opposition Bouki, au point d’être fier de sa façon de se tirer d'affaire. En tout cas, ici, on parle de la vie de millions d'Ivoiriens dont chaque jour qui passe rend l’existence plus misérable. Lorsque c'est ainsi il faut de la rigueur, et suivre un principe de règlement de crise selon le modèle démocratique. Il faut impliquer les 3 branches du pouvoir (législatif, judiciaire et exécutif) à la résolution de la crise, notre crise.
Le président Laurent Gbagbo s'essaie depuis 8 ans à résoudre cette crise. On n'essaie ceci pour voir si ca va marcher, et après, on essaie cela, ainsi de suite. On ne dispose pas d’une éternité pour trouver une solution à un problème. C'est justement pour cela qu'on accorde une limite de 5 ans au mandat présidentiel, afin que, quoi qu'on veuille faire, si pendant 5 ans, il n'y a pas de solution, on va aux élections et le prochain président continue ou modifie ce qui a été commencé.

La Côte D'Ivoire, notre pays, que nous aimons tous, agonise, et nous sommes tous suspendus aux lèvres d'une seule personne, comme s'il était un démiurge. On ne gère pas un pays comme ça...
La question que je me pose à présent, c'est de savoir : est-ce que Gbagbo écoute les conseils des autres? Est-ce qu'il prend en compte les lois qui régissent ce pays? A quand remonte le dernier vote du budget de l'état par les députés?...
Je constate hélas ! trop d'arbitraires, d'improvisations, d'autosatisfactions, de panégyriques, et de d'auto gratifications chez ceux qui gèrent ce pays. Il y a un laisser-aller monstre du côté de M. Laurent Gbagbo et ses conseillers. Ils pèchent par leur manque de rigueur et leur « sens de la légalité ». Parce que, malheureusement, ils apprécient notre crise par rapport à leur antagonisme à la rébellion, plutôt que par rapport a leur responsabilité à l'égard du peuple ivoirien dont ils ont reçu la mission de gérer les affaires du pays...

La démocratie exige que le président consulte l'Assemblée Nationale ou la Cour suprême, mais qu'observons-nous ? Eh bien ! Depuis 2002, le président Laurent Gbagbo agit en solitaire, quand ce n'est pas en connivence avec la rébellion, pour le malheur des pauvres Ivoiriens. Combien de débats avons-nous eus avant de créer l'APO et ses corolaires de jumelage de conseils de ministres burkinabo-ivoiriens ? Vous savez que tout cela n'est pas normal. Chers frères, ce n'est pas en applaudissant M. Laurent Gbagbo que vous l'aiderez, c'est en lui donnant les conseils qu'il faut. Les Ivoiriens n'ont pas besoin de roi, ni de sauveur : les Ivoiriens ont besoin de normalité et d'espoir. Ils aimeraient savoir où on les mène, avoir une idée de quand et comment cette crise prendra fin. Savez vous pourquoi? Messieurs les conseillers, donnez de bons conseils à M. Laurent Gbagbo lorsque vous en avez l'occasion. Les Ivoiriens vous en seront reconnaissants.

John Tra

Un article paru dans la rubrique Libre propos du Filament N°3



vendredi 23 avril 2010

Les cierges des temples

A l’heure des cultes
On allume partout
Dans les temples
Et dans les églises
Des cierges
Pour éclairer le lieu du culte.

Et pourtant
C’est notre temple intérieur qui a besoin
Ma foi ! de lumière
Lumière pour éclairer
Nos actes et nos pensées
Nos cœurs et nos têtes
Ressemblant pour de vrai
A des cruches
Des cruches apparemment pleines De nectar
Et pourtant
Débordant de venin et d’excréments.

