dimanche 26 décembre 2010

Le roman en Côte d'Ivoire : une écriture "nzassa"

Les recherches romanesques ivoiriennes débouchent sur une nouvelle écriture transculturelle auxquels Jean-Marie Adiaffi avait appliqué le terme agni de " nzassa " qui signifie : assemblage de type patchwork.

À côté de romans de facture classique, on remarque aujourd'hui en Côte d'Ivoire une nette tendance des romanciers à une recherche d'écriture. Comment dire ? Comment mieux dire ce que l'on a à dire ? Ainsi, des auteurs comme Ahmadou Kourouma, Maurice Bandaman, Tanella Boni, Véronique Tadjo ou encore le regretté Jean-Marie Adiaffi ont développé une écriture romanesque mâtinée de poésie et de littérature orale qui ne laisse pas indifférente la critique littéraire.
Cette recherche d'une écriture propre, parmi l'une des plus originales de ces dernières années allie créativité, intertextualité, message qui sont les maîtres mots de ces romans d'un nouveau genre auxquels Adiaffi avait appliqué le terme agni de " nzassa " (assemblage de type patchwork).

Dans Le Fils-de-la-femme-mâle (1993), Maurice Bandaman évoque sur le mode du conte, empruntant aussi à nombre d'autres genres tirés de l'oralité, l'odyssée d'Awlimba-Tankan, hermaphrodite, figure emblématique d'un nouveau monde qui puise aux sources de l'univers culturel akan. Quant à Kourouma, qui a obtenu le Renaudot 2001 avec Allah n'est pas obligé, il a produit, avec En attendant le vote des bêtes sauvages (1999), un texte novateur où les
veillées de chasseurs (les dozos) et leurs textes traditionnels nourrissent la structure et le sens de cette vision renouvelée du tyran africain, en reprenant les formes codifiées de la parole traditionnelle (ancienne).

Dans Les Baigneurs du lac Rose (1995, réédition 2002) Tanella Boni allie poésie et prose dans un entrelacement subtil mais parfois déroutant où Samory et la Reine Pokou trouvent le terreau où fonder la nation ivoirienne. Véronique Tadjo, poétesse comme Tanella Boni, résume le pays au temps du parti unique dans un roman qui lui aussi se cherche entre poésie et prose, et dont le titre est symbolique, Le Royaume aveugle (1990) ; fable qui sera prolongée par un texte plus intimiste mais toujours dans cette même perspective de " recherche d'une écriture ", Champs de bataille et d'amour, qui évoque l'aventure singulière d'un couple mixte vieillissant, à la façon de Milan Kundera. Elle s'était d'ailleurs essayé à une écriture entrecoupée, genre " tranche de vie " dans À vol d'oiseau (1992).

Parmi tous les nouveaux écrivains de cette veine, on remarque un premier roman, celui de Yao N'Guetta qui, dans Dis-moi mon rêve (1999), arpente les mêmes sillons que ses devanciers. Prenant appui sur la défense d'une culture endogène, il tente une composition romanesque qui, là encore, lie tradition et écriture d'avant-garde.

Les ingrédients de cette nouvelle écriture révèlent une intertextualité féconde entre le roman et la littérature orale, mais aussi entre le roman et la poésie, autant au plan des structures empruntées qu'au plan parfois des personnages (les personnages non anthropomorphes, chez M. Bandaman par exemple, sont directement empruntés au conte). Il en est de même pour l'espace (espace mythique, utopie représentée) ou pour le traitement du temps du récit.
Tout cela est associé à une poétisation de l'espace référentiel ivoirien, notamment de la ville d'Abidjan qui accède au statut de ville littéraire (Kourouma en avait déjà tracé les sillons dans Les Soleils des indépendances), ce qui permet d'éviter les espaces ubuesques et anonymes qui peuplent les romans africains. Kourouma, là encore, va jusqu'à citer nommément certains présidents africains, les dictateurs dont parle son personnage d'enfant-soldat dans Allah n'est pas obligé.

