jeudi 24 novembre 2011

Savez-vous combien nous sommes en Afrique ?

 La population africaine a franchi le cap du milliard d’âmes au cours du dernier trimestre 2009, si l’on sent tient aux dires des démographes les plus avisés de la planète. Presque dans l’anonymat le plus complet. Une donne avec laquelle devront dorénavant composer les théoriciens du développement de l’Afrique, ainsi que ses habitants. 

La sinistrose qui s’est emparée de la mentalité des Africains, depuis plusieurs décennies, du fait de l’immobilisme des politiques de développement de leurs terres natales respectives, amènera à coup sûr beaucoup d’Africains à pousser des jurons à la lecture de l’information selon laquelle « la population d’Afrique a franchi le cap symbolique du milliard d’âmes en 2009 ». D’autant plus que la majorité de ce milliard “d’hommes noirs” croupit dans la misère et n’est pas près de sortir de l’auberge. Cette majorité pauvre du plus vieux continent du monde constitue d’ailleurs une portion non négligeable du milliard d’êtres humains qui ont faim sur la planète, à l’heure actuelle ; un autre cap symbolique et inique qui a été franchi en cette année 2009. 

En réalité, le milliard d’habitants est un atout considérable sur lequel doit commencer à jouer les gouvernants africains pour davantage prendre date avec le développement de leur continent dans une, deux, trois, quatre ou cinq décennies et, implicitement, réduire le fossé de développement qui sépare l’Afrique de l’Asie (moins le Japon, la Chine et les dragons asiatiques) et de l’Amérique latine, tous trois catégorisés sur la liste des zones du monde où la pauvreté sévit le plus, autrement dit, « le Sud », pour reprendre des propos des experts du développement sur la Terre. 

En matière de démographie mondiale, une donne essentielle plaide en faveur du continent noir : sur les cinq continents que renferme la Terre, l’Afrique est le seul dont non seulement la majeure partie de ses habitants est jeune, mais aussi la seule zone géographique dont la population n’est pas vieillissante. Contrairement au monde occidental. 

Imaginez, par exemple, l’Afrique (avec son milliard d’habitants) placée dans le contexte du développement des Etats-Unis d’Amérique (qui ne disposent que de 300 millions d’hommes) ! Une raison massue pour ne pas transformer ce gisement humain en Afrique en une continuelle bombe à retardement qui, lorsqu’elle va exploser avec plus de violence, va d’une part éclabousser ceux qui l’ont confectionnée, et d’autre part sa principale composante : la jeunesse africaine ! Mais ne donne pas à la jeunesse de son pays une place particulière parmi les priorités nationales, tout dirigeant qui veut. Un débat qui repose implicitement la question de la légitimité des hommes et femmes à la conduite des affaires publiques sur le continent le plus pauvre de la planète... 

Hélas ! Ils sont encore nombreux en Afrique, ces politiques aux commandes des Etats qui méritent le surnom « d’aventuriers en politique », tant leurs faits et gestes dénotent qu’ils ont abordé la sphère politique sans aucune idéologie. Mais, ce bilan triste de l’Afrique doit être pour nous une incitation à mieux penser notre pierre à apporter à son édification pour sa résurrection véritable. 

Serge Grah 

mardi 22 novembre 2011

Le mariage forcé

19 septembre 2002, 3 Avril 2003. Entre ces deux bornes chronologiques, la Côte d'Ivoire a révélé au reste du monde la trame répugnante de ses contradictions internes; ses conflits d'intérêts et ses querelles byzantines. Et, au terme de sept mois de déflagration politico-sociale, le pays de Laurent Gbagbo vient d'inventer un gros gouvernement dit de "réconciliation nationale". Les télévisions françaises et anglaises notamment, ont pris soins, en dépit d'une actualité abondante, de diffuser, à travers leurs chaînes câblées, les images de ce qui ressemble à un “mariage force” entre le Président ivoirien et la rébellion. 

Le mariage forcé

Au dernier Conseil, tout le monde était semble-t-il présent, chacun confirmé dans sa nouvelle posture ministérielle. Le tout assorti d'une invitation à la rébellion de rengainer ses kalachnikovs. Après quoi, on pouvait se tenir dans la trajectoire des caméras et se faire mitrailler par les flashs en vue de l'historique photo de famille. Le énième gouvernement de la seconde République est né. Chacun en connaît la nomenclature, même si, pour tous, sa mission relève de l'énigme. Votre navigateur ne gère peut-être pas l'affichage de cette image. 

Dans cette photo, cette image à la fois irrationnelle et surréaliste, M. Gbagbo rit largement et pour cause : il est finalement resté au pouvoir (ou dans le pouvoir) sans avoir vaincu la rébellion sur le champ de bataille. Au lieu d'une attaque frontale en effet, le Président a préféré donner à manger à ses adversaires dans le grand restaurant gouvernemental. Pour y parvenir, ceux-ci ont tué énormément, enjambé les cadavres de leurs "compatriotes", plongé le pays dans le chaos et revendiqué avec l'appui de forces étrangères, ce qu'ils ne pouvaient obtenir autrement. Quel itinéraire! 

Ils entendent maintenant se gaver du trésor public ivoirien et roter allègrement. L'appétit venant en mangeant, où vont-ils s'arrêter? Vont-ils s'emparer du restaurant?... 

Observons un peu l'équipe de M. Seydou Elimane Diarra. Il est gros comme s'il ne s'agissait pas d'un Gouvernement. Il ne manque certainement pas de faire sourire. On a l'impression, en effet, de voir deux équipes de football à quelques heures d'un derby. Et pourquoi ne pas penser à un club de rugby, quand l’on sait que c'est dans un centre de ce sport qu'a été évoquée, pour la première fois, l'idée de ce gouvernement? 

Le Président ivoirien, lui, demande à ses nouveaux collaborateurs de se mettre au travail et il sourit pendant que ceux-ci ont la mine serrée, voire l'air apeuré. Mais, dites-nous : de quel travail s'agit-il? De la mise en œuvre du programme du FPI?... J'en doute fort. Car, pourquoi et en vertu de quoi le feraient Henriette Diabaté et sa guérilla? 

En tout cas, moi, ma conviction m'incline à réaliser que ces gens ont leur programme à eux. Et, au cœur de ce programme, il y a l'avènement d'Alassane Ouattara au pouvoir. S'ils ont l'impression que la réalisation de ce projet s'avère impossible dans l'actuel gouvernement, ils mettront fin au mariage, plongeront le pays dans une autre guerre qui débouchera, croient-ils, sur la prise du pouvoir intégral.

En attendant, disons félicitation à ces mariés qui n'ont guère la même appréhension de leur union, pour le moins extraordinaire, sinon forcé. 