Léandre Sahiri

Paru dans la rubrique Poésie du Filament N°3

Appel aux populations et autorités ivoiriennes

Tous les Ivoiriens ont pu voir, en février dernier, un reportage présenté par Alvor Assa, journaliste de la RTI et dénonçant comment les femmes (nos mamans, nos sœurs et nos filles dont la plupart n’ont même pas 4 ans) sont violées de facon barbare à Duékoué, avec une barbarie sans nom, que nous ne pouvons plus accepter, que rien, aujourd’hui, ne peut expliquer ni justifier, étant donné que, comme le clament nos autorités, « Nous sommes sortis de la crise ; la crise est désormais derrière nous ». En plus des viols inexplicables de nos mères et de nos filles, les autochtones sont expropriées du peu des biens qui leur reste, et tout cela sous le nez et la barbe des forces de défense et de sécurité de la Côte d’Ivoire et l’ONUCI qui ont pour mission justement de protéger les populations de l’Ouest, et en particulier les peuples wê et dan qui ont assez souffert de cette guerre qu’ils n’ont pas voulue et qui, sous une forme plus pernicieuse, continue de faire rage, sans que personne ne réagisse. C’est alors l’occasion de se demander : que fait l’ONUCI ? Que font les autorités du pays ? Que reste-t-il de l’autorité dans cette région ? Que font les forces de défenses et de sécurité? Devons-nous continuer à accepter et a subir cette situation ? Que faisons-nous, nous les fils et filles de ces braves femmes de cette région ? A quand la sécurité pour tous dans notre pays
En tout cas, au nom de toute la jeunesse des 18 montagnes résidant en Europe réunis aujourd’hui après la diffusion de ce reportage que le monde entier a vu nous disons : stop ! Nous disons : assez ! Et, nous appelons les autorités ivoiriennes en charge de protéger ces populations, de doubler encore et encore de vigilance, de traquer par tous les moyens et mettre hors d’état de nuire ces malfrats et malfaiteurs de tout acabit qui troublent le sommeil et la paix dans les 18 montagnes. Mettons tout en œuvre mettre un terme rapidement a toutes ces horreurs que nul ne peut accepter sur son parent et qui n’honorent pas notre pays. Nous en appelons à la communauté nationale et internationale, et plus singulièrement au président Laurent Gbagbo. Nous attirons son attention sur la négligence notoire des forces de défense et de sécurité, de l’ONUCI. Une décision rapide doit être prise pour pallier et protéger la population des 18 montagnes. A Vous les parents, toutes communautés confondues (Guéré, Dioula, Wobé, Maouka, Baoulé, etc.) qui vivez dans les 18 montagnes, soyez soudés, mettez de coté tout ce qui nous a divisés autrefois et cultivez la paix, l’entraide. Faisons de l’union notre force et ensemble, faisons barrage a tous ceux qui sont contre la paix. Par exemple, formez des comités de sages et allez vers tous ceux ou celles qui détiennent encore les armes, les convainquez-les pour qu’ils les déposent a jamais. Vous pouvez compter sur vos enfants vivant en Europe qui ont désigné leur frère Gastien Séa pour porter vos préoccupations et votre situation devant toutes les autorités, tant nationales que internationales.

Jules Séa
Mardi 16 février 2010
hilairesea@yahoo.fr

Paru dans la rubrique libre propos du Filament N°3



jeudi 22 avril 2010

Denise Epoté

Denise Epoté fait la fierté du continent. Directrice Afrique sur la chaîne française TV5 Monde, cette journaliste émérite a été décorée en Mars dernier lors de la 21ème édition du Fespaco à Ouaga. Elle a été élevée au rang d’Officier des Arts et Lettres dans le domaine de la Télévision et de la Presse écrite par M. Philippe Sawadogo, ministre de la Communication, de la Culture et du Tourisme du Burkina Faso. L’heureuse récipiendaire s’est confiée en exclusivité à Top Visages.

Aînée d’une famille de quatre enfants, Denise Laurence Djengué Epoté est née le 22 novembre 1954 à Nkongsamba au Cameroun. Son père, Jean-Claude Epoté, aujourd’hui à la retraite, a été contrôleur des Finances. Sa mère, Mispa Florina Mbella, a servi comme cadre au Trésor de Yaoundé.