Chez Véronique Tadjo et Tanella Boni, on constate une « architextualité » prégnante où le décloisonnement des genres poétique et romanesque laisse augurer que l'un ne peut se dire sans l'autre. La lecture de certains textes en est rendue parfois déroutante voire déconcertante, comme dans Les Baigneurs du lac Rose où la tension entre les deux genres est maintenue tout au long du récit et nous vaut des pages superbes, notamment sur la Reine Pokou. Véronique Tadjo pour sa part, tente de maîtriser le phénomène en isolant quelquefois les " morceaux " de poésie qui tentent de s'infiltrer dans le tissu romanesque au hasard d'un mot plus " têtu " qu'un autre. Tentative aboutie dans À vol d'oiseau et dans une moindre mesure dans Le Royaume aveugle, qui peut aussi se lire comme une longue suite de poèmes en prose. Tous ces éléments indiquent une exigence certaine, attendue du lecteur ; ainsi Dis-moi mon rêve de Yao Nguetta, parfois touffu mais foisonnant du matériau de l'identité ivoirienne plurielle, privilégie une forme circulaire qui fait du détour, caractéristique de la parole africaine, la forme symbolique de son écriture.
Ces romans retrouvent la problématique d'écriture des Soleils des indépendances de Kourouma et, au tout début des années 1980, de La Carte d'identité de J.M. Adiaffi, qui par son titre même, annonce un programme thématique et structurel qui met en scène les ingrédients dont nous avons parlé plus haut.

Et puis, l'intrusion de l'actualité africaine fait plus que des clins d'œil. Présente, lourde de sens, douloureuse toujours, elle s'insinue puis force la porte des textes et s'installe là où on ne l'attend pas forcément. Comme une plaie béante dans une histoire qui voudrait bien se tenir tranquille : le Rwanda, la problématique identitaire, culturelle, font irruption dans des textes qui veulent aussi toucher le lecteur " au cœur ".

Appliquée à l'intertextualité dont il est question ici, cette réflexion d'Alain Ricard sur la problématique des livres et des langues en Afrique noire nous paraît essentielle puisque la fiction est d'abord invention de sa propre langue : " la conscience linguistique est d'abord conscience de la multiplicité des langues, expérience d'une manière d'éclatement du discours, marqué par la
diglossie et le métissage ; l'autre face de la littérature est justement la cohérence que l'écriture impose au monde. Cette tension entre dispersion et cohérence est féconde : elle crée un champ de forces qui est vraiment le lieu de l'écriture en Afrique aujourd'hui. " (Littératures d'Afrique, des langues aux livres, 1995).

Cette cohérence que l'écriture impose au monde est donc celle que tentent de fonder les romanciers ivoiriens d'aujourd'hui.
Le roman de la dernière décennie allie donc une certaine exigence d'écriture et des thèmes chers au roman africain, notamment celui du pouvoir et du mal développement. Mais cette thématique rebattue est servie par une écriture nouvelle qui donne à lire une poétique singulière, signe d'une identité en gestation, en mutation, transculturelle et endogène. Car, comme l'écrivait C. Ndiaye dans Gens de sable dès 1984, « il n'est plus permis (et, en toute honnêteté, il ne l'a jamais été) de condamner celui qui se préoccupe du style… Il serait temps que l'écrivain du tiers monde se comporte en esthète… ». Et, cela n'est pas pure provocation…

Diané Véronique Assi,
(Maître-assistante, UFR Littératures et civilisations, Université d'Abidjan-Cocody)



Le livre et la paix, quel rapport

Le Livre procède comme d’un lieu vide qui lui a été aménagé pour réaliser ses prouesses. Celles-ci sont variées. Elles ont toutes les dimensions, toutes les formes, toutes les couleurs. L'impact peut être minuscule et mal discernable ou bien brutal. Le livre peut tracer les chemins d'une vocation ou modifier un engagement. Certaines personnes ont ainsi trouvé le courage de persévérer dans leur vie rien qu'en puisant des leçons d'énergie dans le Livre…
Comme on le voit, le Livre que nous lisons n’est pas à proprement parler un livre, mais une personne avec qui nous discutons et, qui nous apportent toujours quelque chose de fabuleux. Ainsi, le Livre nous éduque, nous façonne, nous modèle. Quelquefois, beaucoup plus que l’éducation familiale que nous avons reçue. Pour ainsi dire, Le livre est un ami qui nous prête une oreille attentive quand nous en avons besoin. A quelque moment que ce soit.