Bamba Abdoul Karim

lundi 21 novembre 2011

s’inspirer du « siecle des lumieres »

Je vous invite à effectuer ensemble un voyage dans le passé, dans l’histoire de l’humanité pour visiter ou revisiter une époque qui, de toutes celles ayant précédé la troisième millénaire, pourrait inspirer, restaurer, revivifier notre existence. Il s’agit du dix-huitième siècle. Parce que ce siècle fut, une période d’idées nouvelles, de fermentation intellectuelle et sociale qui prépara la Révolution française de 1789. Parce que ce siècle incarna l’idée de progrès, c’est à dire de « mouvement en avant » (Littré), grâce aux « lumières » par lesquelles l’on entendait éclairer le monde entier. En conséquence ; le dix-huitième siècle fut appelé « siècle des lumières ».
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Condorcet précise qu’il s’agit de « lumières de la raison qui, brillent désormais pour permettre aux hommes de réaliser une avancée considérable dans tous les domaines de l’activité humaine »1. Kant spécifie que «les lumières sont la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité à se servir de son entendement sans la conduite d’un autre ». Il résume en ces termes la devise des lumières : « Aie le courage de te servir de ton propre entendement »
Employé au pluriel, le mot « lumière » signifie : intelligence, savoir, capacité intellectuelle. Les lumières sont caractérisés par l’usage de la raison et par le fait pour un individu de penser de manière autonome. Et le 18ème siècle est caractérisé par l’épanouissement de ces qualités.
La philosophie des lumières commande de remettre en cause la tradition souvent source d’immobilisme, de faire fi des idées reçues et des arguments d’autorité de combattre les préjugés et les superstitions qui demeurent des obstacles à tout changement, d’avoir une haute estime de la liberté et la capacité de trouver des solutions rationnelles à toutes les questions, d’avoir foi sans faille dans le progrès.
Fontenelle, Bayle, voltaire, Diderot, Buffon, Montesquieu, Rousseau, Prévost, Bernardin de Saint-Pierre, Laclos, Sade, Marivaux, Beaumarchais, entre autres, sont les écrivains de cette époque. Ils étaient appelés « philosophes », parce qu’ils réfléchissaient sur l’homme, la société, les gouvernements et les lois, les mœurs, et donnent les résultats dans des discours, traités, articles, lettres, poèmes, contes, etc. Pour eux, toute œuvre littéraire n’était plus seulement un art, mais elle devait être désormais tournée vers la réflexion et la compréhension de la vie et demeurer surtout une arme de combat au service de la vérité et de la justice.
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Dans cette optique, les philosophes se sont donnés pour tâche de ‘’préconiser la raison qui fait que les choses sont ainsi plutôt que d’une autre façon’’. Ils se sont également donnés pour tâche d’éveiller l’esprit critique et la croissance de concitoyens, de développer l’enthousiasme de ceux-ci pour les sciences d’utiliser la raison pour combattre les superstitions, les croyances traditionnelles, les idées préconçues, de rechercher les voies du bonheur de l’homme sur terre.
Les écrits de ces philosophes dont certains sont célèbres, et d’autres peu connus, demeurent à l’origine des idéaux et des valeurs qui servent de fondement à toutes les institutions républicaines, à la démocratie, et qui finalement modèlent, régulent notre vie quotidienne actuelle.
En effet, les philosophes des lumières ont affirmé les droits de l’individu à travers une nouvelle formulation du droit naturel et des droits de l’homme. De là, s’en sont suivies les théories du « Contrat social », de la « souveraineté du peuple », de la « séparation des pouvoirs » (ou répartition démocratique des pouvoirs), ainsi que de l’idéal politique fondé sur le principe du gouvernement démocratique. C’est de cet idéal politique, qui fit son chemin tout au long du dix-huitième siècle, notamment sous l’influence de l’œuvre du philosophe anglais John Locke et des encyclopédistes, pour enfin aboutir à Révolution française de 1789, qu’est issue la Déclaration des Droits de l’homme dont découle la « Déclaration universelle » proclamée par l’O.N.U en 1948 et dont se sont inspirés la plupart des Constitutions du monde.

Par ailleurs, ce serait inadéquat de ne pas reconnaître que la « Déclaration des Droits de l’homme » a donné une place privilégiée à l’instruction publique, plaçant l’ignorance2 en tête des « causes des malheurs publics », en posant, au fond, la question de l’instruction, donc de l’école à laquelle beaucoup de grands noms du siècle des lumières se retrouvent attachés : Condorcet, Mirabeau, Talleyrand, Daunou, Robespierre, Lakanal, et bien entendu Danton qui affirma : « Après le pain, l’éducation est le premier du peuple ». Ce qui signifie que l’éducation et primordiale, sans doute parce qu’elle conditionne non seulement l’individu, mais aussi et surtout le fonctionnement de la société.
Dans tous les pays du monde, l’école d’aujourd’hui, notamment l’ensemble des systèmes et des contenus de l’enseignement du primaire au supérieur est redevable de nombre d’entre ces philosophes pour autant qu’elle est liée, dans son principe même, à la naissance de la république et aux valeurs de progrès, d’égalité et de liberté.
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En France, c’est au siècle des lumières qu’a été mis en place le premier système d’enseignement secondaire public et que de nombreuses et prestigieuses institutions ont vu le jour : le Muséum d’histoire naturelle, l’Ecole centrale de travaux publics (devenues Ecole polytechnique), l’Ecole Normale Supérieure, les premiers cours de Langues orientales (qui donnèrent naissance à l’Institut des Langues orientales), etc.
Conscients du rôle des sciences, comme fer de lance du progrès, les philosophes des lumières ont systématiquement utilisé les mathématiques et les méthodes d’observation des sciences : la méthode expérimentale, découverte depuis longtemps, remise au goût de l’époque, devint le critère essentiel de toute pensée juste. C’est l’époque où prirent leur essor la chimie, les sciences naturelles et la psychologie.
Tandis que le philosophe traditionnel est un spécialiste de la théorie et de l’abstraction, le philosophe du dix-huitième siècle est, d’abord, un homme pratique et soucieux de la réalité quotidienne, guidé par trois principes essentiels :
1° « être utile » : Il faut être utile en exerçant des activités qui contribuent au maintien et au progrès de la civilisation : littérature, économie, politique, agriculture, commerce… ;
2° « être sociable » : Il faut être sociable en vivant dans la cité des hommes et non dans la solitude, en adoptant la vie mondaine, la conversation et l’écriture comme moyen d’action pour influencer l’opinion. Les philosophes ne fréquentent plus guère la cour, mais de nouveaux foyers de vie intellectuelle où ils se sentent plus libres et ont d’influence : des clubs comme le club de l’entre sol ; des cafés publics ou privés ; des salons, comme la salon de la duchesse du Maine à Sceaux, le salon de la marquise de Lambert, le salon de Mme de Tencin, premier salon « philosophiques », où l’on encourageait les propos brillants ou piquants et où l’on discutait des idées nouvelles ;
3° « être cosmopolite » : Il faut aller outre les frontières qui sont des tracés artificiels, constituer, par-dessus les pays, uns sorte d’« internationale des esprits » (Delille). Le cosmopolitisme aide à conduire les idées, les réflexions et les enquêtes sur les systèmes politiques, sociaux, économiques des autres pays et implique également des voyages ou des séjours à l’étranger.
Les philosophes avaient des opinions variées, mais ils étaient d’accord sur les objectifs de combat commun :
- Combat pour le respect de la personne humaine : l’être humain a droit à être reconnu au-delà des frontières superficielles de pays et de race ; droit de s’exprimer librement, droit à la tolérance…
- Combat contre toute action inutile et destructrice du genre humain, en particulier la guerre et la torture qui constituent des actes de barbarie, parce que c’est un défi à la raison, et donc une négation de la civilité, du moins du savoir vivre.
Sous l’égide de la raison qui inspire l’esprit critique, les philosophes étendent leur droit de regard et leurs analyses désormais à tous les domaines ou sur tous les plans, notamment politique, social, religieux.