Les parents de Denise caressait l’espoir de voir leur fille devenir avocate. Pour éviter d’essuyer la colère de ses géniteurs, celle-ci s’inscrit en faculté de droit. Mais dans la plus grande discrétion elle prépare le concours d’entrée à l’Ecole internationale de Journalisme de Yaoundé.

A l’annonce des résultats, elle est la seule femme admise au concours. Contre toute attente, son père lui permet de s’inscrire alors dans cette école. Après sa formation, elle commence sa carrière à la radio et lorsque la télé camerounaise (CRTV) ouvre ses portes, elle se fait engager et devient alors la première femme à présenter le journal de 20 heures. Ainsi commence la fulgurante carrière de journaliste de Denise Epoté. Parcours auréolé de plusieurs distinctions et décorations. Aujourd’hui, elle est la première Africaine à diriger avec brio, le département Afrique de la chaîne française TV5 Monde.

Paru dans la rubrique Tableau d'Honneur du Filament N°3



Le christianisme nous a asservis

« C'est quoi la bible? Parole de Dieu ou un livre ordinaire d'histoire ?" Tel est l’intitulé d’un débat qui été lancé ou ouvert récemment dans un grand magazine africain. Ce débat, qu’on le veuille ou pas, nous donne l’opportunité de (re)poser la question du bien-fondé du christianisme en Afrique et, partant, de nous interroger sur les causes profondes de la stérilisation de l’Afrique.
D’abord et avant tout, on peut se demander pourquoi, dans cette Afrique moderne, nous en sommes encore à copier, à répéter les formes mortes, fossilisées, sclérosées des autres peuples, leur Histoire, leur mémoire, notamment celle du peuple juif ? Cette propension et cette obsession des Africains à perpétuer la mémoire juive, hélas ! tue la mémoire africaine, l’âme africaine, l'épopée de la grande douleur, la souffrance non seulement des Noirs d'Afrique, mais de ceux de la diaspora. Ce qui laisse penser que l'Afrique n’a pas de mémoire, pas d’âme, pas de foi. Sinon en quoi l’Histoire du peuple juif est-elle une réponse à nos multiples questions, en tant que Peuple ?

Chaque peuple a, dans son histoire, des messages et des messagers religieux. Ainsi, Bouddha, Mahomet, Jésus-Christ, les prophètes juifs (Moïse, Abraham, etc.) les textes Védiques, le Shintoïsme sont des messagers, des messages religieux destinés à des peuples précis, même si ces messages et ces messagers, par la suite, en s'exportant, sont devenus universels. Tout message s'inscrit donc dans les mythes fondateurs, les symboles d'une culture. Abandonner donc ses messages et ses messagers pour un peuple, c'est abandonner ses mythes, ses symboles, sa culture, en somme son âme.

L’Afrique a sa Foi, sa Religion. Une religion qui a pour berceau natal l'Afrique, une religion dont la tradition religieuse, le message religieux fait coïncider l'origine et l'apparition des peuples africains. Une religion qui explique la création de ces peuples, de leur art, de leur culture, de leur civilisation grâce aux mythes d'origine, cosmogoniques et religieux qui leur sont liés. Comme l'a écrit Barthélemy Comoé Krou, dans son livre « Conception de l'État et forme de démocratie », « C'est leur conception de la divinité qui les (les peuples) meut et détermine leur histoire. La conception de la divinité définit toutes les idées que les hommes, où qu'ils vivent, se font des autres réalités ; elle détermine les comportements collectifs, ainsi que les formes de l'organisation sociale et politique. Dans la mesure où la religion est simplement l'attitude que l'être humain adopte en face de la divinité telle qu'il se la représente, c'est l'histoire même de l'humanité qui est la véritable, authentique et permanente religion, le culte solennel, quotidien et perpétuel que chaque peuple rend aux dieux de sa conception. »