L’exemple de l’ouvrage « La Paix par l’écriture »

Oui, trouver la Paix à travers l'écriture
Puisque les larmes n’ont pas suffit à calmer ma peine, j’écris
Ecrire pour évacuer les maux par les mots
Ecrire pour ne pas me laisser empoisonner par ma douleur
Ecrire pour ne pas transmettre ma haine
Ecrire pour canaliser la colère que je sens monter en moi
Ecrire pour réaliser qu'au fond c’était une vilaine parenthèse
Ecrire pour Pardonner
Ecrire pour guérir
Mais écrire, surtout, pour Demain.
Est-ce cela l’intime vocation des ouvrages qui ont été écrits sur la crise ivoirienne ? Nous aider à comprendre la réalité de la crise ? Soulager notre peine… Nous emmener à pardonner ? Comment est-ce possible ? Sinon, comment faire pour que ce couple dans sa relation puisse concourir à la Paix ?
Des jeunes à travers un livre collectif dont le titre évocateur et bien à propos est « La Paix par l’écriture », nous en donnent peut-être un début de réponse. Il faut souligner que ce titre est d’abord le thème de l’édition 2007 du concours littéraire « Les Manuscrits d’Or » organisé chaque année par Vallesse Editions. Un concours qui met en compétition des jeunes vivants sur le territoire national de Côte d’Ivoire dans les genres de la Poésie, de la Nouvelle et du Théâtre. Il s’agissait pour ces jeunes de produire des textes qui soient en rapport avec la situation de crise que nous vivons depuis le 19 septembre 2002. C’est-à-dire, traiter des méfaits de la guerre, promouvoir la paix, la tolérance, le pardon, la fraternité, les valeurs morales, le respect de l'autorité du chef, etc.
Ces jeunes, pour certainement avoir été témoins ou acteurs durant les moments forts de la crise, ont su exprimer les émotions qui les envahissaient et torturaient leur âme. Ainsi, dire les mots qui accompagnaient ces émotions, a permis eux jeunes gens de mettre un terme à leur souffrance, de se libérer, mais aussi et peut-être surtout de libérer tous ceux qui viendraient à lire leur témoignage. Le but étant de faire vivre les témoignages et d'en transmettre la leçon, et dans le cas d’espèce… par
le Livre qui créerait le rempart qui empêche le mal de continuer sa course et de propager son venin.

A travers leur Livre, ces jeunes par le Livre venait de contribuer à la reconstruction d'une Côte d'Ivoire Nouvelle en tirant les leçons de ce passé récent ; ils venaient de déconstruire certaines idéologie d'exclusion, de haine et de violence. Voilà le Livre en plein dans le processus de paix.


Le Livre et la Paix

Il n’y aucun doute que le Livre puisse être non seulement d’un apport essentiel au processus de Paix, mais aussi à maintenir un climat de concorde. Mais se pose à nous une question particulièrement épineuse : comment faire en sorte que le Livre participe effectivement et efficacement à créer cet environnement de Paix ? L’évidence est qu’il faut lire. Que les leaders et autres faiseurs d’opinion créent en eux l’amour du Livre et le besoin de lire… Que les ministres lisent, que les intellectuels lisent, que les Reines, Rois et Chefs traditionnels lisent, que les jeunes lisent. En somme, que le peuple tout entier lise. Le Livre, disons la lecture et plus la Culture, nous donne des outils pour que nous devenions acteur de notre propre vie et nous offre des moyens qui nous permettent d’effectuer des choix judicieux pour nous-mêmes et pour notre Nation.
Force est donc de constater à ce niveau de notre intervention, que le Livre a un rôle fondamental à jouer dans la consolidation de la conscience
citoyenne, dans la promotion d’un comportement civique et dans l'amélioration des relations entre Ivoiriens, mais aussi de comprendre l’urgence de l’intégration des peuples comme solution à beaucoup de nos problèmes africains…