Au plan politique, les philosophes hostiles au respect inconditionnel de la tradition, s’interrogent sur les fondements de la monarchie ou de l’absolutisme royal et sur sa légitimité : d’où le roi tient-il son pouvoir ? Ce pouvoir est-il justifié, mérité ? Le roi lui-même est-il responsable et crédible ?
Répondant à ces questions, les philosophes condamnent l’absolutisme appuyé sur ‘’le droit divin’’, parce qu’il est le refus d’une explication rationnelle de l’autorité, parce qu’il « consiste en un pouvoir qui n’est pas partagé et réside tout entier dans la personne du roi »3. En montrant que la notion d’autorité n’est pas naturelle et qu’en gros, l’homme n’a pas reçu de la nature le droit de commander », Diderot assimile le pouvoir royal ou la royauté à une « usurpation » : Ce pouvoir ne provient pas d’un accord entre gouvernant et gouvernés ; se maintient grâce à un rapport de force générateur de troubles et de déséquilibre : c’est « la loi du plus fort ».
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Au plan social, les philosophes dénoncent la guerre comme « fruit de la dépravation des hommes », basée sur le souci personnel des gouvernants d’accéder au pouvoir, d’accroître leur autorité, d’«étendre les bornes de leurs Etats », etc. L’utilisation qu’ils font de la guerre à des fins de conquête personnelle entraîne la mort inutile de milliers d’êtres humains. La guerre cause aussi la ruine du pays. Le rôle des souverains est donc présenté comme dévié : au lieu de bâtir, ils détruisent ; au lieu de contribuer au bonheur des peuples, ils les sacrifient à leurs « caprices ».
Les philosophes mettent en évidence inégalités sociales, reposant en général sur la possession de privilège : ceux de la naissance, et de l’argent.
Toujours, au plan social, les philosophes s’interrogent aussi sur les raisons et les origines des disparités sociales4, et appellent à la prise de conscience des inégalités et des injustices, des abus : ils mettent en exergue les privilèges de la naissance et de l’argent donnant à ceux qui les possèdent la possibilité de dominer les autres et de les exploits. Les philosophes dénoncent l’esclavage et la torture, mettent en cause le système judiciaire en stigmatisant l’institutionnalisation de l’arbitraire, en particulier, les relations entre l’argent et la justice, en condamnant la vénalité des charges5, en soulignant les incompétences de juges, leurs comportements intéressés, leur partialité… On peut citer les cas de Sirven et de Calas, protestants injustement condamnés, et du jeune chevalier de la Barre, exécuté pour avoir chanté des chansons impies sur le passage d’une procession. La réhabilitation de Sirven et Calas, la suppression de la tortue juste avant la Révolution, l’abolition de l’esclavage en 1794 montrent que le combat mené par les philosophes ne fut pas inutile.

En 1715, au début du siècle, les nobles représentaient à peine un demi million sur 24 millions d’habitants, mais ils possédaient pratiquement tout ; le simple fait d’être issu d’une famille aristocratique confiait d’innombrables avantages : pouvoir, places, richesse, respectabilité. Parmi ces privilégiés, il faut compter également les riches bourgeois remarquables par leurs comportements hautains et insolents et que l’argent mettait à l’abri des soucis. Alors que, beaucoup plus nombreux étaient les représentants des classes besogneuses que l’absence totale de protection sociale et les innombrables problèmes financiers faisaient vivre dans la hantise de la maladie, de l’accident, de la mort. Leur vie était entièrement consacrée au labeur, sans loisirs, sans repos, souvent dans des conditions inhumaines. Sur le plan professionnel, l’absence d’organisations syndicales laissait les artisans, les ouvriers, les paysans sans défense. Le combat des philosophes a permis les droits et acquis sociaux dont nous jouissons de nos jours.

Au plan de la religion, pour comprendre les raisons et les formes de la critique de la religion au dix-huitième siècle, il convient de préciser les points suivants :
1) la religion était étroitement liée au pouvoir et à la vie sociale : le roi (monarque du droit divin) tient son pouvoir de Dieu ; le catholicisme est la religion d’Etat ; toute croyance qui suit pas les dogmes, c’est-à-dire les enseignements du catholicisme est assimilée à l’hérésie6
2) Le jansénisme, doctrine religieuse considérée comme une déviation du catholicisme traditionnel était condamnée. Par exemple, la condamnation des jansénistes par le pape, en 1713, apparut comme une brutale manifestation de l’intolérance.
3) Les jésuites luttaient contre l’«Encyclopédie»7, Dictionnaire général de connaissances humaines renfermant l’ensemble des idées nouvelles et contribuant à l’esprit critique ou révolutionnaire en combattant toute forme d’intolérance et de superstition, en remettant en question toutes les vérités jusque-là admises, singulièrement dans les domaines politique et religieux. 