Comme on le voit, aucun peuple ne peut vivre sans contact naturel, spontané avec Dieu, sans relation avec Dieu, sans l’idée du Divin, sans le sentiment religieux. Ce qui montre clairement l'exceptionnelle importance de la religion dans la formation de l'identité profonde d'un peuple, son être intime, son âme. C'est donc du panthéon d'un peuple, de son projet religieux, ses messagers et ses messages que se déduit son projet de société, se déterminent, se forment l'ensemble des grandes valeurs intellectuelles, morales, éthiques, esthétiques, spirituelles fondatrices de sa civilisation, sa culture, son histoire, en dernière instance sa conscience. Installer donc un peuple au centre de sa religion, c’est l’installer à nouveau dans son propre génie créateur, dans le foyer ardent de sa propre forge. Quelle religion donc pour le projet de société de Libération de l’Afrique ? Quelle religion pour achever la décolonisation mentale, intellectuelle, religieuse, spirituelle des peuples africains ?

L’une des causes de la stérilisation de l’Afrique, me semble être la perte de notre identité spirituelle. L’aliénation spirituelle est la source, la racine des autres aliénations : culturelle, politique, économique. Libérer un peuple, c’est, d’abord et avant tout, le libérer spirituellement, lui restituer sa Foi, l’originalité de sa spiritualité. Installer un peuple au centre de son propre génie créateur, c’est l’installer à nouveau dans le foyer ardent de sa propre forge. La vraie décolonisation, c’est la décolonisation spirituelle et mentale. C’est ce qui va nous permettre de frissonner, de palpiter, d’entrer dans le monde des Hommes avec notre propre identité.

Les Africains n’ont nullement besoin d’aller chercher Dieu en Palestine. Car, depuis la nuit des temps, nous avons conscience de l’existence de Dieu. Nous n’avons pas attendu JESUS pour avoir une relation avec Dieu. Nous avons donc une Foi, une Foi Africaine, avec un Dieu unique, en-dessous duquel se trouvent des génies (des esprits). Les génies sont représentés par des statuettes qui ne sont que des intermédiaires. Des statuettes qui ne sont rien de plus que les statues qu’on retrouve dans les Eglises. Et, devant une pierre ou un arbre, ce n’est pas la pierre ou l’arbre qui est adoré : c’est l’esprit qui est présent en tant qu’intermédiaire du Dieu unique.

La Religion Africaine n’est pas païenne dans le sens où les Juifs attendaient le messie, puis il est arrivé. Nous les africains, nous n’attendons personne. Nous sommes ce que nous fûmes et nous serons ce que nous sommes. Mais, nos détracteurs s’en sont donné à cœur joie en assimilant notre Religion à la sorcellerie, etc. Des ethnologues occidentaux et même africains se sont évertués à comprendre la Religion Africaine « à la lumière » de la Bible. (Ce qui relève purement et simplement d’une absurdité qui interdit tout commentaire). Puis, par un amalgame curieux, ils en sont arrivés à cette conclusion : « Puisque meilleure est notre culture, donc meilleur est notre culte. Culte supérieur, meilleur culte, donc meilleur Dieu, vraie religion, vrai Dieu... ». Sans, bien entendu, jamais définir le critère scientifique de cette vraie religion, de ce vrai Dieu, et en omettant que tout culte est culturel, que tout message s'inscrit dans les mythes, les symboles de la culture d’un peuple.

Dieu est Dieu, mais chaque religion a sa façon de le concevoir, de l’adorer, de le nommer. La dénomination de Dieu n’est pas fortuite. Elle est partie intégrante de la doctrine et des rites de chaque religion. Ainsi, les juifs adorent Yahvé, les musulmans Allah, et les Africains Gnamien Kpli, Lago, Zambé, etc.

La christianisation et l’islamisation de l’Afrique sont, comme qui dirait, une « aventure ambiguë »… Avec ces religions dites révélées, nous sommes en situation coloniale. Nous sommes dominés, opprimés. Car, ces religions nous ont été imposées par les armes. Les formes prises par ces religions ont été l’oppression… Et puis, il y a une forme d’intégrisme et d’exclusivité chez Jésus, quand il dit : « Nul n’arrivera au Père s’il ne passe pas par moi ». Cette phrase est dangereuse parce qu’elle signifie que les autres, les adeptes de la Foi africaine, les Boudhistes, les hindous, les musulmans, etc., n’iront pas au « ciel ». Elle impose le christianisme comme religion unique et universelle. Ce qui n’est rien d’autre qu’une escroquerie morale. Il y a un Dieu unique, chaque culture produisant ses messagers.