Il faut donc Lire, disions-nous. Et qu’on ne brandisse plus l’argument, de plus en plus fallacieux, de la cherté du Livre. Car si nous n’arrivons pas à développer en nous l’Amour du Livre et le besoin de Lire, même à 500 F CFA le Livre, personne ne viendra l’acheter... Quand vous allez chez certains ivoiriens et même chez bon nombres d’intellectuels, jetez un regard discret dans leur salon. Vous vous rendrez compte que la bibliothèque, si elle existe, ne contient malheureusement que de la vaisselle…des ustensiles de cuisines. Comment le Livre peut-il être vecteur de Paix si ceux auxquels il est destiné s’en désintéressent ? Voilà pour nous la question principale ? Or par le Livre, on pourrait donner aux enfants d’aujourd’hui et à ceux de demain, les armes essentielles pour comprendre la Paix et, la maintenir vivante. Parce que le Livre aura fait disparaître notre incultisme, notre ignorance et notre incapacité à comprendre les choses les plus banales du fonctionnement des sociétés humaines. Levain sur lequel poussent très souvent toutes les formes d’exclusion, de haine, d’intolérance, et finalement de guerres. S’il arrive donc aux Ivoiriens de croire que l’instruction, l’éducation, la Culture coûtent chères, qu’ils continuent d’essayer l’ignorance. Ils verront bien la différence de coût.
Qu’il nous soit donc permis, au terme de notre propos, de saluer l’initiative de l’Université Charles Louis de Montesquieu qui a engagé la réflexion autour du Livre et de la Paix, avec certainement pour ambition d’offrir aux Ivoiriens un nouvel acte civique qu’on pourrait bien intitulé : « Lire pour la Paix »… Ecrivons donc pour la Côte d’Ivoire ! Lisons pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique ! Je vous remercie.


Serge Grah
(Journaliste, Ambassadeur Universel pour la Paix).
(Extrait de Communication au Colloque "Livre et Paix",
Abengourou, le 9 août 2008



L’ivoirien et le gaspillage du temps

Comme l’argent, le temps est un capital qui, bien investi, bien exploité produit des richesses aussi bien matérielles qu’intellectuelles. Et, malheureusement, les Africains semblent ne pas prendre conscience de la valeur du temps. Aussi, le gaspille-t-ils à longueur de journée comme s’ils n’en avaient en abondance. Belle et incroyable habitude pour des hommes qui sont considérés comme les plus pauvres de la planète ! Dans notre pays, le gaspillage du temps trouve sa manifestation dans certaines manies coriaces.

D’abord, aucune activité ne commence à l’heure et personne ne se soucie d’être ponctuel. L’ambulance vient en retard, le train vient en retard, le corbillard vient en retard, la chorale vient en retard, la sécurité
vient en retard, les pompiers viennent en retard, l’examinateur vient en retard, la mariée arrive en retard. Et tout le monde s’en accommode bien, car chez nous ne pas respecter l’heure est une seconde nature. Dans les services, le patron sans scrupule, prend un plaisir mâle à faire attendre une file de personnes venues solliciter sa signature, son assistance administrative, son conseil. Et pendant ce temps des montagnes de dossiers frustrés attendent dans le silence d’un bureau la précieuse signature, l’inestimable cachet ou un cerveau pour les examiner. Nous allons aux réunions avec une heure de retard sous le fragile prétexte qu’ « en Afrique, une réunion ne peut commencer à l’heure ». Et malgré notre retard, nous arrivons avant le début de la réunion. Tout simplement parce que celui qui l’a convoquée, lui-même est venu deux heures après. Et tout le monde est content du retard avec lequel la réunion a commencé. Les retards des hauts responsables sont si coutumiers que l’on a fini par adopter complaisamment cette charmante boutade : « le patron n’est jamais en retard, il a eu un empêchement ». Et tout le monde comprend et pardonne le retard du chef en attendant un jour de devenir chef pour jouir abondamment, lui aussi, de son droit de venir en retard. Comment peut-on aller en retard à un entretien d’embauche alors que nous courons derrière notre premier emploi depuis une demi-décennie ? Chez nous, ces retardataires de cet acabit courent les rues. Même lorsque les autorités d’une quelconque administration fixe un délai pour une activité, elles prennent toujours le soin de fixer un autre délai pour les éternels retardataires. Ces derniers trouvent normal que l’on tienne toujours compte de leur tare congénitale.