On comprend, dans ces conditions, pourquoi les philosophes ont orienté leurs démarches critiques dans le sens d’une dénonciation de l’intolérance religieuse et ont considéré que l’ennemi le plus dangereux et le plus détestable, c’est le fanatisme, en ce sens que le fanatique, par suite d’une confiance aveugle dans ses propres croyances, prétend faire adopter, par tous les moyens, ses convictions particulières à l’ensemble de la communauté. Le fanatisme, voltaire l’appelle « le monstre » ou « l’infâme », parce qu’il n’engendre que crimes inutiles et violences insensées, discrimination, exclusion, exécution, etc.
Au fanatisme et à l’intolérance religieuse, s’oppose la tolérance. En fait, la tolérance consiste à respecter l’opinion d’autrui et lui laisser la liberté d’exprimer son opinion, même si on ne la partage pas.
Au total, le dix-huitième siècle est le siècle de la réflexion philosophique ; réflexion conçue pour l’éveil de l’esprit critique et le libre exercice de la raison pour sortir de la nuit noire de l’ignorance, de l’irresponsabilité, de l’inconscience.
Les mots et les livres des écrivains de cette époque ont sans doute vieilli. Mais, les pensées demeurent toujours actuelles, ne serait-ce que par l’appel lucide à la réflexion et à l’action ; par la mobilisation constante des forces vives contre les abus, les injustices, l’arbitraire, les restrictions des libertés et toutes autres puissances du mal.
C’est en tout cela que ce siècle mérite de retenir notre attention et qu’il s’avère nécessaire de lire ou relire les livres de cette époque. C’est ce que je pense.
Léandre Sahiri

dimanche 20 novembre 2011

Le 16 octobre 1986 à Stockholm

Ce jour-là, le 16 octobre 1986, le prix Nobel de littérature de l'année 1986 a été décerné, pour la première fois, à un écrivain africain, Wolé Soyinka du Nigeria. 

Il a produit une œuvre littéraire riche et variée (...) Son éducation, ses origines et sa formation font de lui une exception dans le monde de la littérature. Né à Abeokuta au Nigeria le 13 juillet 1934, Akiwande Oluwole Soyinka (alias Wole Soyinka) a grandi dans les environs de la mission anglicane d’Aké. Ses parents (son père est responsable d’une école primaire et sa mère commercante) "chrétiens et occidentalisés" tenaient cependant à équilibrer l’environnement anglophone colonial dans lequel il évoluait par de fréquentes visites dans le village natal de son père, à Isara en pays Yoruba. Dans la bibliothèque familiale, Soyinka découvre la littérature et les écrivains anglais. Son œuvre sera plus tard doublement influencée, par la littérature européenne et par la culture Yoruba. Wole Soyinka puise sa source dans la culture, les mythes et les traditions culturelles du peuple Yoruba qui a des liens avec la culture des régions méditerranéennes. Par sa formation dans son pays d’origine et en Europe, il a également acquis une connaissance profonde de la culture européenne. Sa collection d’essais, "Myth, literature and the African World" ". 

Ses plus célèbres essais regroupés dans « Myth, Literature and the African world » et publiés en 1976 enrichissent et facilitent la compréhension de la littérature (...). Il y critique notamment le mouvement de la négritude ("un tigre ne crie pas sa tigritude, il agit"), compare sa façon d’envisager l’art et l’écriture, avec celle d’autres écrivains africains et européens. 

Dans son livre autobiographique, « Ake : the years of childhood » centré sur son enfance et publié en 1981, raconte la vie dans son village natal, son émerveillement d’enfant devant les mystères et les traditions Yoruba qui transparaîtront plus tard dans ses œuvres. Si l’on prend en considération l’implication directe et immense de Barack Obama dans les conflits ivoirien et libyen, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que Wole Soyinka a trop tôt raison en ce qui concerne l’arrivée de Barack Obama à la Blanche, en affirmant : 
« Pour moi, dire que la victoire de Barack Obama représente une victoire pour l'homme noir n'est pas vrai. Il n'a pas été élu par les Afro-américains. Il a été élu par les Américains. Cependant, on ne peut pas ignorer que ce sera la première fois dans l'histoire des Etats-Unis que la Maison-Blanche sera occupée par un président noir et par une famille noire ». 
 Jean-René Bi Vannier

Qui se réconcilie avec qui et pour quoi faire ?

Sous le règne d’Houphouët-Boigny, il y a eu une « réconciliation nationale » parce que le pouvoir s’était rendu compte de ses fautes et erreurs (« Les Faux complots »). C’était, à la limite, une manière de demander pardon au peuple et la traduction en actes de l’acceptation de ce pardon qui a été appelée la « réconciliation nationale ».

Cependant, aujourd’hui, suite à la crise post électorale, on peut s’interroger sur deux points, à savoir : Quels sont les parties en présence qui doivent se réconcilier ? Comment doit-on procéder pour se réconcilier ?

Les parties à réconcilier

Il est très important de savoir qui se réconcilie avec qui, car lorsqu’on a mal au pied et qu’on soigne la tête ou le ventre, il va sans dire que le mal ne disparaîtra pas. Ainsi, quand un pays a mal à sa classe politique, est-il nécessaire de focaliser les soins sur le peuple ? Au temps d’Houphouët-Boigny, une poignée de personnes, faisant du zèle, avaient réussi à braquer le pouvoir contre le peuple, au point que ce dernier donnait l’impression d’une citadelle assiégée.

En 2001, sous Laurent Gbagbo, la classe politique d’aujourd’hui s’était méprise sur les objectifs sociaux et avait entrainé dans sa chute morale, une partie de la population qui en était arrivée à brûler des édifices religieux et autres symboles de la civilisation et de la république. Un forum de réconciliation nationale, s’imposait donc pour recoller les morceaux et rebâtir la nation ivoirienne… A l’occasion de cette réconciliation nationale, les dirigeants s’étaient retrouvés et avaient, devant les caméras, mais surtout devant le peuple reconnu les torts et demandé pardon.

Aujourd’hui, après la crise post électorale, la nation a besoin de l’entente de tous ses fils et filles. Car, c’est en travaillant à l’unisson que le développement national peut s’enclencher. Chacun de nous a pris une part active à la déconstruction du tissu social. Or, la désagrégation de la société mine et fragilise la cohésion nationale. C’est pourquoi le renforcement de la nation est primordial et urgent pour que chacun retrouve sa place dans la société. Mais, comment y parvenir ? Autrement dit, comment doit se présenter le processus de réconciliation ?

Le déroulement des différentes réconciliations

Si l’on se réconcilie, c’est pour un but précis. Malheureusement, l’on confond, bien souvent, les conséquences de la mésentente de la classe politique (pour qui la sagesse est une denrée rarissime) et les problèmes entre les différentes composantes de la population...

Les ténors de la classe politique doivent s’asseoir et vider leurs différends. Ils sont libres de choisir la manière qui sied le mieux en cette circonstance. Mais, en vérité, eux ont d’abord besoin de réconciliation. Cette opération est impérieuse pour aller à une réconciliation nationale. Autrement dit, leur entente entraînera, par ricochet, celle du peuple et non le contraire. Parce que, en général, l’opération de réconciliation est comme la construction d’une maison. Si le terrain choisi n’est que du sable mouvant, l’édifice ne tiendra pas debout longtemps. La première analyse sera d’abord celle du sol. Ensuite, viendra le matériau de construction et la manière de confectionner l’édifice.

