lundi 21 novembre 2011

s’inspirer du « siecle des lumieres »

Je vous invite à effectuer ensemble un voyage dans le passé, dans l’histoire de l’humanité pour visiter ou revisiter une époque qui, de toutes celles ayant précédé la troisième millénaire, pourrait inspirer, restaurer, revivifier notre existence. Il s’agit du dix-huitième siècle. Parce que ce siècle fut, une période d’idées nouvelles, de fermentation intellectuelle et sociale qui prépara la Révolution française de 1789. Parce que ce siècle incarna l’idée de progrès, c’est à dire de « mouvement en avant » (Littré), grâce aux « lumières » par lesquelles l’on entendait éclairer le monde entier. En conséquence ; le dix-huitième siècle fut appelé « siècle des lumières ».
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Condorcet précise qu’il s’agit de « lumières de la raison qui, brillent désormais pour permettre aux hommes de réaliser une avancée considérable dans tous les domaines de l’activité humaine »1. Kant spécifie que «les lumières sont la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité à se servir de son entendement sans la conduite d’un autre ». Il résume en ces termes la devise des lumières : « Aie le courage de te servir de ton propre entendement »
Employé au pluriel, le mot « lumière » signifie : intelligence, savoir, capacité intellectuelle. Les lumières sont caractérisés par l’usage de la raison et par le fait pour un individu de penser de manière autonome. Et le 18ème siècle est caractérisé par l’épanouissement de ces qualités.
La philosophie des lumières commande de remettre en cause la tradition souvent source d’immobilisme, de faire fi des idées reçues et des arguments d’autorité de combattre les préjugés et les superstitions qui demeurent des obstacles à tout changement, d’avoir une haute estime de la liberté et la capacité de trouver des solutions rationnelles à toutes les questions, d’avoir foi sans faille dans le progrès.
Fontenelle, Bayle, voltaire, Diderot, Buffon, Montesquieu, Rousseau, Prévost, Bernardin de Saint-Pierre, Laclos, Sade, Marivaux, Beaumarchais, entre autres, sont les écrivains de cette époque. Ils étaient appelés « philosophes », parce qu’ils réfléchissaient sur l’homme, la société, les gouvernements et les lois, les mœurs, et donnent les résultats dans des discours, traités, articles, lettres, poèmes, contes, etc. Pour eux, toute œuvre littéraire n’était plus seulement un art, mais elle devait être désormais tournée vers la réflexion et la compréhension de la vie et demeurer surtout une arme de combat au service de la vérité et de la justice.
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Dans cette optique, les philosophes se sont donnés pour tâche de ‘’préconiser la raison qui fait que les choses sont ainsi plutôt que d’une autre façon’’. Ils se sont également donnés pour tâche d’éveiller l’esprit critique et la croissance de concitoyens, de développer l’enthousiasme de ceux-ci pour les sciences d’utiliser la raison pour combattre les superstitions, les croyances traditionnelles, les idées préconçues, de rechercher les voies du bonheur de l’homme sur terre.
Les écrits de ces philosophes dont certains sont célèbres, et d’autres peu connus, demeurent à l’origine des idéaux et des valeurs qui servent de fondement à toutes les institutions républicaines, à la démocratie, et qui finalement modèlent, régulent notre vie quotidienne actuelle.
En effet, les philosophes des lumières ont affirmé les droits de l’individu à travers une nouvelle formulation du droit naturel et des droits de l’homme. De là, s’en sont suivies les théories du « Contrat social », de la « souveraineté du peuple », de la « séparation des pouvoirs » (ou répartition démocratique des pouvoirs), ainsi que de l’idéal politique fondé sur le principe du gouvernement démocratique. C’est de cet idéal politique, qui fit son chemin tout au long du dix-huitième siècle, notamment sous l’influence de l’œuvre du philosophe anglais John Locke et des encyclopédistes, pour enfin aboutir à Révolution française de 1789, qu’est issue la Déclaration des Droits de l’homme dont découle la « Déclaration universelle » proclamée par l’O.N.U en 1948 et dont se sont inspirés la plupart des Constitutions du monde.