Mais peut-on aller à l’heure quand l’environnement dans lequel nous vivons n’accorde aucune importance au temps ? Même le sommet de l’Etat n’est pas exempt de reproches. Tous nos chefs d’Etat nous ont habitués à venir au-delà de l’heure pour laquelle la population a été mobilisée pour les attendre. Cette habitude, semble-t-il, est liée à des questions de sécurité. Qu’en est-il alors des ministres, des députés, des maires, des PDG, des DG ? L’importance d’un haut responsable est proportionnelle à ses heures de retard. Personne ne se croit obligée, par respect de l’autre, d’être ponctuelle. Mais qui va sanctionner le préfet en retard dans une ville où il est la plus haute autorité ? Qui va tirer les oreilles au président du tribunal dans un service où il est le grand manitou ? Le maire, le premier magistrat de la commune a-t-il une fois été sommé par ses administrés de les respecter en venant aux rencontres à l’heure ?

Dans les hôpitaux, le médecin vient toujours en retard. La ponctualité est simplement dévolue aux infirmiers, le médecin, le patron lui se donne le droit de venir à l’heure qui lui convient. Pendant ce temps des malades agonisants, à force de ronger leur frein, préfèrent se laisser emporter par la mort.

Ensuite, à côté de cette plaie puante qu’est le retard, il y a aussi le refus d’utiliser le temps à travailler. Le temps est gaspillé dans l’inactivité et l’oisiveté. A Abidjan, et à Abidjan surtout, le travail au public est l’affaire d’une poignée de fonctionnaires consciencieux. Et ceux qui acceptent de travailler se donnent le droit de s’en abstenir les vendredis. Officieusement, c’est le jour des levées de corps et des convois funèbres. Tout le monde le sait et en parle mais personne ne prend des mesures. Car tout le monde en profite. Or cette ruée vers les obsèques le plus souvent n’est qu’une occasion pour se donner à de multiples cochonneries et lubricités (nous y reviendrons). Les ministres qui doivent sévir ou donner l’exemple sont eux-mêmes emportés par la fièvre des obsèques du vendredi. Pour un pays où le samedi est férié, le travail hebdomadaire se réduit à cinq jours. Mais ces cinq jours sont-ils réellement mis à profit ? Bien sûr que non ! Comment dans ces conditions, pouvons-nous rêver de développement et de progrès ?