Après cette phase, l’on doit s’intéresser au combat d’idées dans le processus d’adhésion aux formations politiques. Sur ce terrain, l’appartenance au parti politique, il faut le dire tout net, est très axée sur le régionalisme. Beaucoup de militants des partis sont plus attachés à la personne du mentor, plutôt par affinité régionale que par attrait idéologique. Cela se remarque par les bastions des partis politiques. C’est un des facteurs dont, avant d’aller à la réconciliation, il faudra tenir compte.

La réconciliation nationale n’est pas et ne peut pas être le début, mais la fin d’un long processus, qui passe par le règlement, le dédommagement et enfin l’acceptation du vocable « pardon ». Sans ce cheminement, il n’y aura pas de réconciliation vraie. Idem de la réconciliation entre les politiques.

Ainsi donc, aussi longtemps que M. Alassane Ouattara s’amusera à se faire peur ou à se mettre de nouveaux habits d’un homme vertueux au regard de son passé de comploteur, il n’y aura pas de réconciliation. Tant que Laurent Gbagbo et ses collaborateurs seront craints, brandis comme les seuls responsables de la crise et maintenus en prison, il n’y aura pas de réconciliation possible. Aussi longtemps que les hommes et femmes politiques n’auront pas vidé leurs différends, il n’y aura pas de réconciliation. Enfin, il faudra que M. Alassane Ouattara comprenne que, c’est l’acte de contrition qui invite au pardon de l’offensé, et donc c’est à l’appui du regret du mal acté et la ferme volonté de ne plus recourir à cet état de fait, que la demande de pardon est bien accueillie.

Le pardon précède la réconciliation, mais à condition que l’auteur de l’offense prenne conscience d’avoir mal agi. Un pardon sans contrition ne vaut rien et ne règle rien en profondeur.

Julius Blawa Gueye

Paru dans Le Filament N°16

Epître à Simone Ehivet Gbagbo



Camarade,

Je ne sais exactement quoi te dire, sinon : courage !

D’humiliation en humiliation, tu sors toujours grande

De trahison en trahison, tu reviens au peuple, plus forte

Devant tous abus vicieux, tu as toujours pardonné

Que voudras-tu que je dise au peuple qui attend impatiemment

De te voir sur le piédestal du palais de la culture pour calmer sa colère

Dame au patriotisme très profond et gênant l’ennemi de l’Afrique

Dame à la colonne vertébrale inébranlable par les coups de fouet

Du colon et de ses suppôts qui, à l’image de l’oiseau noir

Sont venus planter leurs becs de malheur sur les bords de notre Lagune Ebrié

Dame des rêves de plusieurs hommes rêvant d’une Afrique libre

Dame au caractère de Gbi la panthère, de Souroukou le lion

Dame qui a choisi de défendre l’Afrique contre toutes les tentations

Dame aux pieds de Loué l’éléphant qui boute l’ennemi hors d’état de nuire

Dame à la cervelle pleine et bien faite, jalousée et crainte par le colonisateur

Refusant de partir dans son supposé bonheur miroité aux non initiés

Que voudras-tu que je dise au peuple qui, à la recherche de guide

Attend ton retour de la villa lézardée où de force, tu as été conduite

Dame, mère des Ivoiriens, symbole de la résistance africaine

Ton peuple t’attend et te réserve un bain de foule

Pour célébrer ton retour qui se fait trop long, vraiment long

De ma plume, ton peuple apprendra quelque chose de toi

Mais, cette même plume ne saurait te remplacer auprès de lui

Et, je ne pourrais contenir le fardeau de leur envie de te voir aussi longtemps.


Sylvain de Bogou
Birmingham, le 30 septembre 2011

Paru dans Le Filament N°16

Le 11 décembre 2011 : pas d’élection en Côte d’Ivoire

Quand on est en démocratie, les élections législatives ont pour but de mettre en place une Assemblée Nationale, en tant qu’institution représentative du peuple et chargée de porter les aspirations des populations et ayant pour mission de trouver des solutions aux problèmes qui se posent, entre autres à travers le vote des lois. Les élections législatives annoncées vont-elles engendrer une Assemblée Nationale véritablement au service du peuple ivoirien et de la démocratie en Côte d’Ivoire ? La réponse évidente à cette question est : non ! Et les faits sont là pour nous le prouver.

QUI VA VOTER ?
Cette question ne se pose pas seulement pour les cas des omis, oubliés et requêtes non traitées de la liste électorale. Elle pose aussi la question des électeurs déjà identifiés. Il est su de tout le monde que, à ce jour, il y a plus de 350.000 ivoiriens réfugiés, du fait de la crise post électorale. Peut-on oser tenir des élections en Côte d’Ivoire sans eux ? Nous ne voyons pas un seul homme politique réfléchi en Côte d’Ivoire capable de répondre à cette question par l’affirmative. Même pas Alassane Dramane Ouattara, puisqu’il a lui-même déclaré qu’il n’accepterait pas qu’un seul ivoirien soit privé de ses droits citoyens... Peut-on aussi oser tenir des élections en Côte d’Ivoire sans avoir résolu le problème des déplacés internes et notamment les populations sinistrées de tout l’Ouest de la Côte d’Ivoire ? Il faut savoir que ces personnes étaient concentrées dans les camps de fortune jusqu’à ce qu’Alassane Ouattara décide de fermer ces camps, afin de ne pas souiller l’évènement de son arrivée à l’Ouest. Veut-on que ces populations sinistrées et endeuillées enjambent les corps de leurs parents assassinés pour aller mettre des bouts de papiers dans une caisse et retourner ensuite crécher dans la nature ? Supposons même que ces populations se résignent à participer, malgré leur chagrin, veut-on encore les pousser à s’adonner à ce même « jeu électoral » qui leur a valu un génocide parce qu’ils ont choisi un candidat et pas un autre ? Non ! Cela ne peut se faire et cela ne se fera plus.
Il y a enfin la situation générale de tous les citoyens qui ne sont pas partisans d’Alassane Ouattara, soit au moins 47% de la population ivoirienne. Dans quel état d’esprit veut-on que ces personnes participent à ces élections, quand on sait que la chasse aux opposants est devenue une mode sur tout le territoire ? S’il y a élection, ce sera inévitablement les sympathisants d’Alassane Ouattara, enthousiastes et confiants, face aux autres, crispés et apeurés. Nous en voulons pour preuves les dégâts causés par les partisans d’Alassane Ouattara aux opposants, entre autres, à Koumassi le 8 octobre dernier et l’assassinat d’Assofi Alexandre à son domicile le 21 Août dernier à Bonoua pour avoir annoncé qu’il serait candidat aux législatives.