Par ailleurs, ce serait inadéquat de ne pas reconnaître que la « Déclaration des Droits de l’homme » a donné une place privilégiée à l’instruction publique, plaçant l’ignorance2 en tête des « causes des malheurs publics », en posant, au fond, la question de l’instruction, donc de l’école à laquelle beaucoup de grands noms du siècle des lumières se retrouvent attachés : Condorcet, Mirabeau, Talleyrand, Daunou, Robespierre, Lakanal, et bien entendu Danton qui affirma : « Après le pain, l’éducation est le premier du peuple ». Ce qui signifie que l’éducation et primordiale, sans doute parce qu’elle conditionne non seulement l’individu, mais aussi et surtout le fonctionnement de la société.
Dans tous les pays du monde, l’école d’aujourd’hui, notamment l’ensemble des systèmes et des contenus de l’enseignement du primaire au supérieur est redevable de nombre d’entre ces philosophes pour autant qu’elle est liée, dans son principe même, à la naissance de la république et aux valeurs de progrès, d’égalité et de liberté.
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En France, c’est au siècle des lumières qu’a été mis en place le premier système d’enseignement secondaire public et que de nombreuses et prestigieuses institutions ont vu le jour : le Muséum d’histoire naturelle, l’Ecole centrale de travaux publics (devenues Ecole polytechnique), l’Ecole Normale Supérieure, les premiers cours de Langues orientales (qui donnèrent naissance à l’Institut des Langues orientales), etc.
Conscients du rôle des sciences, comme fer de lance du progrès, les philosophes des lumières ont systématiquement utilisé les mathématiques et les méthodes d’observation des sciences : la méthode expérimentale, découverte depuis longtemps, remise au goût de l’époque, devint le critère essentiel de toute pensée juste. C’est l’époque où prirent leur essor la chimie, les sciences naturelles et la psychologie.
Tandis que le philosophe traditionnel est un spécialiste de la théorie et de l’abstraction, le philosophe du dix-huitième siècle est, d’abord, un homme pratique et soucieux de la réalité quotidienne, guidé par trois principes essentiels :
1° « être utile » : Il faut être utile en exerçant des activités qui contribuent au maintien et au progrès de la civilisation : littérature, économie, politique, agriculture, commerce… ;
2° « être sociable » : Il faut être sociable en vivant dans la cité des hommes et non dans la solitude, en adoptant la vie mondaine, la conversation et l’écriture comme moyen d’action pour influencer l’opinion. Les philosophes ne fréquentent plus guère la cour, mais de nouveaux foyers de vie intellectuelle où ils se sentent plus libres et ont d’influence : des clubs comme le club de l’entre sol ; des cafés publics ou privés ; des salons, comme la salon de la duchesse du Maine à Sceaux, le salon de la marquise de Lambert, le salon de Mme de Tencin, premier salon « philosophiques », où l’on encourageait les propos brillants ou piquants et où l’on discutait des idées nouvelles ;
3° « être cosmopolite » : Il faut aller outre les frontières qui sont des tracés artificiels, constituer, par-dessus les pays, uns sorte d’« internationale des esprits » (Delille). Le cosmopolitisme aide à conduire les idées, les réflexions et les enquêtes sur les systèmes politiques, sociaux, économiques des autres pays et implique également des voyages ou des séjours à l’étranger.
Les philosophes avaient des opinions variées, mais ils étaient d’accord sur les objectifs de combat commun :
- Combat pour le respect de la personne humaine : l’être humain a droit à être reconnu au-delà des frontières superficielles de pays et de race ; droit de s’exprimer librement, droit à la tolérance…
- Combat contre toute action inutile et destructrice du genre humain, en particulier la guerre et la torture qui constituent des actes de barbarie, parce que c’est un défi à la raison, et donc une négation de la civilité, du moins du savoir vivre.
Sous l’égide de la raison qui inspire l’esprit critique, les philosophes étendent leur droit de regard et leurs analyses désormais à tous les domaines ou sur tous les plans, notamment politique, social, religieux.

Au plan politique, les philosophes hostiles au respect inconditionnel de la tradition, s’interrogent sur les fondements de la monarchie ou de l’absolutisme royal et sur sa légitimité : d’où le roi tient-il son pouvoir ? Ce pouvoir est-il justifié, mérité ? Le roi lui-même est-il responsable et crédible ?
Répondant à ces questions, les philosophes condamnent l’absolutisme appuyé sur ‘’le droit divin’’, parce qu’il est le refus d’une explication rationnelle de l’autorité, parce qu’il « consiste en un pouvoir qui n’est pas partagé et réside tout entier dans la personne du roi »3. En montrant que la notion d’autorité n’est pas naturelle et qu’en gros, l’homme n’a pas reçu de la nature le droit de commander », Diderot assimile le pouvoir royal ou la royauté à une « usurpation » : Ce pouvoir ne provient pas d’un accord entre gouvernant et gouvernés ; se maintient grâce à un rapport de force générateur de troubles et de déséquilibre : c’est « la loi du plus fort ».
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Au plan social, les philosophes dénoncent la guerre comme « fruit de la dépravation des hommes », basée sur le souci personnel des gouvernants d’accéder au pouvoir, d’accroître leur autorité, d’«étendre les bornes de leurs Etats », etc. L’utilisation qu’ils font de la guerre à des fins de conquête personnelle entraîne la mort inutile de milliers d’êtres humains. La guerre cause aussi la ruine du pays. Le rôle des souverains est donc présenté comme dévié : au lieu de bâtir, ils détruisent ; au lieu de contribuer au bonheur des peuples, ils les sacrifient à leurs « caprices ».
Les philosophes mettent en évidence inégalités sociales, reposant en général sur la possession de privilège : ceux de la naissance, et de l’argent.
Toujours, au plan social, les philosophes s’interrogent aussi sur les raisons et les origines des disparités sociales4, et appellent à la prise de conscience des inégalités et des injustices, des abus : ils mettent en exergue les privilèges de la naissance et de l’argent donnant à ceux qui les possèdent la possibilité de dominer les autres et de les exploits. Les philosophes dénoncent l’esclavage et la torture, mettent en cause le système judiciaire en stigmatisant l’institutionnalisation de l’arbitraire, en particulier, les relations entre l’argent et la justice, en condamnant la vénalité des charges5, en soulignant les incompétences de juges, leurs comportements intéressés, leur partialité… On peut citer les cas de Sirven et de Calas, protestants injustement condamnés, et du jeune chevalier de la Barre, exécuté pour avoir chanté des chansons impies sur le passage d’une procession. La réhabilitation de Sirven et Calas, la suppression de la tortue juste avant la Révolution, l’abolition de l’esclavage en 1794 montrent que le combat mené par les philosophes ne fut pas inutile.