Pour faire apposer une simple signature sur un dossier, il n’est pas rare d’attendre des jours voire des mois. Combien de fois des citoyens n’ont-ils pas attendu sur des bancs dans des services pendant des heures pour se faire recevoir ou se faire dire qu’ils ne peuvent pas être reçus ? Un dossier qui n’a pas été traité dans le temps, c’est un grain de sable jeté dans la machine du développement. Et quand il arrive par hasard de nous occuper un temps soit peu, nous nous adonnons à des activités oiseuses. Combien de temps passe-t-on devant l’écran de la télévision pour consommer des films incestueux et violents ? Combien d’heures passons-nous assis au maquis, au cabaret, pour nous empoisonner l’organisme d’alcool ? Combien de temps perdons-nous à discuter de sujets stériles et creux au détriment des débats de fonds qui engagent notre destin commun ? Combien de temps passons-nous au téléphone à faire des conversations paresseuses ? Combien de temps brûlons-nous à dénigrer, à calomnier, à médire, à mentir, à errer, à dormir ? Pendant ce temps, le travail attend, les dossiers attendent, les malades attendent, les élèves attendent, les inculpés attendent, les convoqués attendent, les administrés attendent, les clients attendent.
Et dire que dans les pays riches, dans les pays qui sont déjà développés, tout se fait à pas de course. L’écrivain ne dit pas autre chose quand il s’interroge : « Pourquoi les Africains affectionnaient de trainer ainsi les pieds ? Pourquoi les Européens et, par-delà, les Blancs, faisaient-ils tout sur le mode de la vitesse, de l’empressement, et les Africains, celui de la lenteur, de l’indolence paresseuse ? Qui donc, du Noir ou du Blanc, avait besoin d’aller vite ? » (in Mémoire d’une tombe, de Tiburce Koffi).

Le temps est aussi une matière première, une richesse inestimable qu’il faut pouvoir mettre à profit. Le temps doit être investi. C’est de cette façon qu’il peut produire des richesses. En sus, il faut savoir le gérer, l’organiser. L’Afrique commencera sa révolution le jour où elle comprendra que le temps ne doit pas être gaspillé. Pour la Côte d'Ivoire de demain, apprenons à gagner du temps. C’est de cette façon que nous gagnerons le défi du progrès.

Etty Macaire (source :)



A quoi servent les observateurs internationaux lors des scrutins en Afrique ?


Depuis l’avènement du multipartisme en Afrique, les élections présidentielles mettent désormais aux prises plusieurs candidats issus généralement de partis politiques différents.
Avant chaque scrutin, des observateurs internationaux sont envoyés par des organisations internationales. Il s’agit principalement des personnalités très expérimentées, réputées être crédibles et impartiales qui viennent en mission dans les pays organisant des élections.
Leur mission : assurer la fiabilité des processus de vote
La mission de ces observateurs internationaux consiste à garantir, ne serait-ce que par leur présence, la fiabilité et la transparence des opérations de vote. Ils font désormais partie du rituel de toutes les élections africaines.
La plupart de ces observateurs internationaux sont des ex-chefs d’Etat, des anciens ministres, des juristes, des parlementaires, des responsables d’ONG ou des intellectuels célèbres. Leur présence vise, dit-on, à contribuer à ce que les élections soient propres, « free and fair », (libres et équitables), transparentes, et partant fiables. En d’autres termes, les observateurs internationaux sont là et censées contribuer à
enrayer les velléités et pratiques de manipulations illégales et de manœuvres frauduleuses par les candidats qui seraient tentés d’accéder ou de se maintenir au pouvoir, vaille que vaille. Ainsi donc, l’observation internationale est supposée jouer un rôle important dans la protection de « l’intégrité électorale » et l’exercice du droit citoyen.