POURQUOI DOIT-ON VOTER ?
Veut-on voter pour donner à la démocratie les instruments de sa marche ou bien pour consacrer la longue marche du désordre sanguinaire entamée depuis 2002 ? Veut-on voter pour mettre en place une Assemblée Nationale digne du peuple ivoirien ou bien pour promouvoir des individus ? La réponse à ces deux questions est : non ! Il s’agit de légaliser le coup d’Etat du 11 avril 2011 et d’assurer la promotion politique et sociale de certaines personnes, notamment des membres de la rébellion qui veulent se glisser sous la protection de la loi à travers l’immunité parlementaire. Il s’agit surtout de permettre à leur parrain Alassane Ouattara de se rendre à sa soirée du 22 décembre à l’Elysée avec l’acquis des législatives « organisées », peu importe la manière, y compris au détriment des pertes matérielles et humaines que ces élections présagent.
EN CONCLUSION, PAS D’ELECTION
Au regard de tout cela, Ivoirien, Ivoirienne, tu n’iras pas à ces élections. Nous te rassurons d’ailleurs que ces élections n’auront pas lieu. En tout cas, pas dans les conditions que nous venons de décrire et pas à la date indiquée du 11 décembre 2011.

KEITA SOULEYMANE,
Porte-parole des combattants, CPLCI.

lundi 14 novembre 2011

Chez nous, Les maires, On les nomme

A Mankono, département situé dans le centre-nord de la Côte d`Ivoire, le maire de cette localité, Mme Enise Kanaté, a été destituée par un arrêté du ministre de l’Intérieur, M. Hamed Bakayoko, daté du 1er octobre 2011. Mme Enise Kanaté a été remplacée par Mme Dosso Kossara, son 4ème adjoint, comme cela s’est fait, depuis le changement de régime en Côte d`Ivoire, dans plusieurs autres communes, notamment à Gagnoa, à Divo, à Guiglo, à… L`installation officielle de Mme Dosso Kossara a eu lieu le mardi 11 octobre, sous les auspices du préfet du département.

Jointe au téléphone, quelques instants après la cérémonie d`installation officielle de sa remplaçante, Mme Enise Kanaté a déclaré :
« Ce qui se passe là sous nos yeux, je le perçois comme un affront et un abus d`autorité du ministre de tutelle et je refuse de m’y soumettre. J’accuse le ministre Hamed Bakayoko de piétiner le droit, pour faire plaisir à des partisans. Je persiste et je signe : je suis le maire de Mankono, je demeure le maire de Mankono. C’est un abus d`autorité. Le droit doit être dit. Je ne me reconnais pas dans son arrêté qui nomme un intérimaire, sans me démettre. Je n`étais pas à mon poste à Mankono, certes, parce que ma sécurité était menacée. J`ai été malade. J`étais à Abidjan pour des raisons sécuritaires et j`ai écrit à mon premier adjoint pour qu`il assure mon intérim. De plus, au moment où le ministre Hamed Bakayoko prenait l`arrêté, j`étais à Mankono, depuis près de 40 jours. J`étais donc à mon poste et je demeure à mon poste... Si le ministère de l’Intérieur n’annule pas l`intérim qu`il a créé, il y aura désormais deux maires à Mankono. Si Hamed Bakayoko veut mettre le feu à Mankono, il y aura le feu... ».

Rappelons que Mme Enise Kanaté est une ancienne élue du RDR, qui a fait défection pour créer son propre parti le « Congrès démocratique de Côte d`Ivoire » (CODEMCI) et s’est alliée à Laurent Gbagbo qu’elle considère comme un symbole de liberté pour l’Afrique, mais aussi de dignité pour les Ivoiriens. A l’époque, Mme Enise Kanaté avait animé une conférence de presse, sur le thème « Pourquoi je quitte le RDR pour le FPI », pour dire les raisons de son départ de sa famille politique initiale.

Militante de première heure au RDR, son premier parti politique depuis 1994, Mme Kanaté a fait d’énormes progrès dans ce parti pour se retrouver membre du bureau politique, mais surtout commissaire politique de sa localité d’origine. Mais, elle s’est trouvée fort dépitée des positions du RDR depuis la rébellion du 19 septembre 2002. Pour elle, qui s’est « engagée dans la politique pour le bien-être des populations, et en particulier pour le développement dans sa région », il est impensable que certains acteurs de la crise ivoirienne, notamment ceux du RDR, applaudissent la rébellion.

N’étant pas en phase avec cette position, Mme Kanaté a d’abord opté pour une année sabbatique de réflexion, avant de se décider, finalement, à quitter le RDR. Mais, plutôt que de se retirer définitivement de la vie politique, elle a choisi de déposer ses valises au Front populaire ivoirien (FPI) dont les dirigeants, dit-on, n’ont pas hésité à lui ouvrir les portes.
Ceci, dit-on, pourrait expliquer cela. Mais, si tel était le cas, alors, sommes-nous dans un état de droits, du moins dans un régime démocratique ?

Jean-René Bi Vannier

Paru dans Le Filament N°15

dimanche 13 novembre 2011

L'Europe n'est pas un paradis

Wilfried N'Sondé est un écrivain et musicien congolais. Il a été lauréat 2007 du Prix des cinq continents de la Francophonie. Nous l’avons rencontré. Entretien.

L’Europe n’est pas un paradis

« Le Cœur des enfants léopards » est le titre de votre roman. Que faut-il entendre par un tel titre ?

Wilfried N'Sondé.- Il s’agit d’une introspection, d’un saut dans l’intime. L’idée était de mettre de l’humanité sur l’actualité, celle concernant les populations pauvres vivant en France, issues de l’immigration africaine. Les enfants léopards sont à la base, ceux du Congo, je crée une filiation mystique, au début du livre, entre le peuple des Bakongos et les léopards. En écrivant le livre, je me suis aperçu que les enfants léopards sont tous ceux qui se battent dans la vie, avec les attributs du léopard, la férocité et la noblesse dans les gestes.
Où commence la fiction dans votre œuvre ? Votre roman est-il une autobiographie ?
W N.- Le seul élément biographique du livre, est le fait que, comme moi, le narrateur est né au Congo et émigre vers la France vers 5 ans. Le reste est pure fiction, même si un peu comme en physique, rien ne se perd, rien ne se crée !... C’est plutôt un roman d’amour. Ce livre se veut être une plongée dans l’intime des sentiments humains.

Dans votre roman, les jeunes tiennent une place importante. Que dites-vous généralement à cette jeunesse africaine ?