La Foi Africaine, c’est un rapport de liberté sans condition avec Dieu. C’est une Religion de tolérance. Il n’y a jamais eu de guerre religieuse dans la FOI Africaine … Alors, selon quel critère la religion chrétienne décrète-t-elle, s’arroge-t-elle l’exorbitant droit de dire que son Dieu est le seul vrai et l’unique Dieu ? Pourquoi et de quel droit clamerait-elle que son rite d’adoration profere l’unique vraie religion ?...
En tout cas, comme l’écrit Jean Ziegler dans « La victoire vaincue », « les valeurs, les significations, les symboles qui constituaient les sociétés africaines ont d’abord été niés, limés, érodés, détruits par le bulldozer de la colonisation. On ne dira jamais assez : la conquête des continents d’outre-mer, la mise en esclavage des peuples d’Afrique, le pillage de leurs richesses n’ont été possibles que grâce à la mise en esclavage de leur esprit... La « conversion » des Noirs à la religion « chrétienne » a été tout, sauf l’œuvre de l’esprit saint ».

L’Afrique est en quête de modèles de sociétés, de modèles de développement. Elle veut retrouver sa nouvelle identité, son identité moderne. Certains intellectuels sont fascinés par le modèle Japonais à cause de sa puissance économique, industrielle, technologique et financière. Savent-ils que le Japon est resté animiste et a construit son modèle à partir de ce patrimoine animiste ? Et c’est sur cette racine animiste avec la déesse du Soleil Amaté-Rasuo-Mikami, la Déesse Nationale que sa Religion Nationale le SHINTO se fonde. Et, c’est sur elle qu’est bâtie sa puissance technologique, son rayonnement. Ceci nous démontre l'exceptionnelle importance de la religion dans la formation de l'identité profonde d'un peuple, son être intime, son âme.

Pour reconstruire l’Afrique, il est du devoir des Africains de connaître, faire connaître, reconnaître, réhabiliter, adapter, moderniser la Religion Africaine. Car, si Dieu a fait « l’Homme à son image », il ne faut oublier que les peuple créent leur « Dieu à leur image ». L’histoire des Juifs ne nous concerne pas. Ce n’est pas notre histoire. Le christianisme nous a asservis. Ce n’est donc pas avec lui que nous allons nous libérer de cet esclavage mental qui nous paralyse tant depuis des siècles.
Serge Grah
(Journaliste, Ambassadeur Universel pour la Paix)

Un article paru dans la rubrique sous l'art à palabre du Filament N°3



jeudi 15 avril 2010

Édito du 15 avril 2010

Voici la troisième parution de votre journal « Le Filament ». Nous ne saurions vous la proposer à lire sans, au préalable, vous remercier, une fois de plus, pour l’accueil fort cordial que vous nous avez manifesté par mille et une manières.

En effet, nous avons reçu encore plus d’appels téléphoniques, d’e-mails, de propositions d’articles, de notes d’encouragement (cf. courrier des lecteurs). Nous avons aussi et surtout été sensibles à vos témoignages de sympathie et, en particulier, vos condoléances pour le décès d’un des nôtres, notre conseiller et consultant Faustin Dizo Gnahoré, qui nous a quittés le jeudi 18 mars 2010. Nous tentons, dans cette parution, de rendre un hommage mérité à ce grand intellectuel, historien, que nous aimions et respections, au-delà de tout ce qu’on peut lui reprocher, entre autres sur son caractère et ses choix. Nous sommes, maintenant, bel et bien convaincus que nous devons continuer et suivre la ligne de l’indépendance que nous avons, à dessein, choisie pour ne pas restreindre notre liberté, pour ne pas nous aliéner, autrement dit, pour pouvoir exprimer librement nos idées et nos opinions, véhiculer librement nos messages, prendre librement position sur certains faits, avec l'espoir et la ferme conviction de contribuer, efficacement et rationnellement, au débat démocratique, à la construction de l’intérêt général et à l'avènement d’une société démocratique en Afrique.