Afin d’assurer la légitimité et la crédibilité de leur tâche, les observateurs internationaux sont censés accomplir un travail de fourmi qui dure souvent plusieurs semaines, et qui consiste notamment à tout ausculter depuis l’établissement des listes électorales jusqu'à la proclamation des résultats. Ils sont aussi tenus de se soumettre à des normes de conduite internationalement reconnues. Dans ce sens, plusieurs organisations spécialisées dans l’observation internationale ont élaboré des codes de conduite visant à guider le comportement des observateurs durant leur mission.
Une présence incontournable, mais…
La force de ces observateurs internationaux réside en ceci que, une fois le scrutin terminé et leur mission accomplie, leur rapport a un poids évident, surtout dans la logique des relations internationales et leur avis est pris strictement en compte, du moins très au sérieux, notamment en matière de coopération. Cet état de fait est confirmé et souligné par M. Chris Fomunyoh, Directeur de National Democratic Institute for International Affairs (NDI) de Washington pour l’Afrique qui a la charge de superviser les processus de démocratisation dans le monde entier. Selon M. Chris Fomunyoh, « le gouvernement américain veut travailler avec tel ou tel Etat. Ainsi, les rapports des observateurs lui servent largement à fonder son jugement en
ce qui concerne le degré de démocratisation ». C’est sans doute cela qui rend la présence des observateurs quasi incontournable lors des scrutins en Afrique, certes.
Mais, là où le bât blesse, c’est qu’on observe que le nombre des observateurs internationaux est souvent restreint à quelques dizaines de personnes, même lorsque le pays observé est très peuple ou très vaste comme le Nigeria ou la RD Congo. Dans cet état de fait, les observateurs internationaux, même malgré de bonnes intentions et des expertises avérées, n’ont ni le temps, ni les moyens de visiter tous les bureaux de vote, ne peuvent assister à tous les dépouillements et décomptes, sortent très rarement de la capitale où ils sont reçus dans des conditions exceptionnelles durant leur séjour : hôtels et voitures de luxe, garde de corps, etc. D’où, les rapports et avis des observateurs internationaux ne peuvent être que partiels ou partiaux, alors que l’observation doit être objective, efficace, vigilante et non partisane. Par ailleurs, on s’aperçoit très vite que leurs rapports sont souvent non équilibrés ou non concordants, et cachent mal leurs préférences pour un parti ou un candidat quelconque, en lieu et place de l’objectivité requise pour produire des rapports impartiaux. Cela enlève toute crédibilité à leur mission et n’aide pas à garantir l’intégrité ou la fiabilité du processus électoral.
On observe souvent que les observateurs internationaux sont souvent otages des politiques qui, par la force des choses, organisent et contrôlent le processus électoral et sont leurs premiers interlocuteurs, dans le sens du respect des règles d’accréditation pendant leur mission d’observation. Rien d’étonnant à ce qu’ils soient si souvent accusés de partialité ou de complicité en faveur de tel ou tel candidat qu’ils reconnaissent "légitimement élus", après bourrage des urnes et tripatouillage des listes, c'est-à-dire en dépit, des votes contestés. Des irrégularités et des manipulations frauduleuses qui n’échappent pourtant à personne, y compris les observateurs eux-mêmes. Par exemple, en 2007, la Commission européenne a déployé de gros moyens pour les législatives et la présidentielle au Nigeria : cent cinquante observateurs. Dans leurs rapports ceux-ci ont relevé des "preuves évidentes de fraude : assassinats, électeurs empêchés de voter, urnes ostensiblement
bourrées. Leur chef, Max Van den Berg, n’a pas mâché ses mots : « ces élections ne peuvent être considérées comme crédibles" et sont "loin des critères démocratiques internationaux de base", a-t-il dit deux jours après le vote. Un mois plus tard, Umaru Yar’Adua, le vainqueur de la parodie électorale, était investi en grande pompe à Abuja.
On observe souvent qu’une lacune constatée parmi tant d’autres concerne la défaillance dans le contrôle au niveau des listes électorales. En effet, les observateurs internationaux se trouvent généralement dans l'impossibilité quasi-totale de vérifier si un électeur n'a pas déjà voté dans une autre circonscription, de faire respecter strictement les principes du vote secret, ainsi que d’imposer la présence dans tous les bureaux de vote des délégués ou des représentants de la société civile, etc.
Légitimer des mascarades et des crimes de sang ?