W N.- Mes quelques voyages sur le continent m’ont confirmé dans l’idée que les diversités y sont grandes. Du peu que j’ai pu voir à Abidjan, je dirai simplement que les jeunes ont besoin d’emplois et d’un meilleur système d’éducation. D’ailleurs, il s’agit là d’un problème mondial. Dans d’autres pays, les jeunes ont besoin que leur pays s’ouvre davantage sur le monde. S’il est peut-être un point commun à tous, c’est le complexe récurant par rapport à l’Europe, il faut arrêter de toujours se définir en fonction des Européens, ne plus constamment attendre leur approbation et exister au-delà de leurs préjugés.

Quelles sont vos influences littéraires ?

W N.- Mes influences littéraires sont multiples. Je suis entré en littérature en lisant les romantiques du XIXe siècle, je suis d’ailleurs resté un inconditionnel de Nerval. J’ai beaucoup lu la philosophie de Nietzsche, j’aime son idée de renversement des valeurs. L’un de mes ouvrages favoris, c’est « Les méduses », de Tchikaya U’Tamsi. J’aime aussi certains auteurs français contemporains, comme Véronique Olmi, Laurent Mauvignier, Virginie Langlois ou encore Carole Martinez.

Parlez-nous de votre vision de l’Afrique, au regard des évènements qui l’a secouée. Je pense par exemple à la Côte d’Ivoire, au Kenya, à l’Afrique du Sud, etc.

W N.- Ces évènements ne sont pas propres à l’Afrique, ils sont, je crois, le fruit d’une pratique mondiale, qui consiste à mettre l’économie avant l’humain, le profit personnel avant le partage, la jouissance de quelques uns avant l’intérêt du plus grand nombre. C’est aussi la conséquence d’une manière d’aborder l’autre, celui qui est différent. Au lieu de se nourrir des différences pour s’enrichir, celles-ci font peur, créent des hiérarchies absurdes entre les êtres humains et amènent violences et chaos. Encore une fois, ces problèmes de fond et leurs manifestations ne sont pas le triste privilège de l’Afrique, mais elles y trouvent leur expression la plus horrible. Je crois que c’est sur le continent africain que les changements essentiels d’une certaine conception de l’humanité vont apparaître.

La plupart des jeunes africains sont prêts à braver toutes sortes de dangers pour se retrouver en Europe. Que pourriez-vous leur donner comme conseil ?

W N.- Dans le cas de guerres ou de pénuries aigus, je ne peux pas me permettre de condamner un tel choix. Maintenant, je pense qu’il existe une vraie propagande mondiale, qui crée l’illusion que l’Europe est un paradis, et l’Afrique un enfer. Nombreuses nations occidentales, notamment la France, se sont bâties sur ce mensonge. De ce fait, c’est très difficile pour eux de tenir un autre discours... Ceci étant, j’aimerais dire aux jeunes que le bonheur est à trouver en soi, l’environnement est une chose qui se transforme par l’action individuelle. Pour près de 90 % des immigrés hors Union Européenne qui arrivent en Europe aujourd’hui, sans papiers, sans argent, sans qualification, la vie est un vrai enfer, qui ne mérite pas que l’on prenne autant de risques. Il faut, je pense, qu’il y ait une prise de conscience de la part des dirigeants politiques, des enseignants, des artistes, de tous le monde, pour que les discours sur l’Afrique changent, mais que surtout, les pratiques des Africains changent aussi, à tous les niveaux. Nous devons être maîtres de notre destin et de celui des plus jeunes d’entre nous.

Pensez-vous que les écrivains africains peuvent contribuer aux changements de mentalités ?

W N.- J’espère que tout le monde devrait contribuer aux changements de mentalités dans le monde.

Vous êtes francophone, vous remportez un prix de la francophonie. Comment se vit ce fait là dans une ville germanique comme Berlin ?

W N.- Ce qui est important à Berlin, c’est le fait que j’ai gagné un prix littéraire, cela donne de la crédibilité. Le reste n’intéresse pas vraiment... Le monde dans son ensemble est devenu un espace de partage de valeurs humaines, malheureusement pas toujours les meilleures.

Interview réalisée par Serge Grah

Paru dans le Le Filament N°15

lundi 7 novembre 2011

Lettre de Birmingham à Laurent Gbagbo


Mon cher compatriote,
Plus de temps pour s’apitoyer
Mais le temps pour réfléchir.
Avertissements pourtant donnés
Que de démons, que de vampires à tes côtés
Donnaient dans le mensonge et dans la tricherie à peine masquée
Une absurdité aiguë dénoncée, mais pas prise au sérieux.
Des mangeurs et des nageurs, tous dans les couloirs du palais
Aux mains de l’ennemi dénoncé depuis des années.
Abandonné, seul !
Quelle folle envie de lire dans ton âme, dans ton actuelle pensée
Depuis la savane, humilié par des sans-culottes de sang assoiffés
Mon imagination me dit : des livres tu dévores et les nouvelles tu suis.
Que de confiance, trop de confiance donnée aux félons sortis du trou
Avec comme promesses, répliques, résistances et protection au peuple
Pris aux pièges de ‘l’Amérifrançafrique’ qui vit en toi un danger.
Ah! Quelle trahison. Ah! Quelle vie double menée par tes alliés d’hier
Que de sang versé sur la terre de tes ancêtres tant de fois voulus fiers
De toi, de la nation que tu voulus bâtir et de toute l’Afrique
Ah! Quelle ignorance des porteurs de flèches, de fusils, de sagaies
Tuant des Ivoiriens, vieux et jeunes tous ensemble, sans sourciller
Ah! Que la terre est méchante.
Ah ! Que la loi change de couleur, selon les intérêts en jeux
Ah! Que les hommes aussi du trou sortis
Par toi, changent selon le vent et l’humeur de la mer qui pleure les Ivoiriens
Tout en accueillant leurs corps jetés aux poissons pour s’en gaver la panse
Ah! Que de caméléons autour de toi.
Les dés depuis des temps pipés étaient.
Cependant, fier, serein et tranquille tu devras demeurer
Car, des Gbagbo, pleins dans les bourgs et les faubourgs d’Abidjan, de Katiola, de Man, de Soubré,
De Bouna, de Gagnoa, d’Aboisso…
De toute l’Europe et de toute l’Afrique, tu as semés.
Et la récolte, une bonne récolte, ne saurait tarder pour laver l’affront par le nègre essuyé
La tyrannie, de notre sang imbibé, succombera sous le poids de la colère des âmes liquidées
Expédiées reposer en pleine journée et en pleine lune de gaieté inachevée
Dans le monde des aïeux qui eux-mêmes, à une autre période, furent forcés de dormir sans fin.
Notre terre souillée dans tous ses coins et recoins, de façon fracassante et inadmissible
Fera payer l’imposteur et ses affidés venus tuer et faire main basse sur nos propriétés et nos fortunes.
Sans sommation,
Ils tuent, l’imposteur et ses affidés, avec une férocité insondable et incomparable.
Sans ménagement,
Ils tuent, l’imposteur et ses affidés, avec une joie bestiale, à un rythme cavalier et démoniaque d’un autre temps.
Mais, ils seront, ma foi,
Les sanguinaires venus de partout pour détruire le beau rêve éburnéen
Par les puissances par eux incontrôlables
Foudroyés.
A toi digne fils,
Reçois ce mot pour dire : à très bientôt.
Courage à toi. Avec toi le peuple demeure.