Dans les nombreux messages reçus, certaines personnes nous ont reproché le volume de notre journal : « 35 pages, disent-elles, c’est trop ! ». Que répondre à ces personnes, sinon que Le Filament est un mensuel et donc on dispose d’au moins trente jours de 24heures chacun pour le lire. Par ailleurs, il faut leur donner une idée du tirage de quelques journaux de référence, auxquels nous nous assimilons plus ou moins : Courrier International, hebdomadaire, 64 pages A3 ; Jeune Afrique, hebdomadaire, 96 pages A4 ; Metro, quotidien gratuit anglais, 64 pages A3 ; The South African, hebdomadaire de la diaspora sud-africaine, 38 pages A3, etc. De ce fait, et vu le nombre impressionnant d’articles à publier que nous recevons, la tendance est plutôt d’augmenter le volume de votre journal, du moins à notre avis.

De nouveaux lecteurs nous ont rejoints. Le cercle s’est agrandi encore plus. De nombreux textes à publier nous ont été envoyés, des soutiens nous ont été apportés pour que nous continuions à rester fidèles à notre ligne, et pour améliorer davantage, « Le Filament », afin qu’il demeure à votre goût et continue de répondre à votre attente. C’est l’occasion de vous en remercier et de vous féliciter de tous les efforts que vous faites pour nous aider volontiers à diffuser LARGEMENT « Le Filament», à l’offrir gratuitement, à vos amis, à vos parents, à vos connaissances, par tous les moyens : par email, par fax, par photocopie, par courrier postal, etc.

Bonne lecture et à très bientôt.

Léandre Sahiri

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jeudi 1 avril 2010

Les travaux forcés, une autre forme de l’esclavage

A l’époque coloniale, les Français installés en Côte d’Ivoire (cf. Le Filament 001) exploitaient, au profit de la France, les ressources naturelles du pays : bois, caoutchouc, noix de palme, banane, café, cacao, coton, objets d’art, or, diamant, etc. Pour transporter ces produits, de l’arrière-pays vers les côtes et les ports, les Français construisirent des routes, des ponts, des wharfs et certaines lignes de chemin de fer. Et, pour réaliser ces « grands travaux », sans que cela ne leur coûte cher, du moins pour les faire faire gratuitement, les Français imposèrent une nouvelle forme d’esclavage appelée le travail forcé ou les « travaux forcés » en Côte d’Ivoire, comme dans les autres colonies.

Le principe des travaux forcés

Les « travaux forcés » consistaient à faire travailler obligatoirement et gratuitement les Africains, dits indigènes, pour les pays colonisateurs. D ans son principe, les travaux forcés ont été justifiés par la troisième République française de deux façons : d’abord, par le passage de l’impôt en argent à l’impôt en travail ; ensuite, par la nécessité publique des grands travaux qui nécessitaient une main d’œuvre en grand nombre. Partout, dans les colonies françaises, les méthodes étaient les mêmes : réquisitions, assignations des « improductifs », rafles, etc.