On dit que le mandat des observateurs internationaux n’est pas de superviser, ni de corriger les erreurs, ni de résoudre les conflits locaux, ni de s’ingérer dans le processus électoral, mais d’observer et à la limite de dénoncer des
irrégularités, sinon de « saluer le calme qui a entouré le processus ». En effet, souveraineté nationale et non-ingérence obligeant, les observateurs internationaux se contentent naturellement d’observer. A ce propos, M. Patrice Lenormand, chef du département de l’observation électorale à la Commission européenne déclare : « Nous n’avons qu’un rôle de dénonciation… Notre code de conduite précise que « les observateurs ne doivent entraver aucun élément du processus électoral. […] Ils doivent porter les irrégularités, les fraudes ou tout autre problème important à l’attention des fonctionnaires électoraux sur place ». C’est ainsi que, en mai 2005, en Éthiopie, les élections ont été chaotiques. La contestation des résultats par l’opposition a été réprimée dans le sang. Près de 30 personnes sont mortes, 100 ont été blessées. Des faits dénoncés par la mission d’observation européenne, mais les résultats ont été validés, comme l’atteste l’un des observateurs : « Nous étions 200 observateurs. Nous avons eu les résultats durant la nuit, mais ceux annoncés le lendemain par le gouvernement n’étaient pas du tout les mêmes. Il y a eu vingt jours de répression contre l’opposition. Et, alors que nous n’avions pas encore rendu nos conclusions, Javier Solana [haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, NDLR] félicitait Mélès Zenawi [le Premier ministre éthiopien]. Trois semaines plus tard, il était invité à Londres et à Bruxelles ». A noter aussi que, aux dernières élections à Madagascar, suite à une étude faite auprès d'une cinquantaine de bureaux de vote sur les 18 173 existant dans tout Madagascar, ces observateurs étrangers se disent satisfaits de leur mission d'observation, malgré de graves lacunes observées.
Utiles ou inutiles?
Cet état de fait a amené un observateur critique à dire, non sans humour noir, que « le travail des observateurs internationaux, c’est d’arriver le samedi soir, de faire la fête et de repartir le dimanche". On a aussi entendu dire que « dans l’attitude des observateurs, il y a un côté tourisme électoral ». Un autre observateur tirant subsistance de ses juteuses missions d’observateur international, a déclaré en sourdine : « les observateurs sont payés cher pour ce qu’ils font et surtout pour ce qu’ils ne font pas ». Ce dernier faisait sans doute allusion au coût des observations, dont on ne sait jamais exactement
qui paye. Parlant de coût, faut-il rappeler que, par exemple, au Togo, en février 2010, 110 observateurs (dont 30 de long terme) ont été envoyés par Bruxelles. Ils percevaient, par tète de pipe et par jour, un per diem de 195 euros, soit 128.000F CFA par jour, (hormis les dépenses d’hôtel et de restauration) ce qui équivaut à peu près à 24 euros par heure, soit 16.000F CFA ; les transports sont par ailleurs pris en charge). Toujours au chapitre des coûts, il faut savoir que, depuis 2000, la Commission européenne a dépensé au moins 300 millions d’euros en missions d’assistance électorale, dans 40 pays. Beaucoup d’argent, beaucoup de temps et beaucoup d’énergie, pour venir « observer » et être témoins de morts d’hommes, sans assistance á des personnes en dangers et pour finalement accréditer des mascarades consacrant la mort de la démocratie dans certains pays. Dans ces cas, l’observation prend le sens d’une quête de preuves récentes et d’images nouvelles de barbaries exotiques pour mettre à jour les préjugés et les thèses racistes.
On peut conclure que la plupart des rapports des élections, dans bien de pays observés, ne sont pas crédibles, malgré la présence des observateurs internationaux. Sur ce, je suis tenté de dire que les élections pourraient avoir lieu en leur absence, ou si l’on préfère, sans leur présence. C’est que je pense.

Léandre Sahiri,
Directeur de Publication



lundi 13 décembre 2010

Management gouvernemental et Emergence des pays africains

Au moment où bon nombre de pays africains aspirent à l'émergence économique, les dirigeants du secteur public doivent adopter des méthodes de management et des processus qui ont fait leur preuve dans le secteur productif...
José Louis Mene Berre (ancien conseiller technique de ministre) en parle avec Sylvie de Boisfleury à l'émission Controverse sur le plateau de Canal 3 Monde. Mots-clés: Emergence, feuille de route, plan d'action, projet, objectivité, évaluation, critères, indicateurs de suivi, mesurables, quantifiables, communication pour et avec le citoyen.



 

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