Sylvain de Bogou
Birmingham, le 30 septembre 2011

Paru dans Le Filament N°15

De l'exemple du peuple roumain

Le 24 décembre 1989, le président roumain, Nicolae Ceausescu, debout sur le balcon de son palais, à Bucarest, haranguait la foule conviée à participer, une fois de plus, sur la place de l’Université, à le célébrer : une gigantesque manifestation de soutien et de louanges.
Moins de 24 heures plus tard, suite à un soulèvement populaire pour mettre un terme à son régime tyrannique et pour en finir avec l’insécurité, la terreur et l’injustice, aggravées par des conditions économiques et sociales désastreuses, Nicolae Ceausescu a été chassé du pouvoir, et un nouveau gouvernement a été immédiatement mis en place.

Il faut souligner que, au cours de ce soulèvement, du 16 au 25 décembre 1989, on a vu les forces armées se joindre aux manifestants et fraterniser spontanément : le chef de la Securitate (c-à-dire : les services de police politique secrète) a demandé à ses hommes de ne pas tirer sur les manifestants. Face à cette situation plus ou moins confuse, Ceausescu et sa femme Elena Petrescu ont tenté de s’enfuir en hélicoptère.

En effet, les époux Ceausescu ont rejoint un hélicoptère sur le toit de leur résidence pour s'enfuir avec deux conseillers et trois hommes d'équipage dans le but de rejoindre un de leurs palais privés de province et reconstituer les forces encore fidèles à son régime. Les manifestants se sont attaqués ensuite à la chaîne de télévision publique devenue un media de propagande et de désinformation et, aux environs de 13 heures, ils sont parvenus à en prendre le contrôle.
Le 25 décembre 1989, à la suite d'un procès expéditif de 55 minutes, rendu par un tribunal auto-proclamé, réuni en secret dans une école de Targoviste, à 50 km de Bucarest, Nicolae Ceausescu et Elena Petrescu, ont été condamnés à mort et aussitôt fusillés dans la base militaire de Targoviste, payant ainsi au peuple roumain la facture de tant de crimes et de tant de mal qu’ils lui ont fait.
Le soir même, les images des corps exécutés du couple Ceausescu ont été diffusées à la télévision, en Roumanie et dans le monde entier. Leurs cadavres ont été enterrés dans le cimetière civil de Ghencea, à Bucarest, dans une tombe sans nom.
Il faut ici signaler et souligner la détermination et les actes de bravoure de la population roumaine dont la manifestation, diffusée en direct à la télévision, se transforma, le 21 décembre 1989, en une démonstration massive de protestation, les mains nues, contre le régime de Ceausescu.

Il faut aussi rendre hommage à la diaspora roumaine, dont le rôle a été déterminant, en particulier les intellectuels roumains en exil en France et en Angleterre, qui se sont mobilisés, organisés, pour recueillir des fonds et diffuser largement des analyses critiques, des informations même confidentielles, prenant ainsi une grande part à l’éveil des consciences du peuple roumain pour une participation active, individuelle et collective, dans la chute de Ceausescu.

Il faut aussi rendre un hommage mérité à certains citoyens roumains, dont entre autres, le lieutenant-général Ion Mihai Pacepa, vétéran de la Securitate (les services de police politique secrète). En 1978, le lieutenant-général Pacepa fit défection et se réfugia aux États-Unis, portant un coup sévère au régime, contraignant Ceausescu à revoir toute l'« architecture » de la Securitate. Le lieutenant-général Pacepa a énormément contribué à la prise de conscience des Roumains, en ce qui concerne la nature et les exactions du régime de Ceausescu, et ce, grâce à la publication courageuse et à la large diffusion de son livre « Red Horizons : Chronicles of a Communist Spy Chief ».
Dans ce livre, le lieutenant-général Pacepa a révélé divers détails sur le régime de Ceausescu, tels ses abus de pouvoir, sa collaboration avec des terroristes, ses entreprises d'espionnage industriel aux États-Unis, ses tractations pour obtenir le soutien des pays occidentaux et pérenniser son règne, ses efforts constants et élaborés pour faire croire que tout va bien alors que la population roumaine souffre énormément, etc.
Suite à la chute de ce tyran, Nicolae Ceausescu, la Roumanie est rentrée dans l’ère démocratique, avec en 1990, la victoire de M. Ion Iliescu à la première élection présidentielle libre et véritablement démocratique du pays.

Ce qui s’est passé en Roumanie n’est certes pas un fait nouveau dans l’Histoire des Hommes. Ce n’est pas, non plus, l’apanage des pays de l’Est, même si, à une certaine époque, la Pologne, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, entre autres, ont occupé les premiers paliers de l’actualité politique en la matière. En effet, en Asie, en Amérique, en Afrique aussi, on a déjà connu des chutes non moins spectaculaires de dictateurs, de tyrans et d’empereurs dont Nimeiry, Bokassa, Bourguiba, Marcos, Duvalier, Mao, Noriega, Moussa Traoré, Idi Amin Dada, pour ne citer que ceux-là.

De tous ces faits et de la révolution roumaine, on retiendra que, pour se libérer, l’on n’a pas, forcément, besoin de bombes, ni de tanks, ni de blindés, ni d’artilleries lourdes, ni de coup d’Etat militaire, ni d’aide extérieure, ni d’attendre tranquillement le décès du chef, ni de compter sur des élections dont on sait d’avance l’issue...
Il suffit, nous enseigne le peuple roumain, d’oublier ou du moins de vaincre, un tant soit peu, la peur qui nous lie les membres et l’esprit, pour, avec bravoure, défier le pouvoir jusqu’à son dernier retranchement et à sa fin et tourner, de manière décisive, les pages les plus sordides de son histoire.
C’est la conduite à tenir par toute communauté qui subit un régime véritablement contraire à son essor. C’est la voie idéale pour tout peuple faisant face à un pouvoir tyrannique qui agit contre le droit et la raison, et qui se révèle, comme celui de Ceausescu, injuste, violent, pervers.
En vérité, la révolution roumaine constitue un bon exemple à… suivre. C’est ce que je pense.


Léandre Sahiri

Publié dans le Filament N°15
 

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