En 1715, au début du siècle, les nobles représentaient à peine un demi million sur 24 millions d’habitants, mais ils possédaient pratiquement tout ; le simple fait d’être issu d’une famille aristocratique confiait d’innombrables avantages : pouvoir, places, richesse, respectabilité. Parmi ces privilégiés, il faut compter également les riches bourgeois remarquables par leurs comportements hautains et insolents et que l’argent mettait à l’abri des soucis. Alors que, beaucoup plus nombreux étaient les représentants des classes besogneuses que l’absence totale de protection sociale et les innombrables problèmes financiers faisaient vivre dans la hantise de la maladie, de l’accident, de la mort. Leur vie était entièrement consacrée au labeur, sans loisirs, sans repos, souvent dans des conditions inhumaines. Sur le plan professionnel, l’absence d’organisations syndicales laissait les artisans, les ouvriers, les paysans sans défense. Le combat des philosophes a permis les droits et acquis sociaux dont nous jouissons de nos jours.

Au plan de la religion, pour comprendre les raisons et les formes de la critique de la religion au dix-huitième siècle, il convient de préciser les points suivants :
1) la religion était étroitement liée au pouvoir et à la vie sociale : le roi (monarque du droit divin) tient son pouvoir de Dieu ; le catholicisme est la religion d’Etat ; toute croyance qui suit pas les dogmes, c’est-à-dire les enseignements du catholicisme est assimilée à l’hérésie6
2) Le jansénisme, doctrine religieuse considérée comme une déviation du catholicisme traditionnel était condamnée. Par exemple, la condamnation des jansénistes par le pape, en 1713, apparut comme une brutale manifestation de l’intolérance.
3) Les jésuites luttaient contre l’«Encyclopédie»7, Dictionnaire général de connaissances humaines renfermant l’ensemble des idées nouvelles et contribuant à l’esprit critique ou révolutionnaire en combattant toute forme d’intolérance et de superstition, en remettant en question toutes les vérités jusque-là admises, singulièrement dans les domaines politique et religieux. 

On comprend, dans ces conditions, pourquoi les philosophes ont orienté leurs démarches critiques dans le sens d’une dénonciation de l’intolérance religieuse et ont considéré que l’ennemi le plus dangereux et le plus détestable, c’est le fanatisme, en ce sens que le fanatique, par suite d’une confiance aveugle dans ses propres croyances, prétend faire adopter, par tous les moyens, ses convictions particulières à l’ensemble de la communauté. Le fanatisme, voltaire l’appelle « le monstre » ou « l’infâme », parce qu’il n’engendre que crimes inutiles et violences insensées, discrimination, exclusion, exécution, etc.
Au fanatisme et à l’intolérance religieuse, s’oppose la tolérance. En fait, la tolérance consiste à respecter l’opinion d’autrui et lui laisser la liberté d’exprimer son opinion, même si on ne la partage pas.
Au total, le dix-huitième siècle est le siècle de la réflexion philosophique ; réflexion conçue pour l’éveil de l’esprit critique et le libre exercice de la raison pour sortir de la nuit noire de l’ignorance, de l’irresponsabilité, de l’inconscience.
Les mots et les livres des écrivains de cette époque ont sans doute vieilli. Mais, les pensées demeurent toujours actuelles, ne serait-ce que par l’appel lucide à la réflexion et à l’action ; par la mobilisation constante des forces vives contre les abus, les injustices, l’arbitraire, les restrictions des libertés et toutes autres puissances du mal.
C’est en tout cela que ce siècle mérite de retenir notre attention et qu’il s’avère nécessaire de lire ou relire les livres de cette époque. C’est ce que je pense.
Léandre Sahiri

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