La pratique des travaux forcés

Le recrutement des travailleurs (dits « manœuvres ») se faisait par l'usage de la force et était effectué par le commandant de cercle. Celui-ci exigeait de chaque chef de canton et de chaque village un certain nombre de travailleurs qui étaient sommés d’être soumis et respectueux. Des gardes-cercle ou gardes-chiourmes ou « gardes-floko » veillaient, à l’exécution stricte des ordres du commandant de cercle. Tout travailleur, du moins tout indigène, valide était astreint à travailler de force. Sans être payé. Il devait participer à la construction et à l’entretien des routes, des lignes télégraphiques, des chemins de fer, des ponts, des bâtiments administratifs. Il devait travailler chez les planteurs privés ou pour le compte des chefs de canton et des coupeurs de bois. Seuls les vieux, les invalides, les jeunes âgés de moins de 18 ans, les chefs de cantons et de villages, les élèves, les commerçants et les domestiques (« boys »)* étaient exemptés des travaux forcés. Les travailleurs étaient généralement conduits loin, parfois très loin de leur famille, dans d’autres régions, souvent pour plusieurs mois.
Nombre d’entre eux mourraient parce qu’ils travaillaient dans des conditions pénibles, voire inhumaines : ils recevaient de rudes châtiments corporels (à la chicotte), étaient mal nourris, mal logés..., comme nous l’indique le Professeur et historien Elikia M’Bokolo, Directeur d’études à l’EHESS :
« Les prestations des travailleurs étaient effectuées le plus souvent dans des conditions effroyables : déplacement de populations entières, travail forcené et démesuré, discipline de fer et usage intempestif de la chicote, hygiène et nourriture plus que défaillantes, salaires de misère... Si la Grande-Bretagne eut peu recours au travail forcé, la France, la Belgique et le Portugal en firent un très large usage, institutionnalisant le procédé : dans leurs colonies, celui-ci concernait des millions d’Africains »** .
On peut également lire dans le Rapport à l’Assemblée nationale constituante de Félix Houphouët-Boigny, en 1946 que
« ... les manœuvres sont obligés, quand ils ont dépensé le peu d’argent qu’ils ont emporté et qu’ils ne
peuvent plus en recevoir de leur famille, de travailler le dimanche à forfait chez des planteurs africains voisins ou de fournir du bois sec au marché le plus proche. Certains, en bandes armées, se répandent dans les plantations indigènes où, poussés par la faim, ils s’emparent de force de quoi vivre. D’autres, obligés de terminer le dimanche la tâche qu’ils n’ont pu achever la veille, n’ont même pas le loisir de marauder. Parlerons-nous des retenues de salaires pour cause de maladie, retard dans le service ou non-accomplissement du travail assigné et bien au-dessus des forces de ces faméliques ».
Ecoutons plutôt ce témoignage de Zirignon, un travailleur forcé.

« J’ai travaillé sur la route Daloa-Gagnoa, avant la guerre. Nous travaillions avec nos machettes.Nous devions emporter notre nourriture que, bien souvent, nous arrachaient les gardes-cercle et les chefs d’équipe. Nous n’étions pas payés. Pendant nos journées de repos, nous devions travailler pour les chefs d’équipe, organiser pour eux des parties de chasse et de pêche. Beaucoup de travailleurs mouraient de faim et d’autres de maladies, mais surtout des suites de morsures de serpent. Les morsures de serpent causaient de
nombreux décès, parce que celui qui essayait de les soigner était considéré comme sorcier, donc dangereux... ».
Le travail forcé, différent de l’esclavage ? Le professeur Elikia M’Bokolo répond :
« Juridiquement, les statuts sont différents. L’esclave est le bien de son maître. Le travailleur forcé, lui, reste libre en droit. Cela dit, dans les faits, les travailleurs forcés sont réquisitionnés et maintenus au travail sous la contrainte. Ils ne touchent aucun salaire et doivent être nourris par les populations des villages qu’ils traversent. Il existe certes des formes de compensation : on donne par exemple au travailleur du sel ou du tissu. Mais, ces rétributions restent tellement en dessous de la valeur du travail fourni qu’on ne peut appeler cela un salaire. Et, bien sûr, les travailleurs forcés, comme les esclaves, sont encadrés par des forces de l’ordre, des milices africaines recrutées sur le territoire même, et commandées par des Européens. On comprend que, pour les Africains, esclavage ou travail forcé, cela n’ait pas fait de différence."

Léandre Sahiri

* Lire: “Une vie de Boy” de Ferdinand Oyono. Editions Pocket, Paris, 1970.

** Elikia M’Bokolo.- Afrique Noire, Histoire et civilisations Tome 2. Ed Hatier, Coll. Universités francophones.1992)


Un article paru dans la rubrique Droit de savoir, devoir de mémoire du Filament N°2




 

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