mercredi 26 janvier 2011

Au tableau d'honneur : Malick Ndiaye

Un des rares intellectuels africains qui a le courage et la force de ses idées

En ce début de l’année 2011, nous avons choisi de mettre à notre Tableau d’Honneur le sociologue et professeur Malick NDIAYE. Il enseigne à l’Université Cheik Anta Diop de Dakar et dirige le cercle des intellectuels du Sénégal (Cis). Par ailleurs, il est Coordonnateur du Comité d'Initiatives des Intellectuels et Secrétaire Exécutif de la Coordination des Intellectuels d’Afrique et des Diasporas africaines. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles, ainsi que co-auteur du livre : «La Côte d'Ivoire face à son destin. Et si l'Afrique était Gbagbo» publie aux Editions L’Harmattan, il est le directeur de publication d’une revue continentale, qui a sorti un numéro spécial sur le discours de Sarkozy à Dakar.

Nous avons tenu à l’honorer parce qu’il est, M. Malick Ndiaye, est un des rares intellectuels africain qui a le courage et la force de ses idées, et qui se montre toujours disposé à participer à tout débat, à délivrer son éclairage sur tous les sujets, y compris les sujets tabous comme par exemple l’homosexualité, la franc-maçonnerie.

Il a affirmé, avec force conviction, que la manifestation contre les Ape à Bruxelles comme à Dakar, ont ouvert une nouvelle ère. Une nouvelle période qui, non seulement est caractérisée par la faillite des bureaucraties européennes et africaines, mais aussi marque l'avènement de nouveaux boulevards de libertés. Là-dessus, il en appelle au président Wade pour ne pas fermer ces boulevards de libertés. Mieux, il l’invite à laisser les Sénégalais manifester dans les rues du pays pour revendiquer l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

En outre, M. Malick Ndiaye est en première ligne des intellectuels qui ont dénoncé « une diabolisation excessive de Laurent Gbagbo » et qui ont lancé un appel pour éviter «l’enlisement» de la Côte d’Ivoire dans une guerre fratricide. Il a été l’artisan principal de la mise en place du Mouvement panafricain des amis de Gbagbo. Face à la crise ivoirienne, spécifiquement la crise diplomatique entre le Sénégal et la Côte d'Ivoire, en ce qui concerne l’immixtion ou l’ingérence de Wade dans le second tour de la présidentielle ivoirienne, M. Malick Ndiaye n’a pas hésité à déclarer : «Ce que Wade a fait, c'est une faute, et non une erreur diplomatique ».

A ce propos, M. Malick Ndiaye explique : « En ce moment, Wade est porteur de valise des Français. Wade n'agit pas parce qu'il a ses nerfs. Il agit selon une stratégie... Wade est dans une situation de 'confiage' catastrophique. Ça n'a pas marché avec Gbagbo, parce que celui-ci est contre le 'confiage' du prince héritier. Gbagbo ne se conçoit pas dans la logique de reproduction biologique... En Côte d'Ivoire, il faut savoir que le fils aîné de Gbagbo, tout le monde le connaît. Et il n'est pas connu pour être mêlé aux affaires de l'État. Et sa mère est Française. On le connaît comme, non pas le fils de Gbagbo, mais comme un opérateur qui gagne sa vie... Tout ça pour dire que Wade n'est pas pour la démocratie, il est pour le despotisme comme il l'a dit au Figaro».


Observateur averti de la situation politique africaine et ardent défenseur des droits de l’homme et de la société civile, « celle qui incarne les véritables contours de la citoyenneté », M. Malick Ndiaye estime que le peuple africain a pris conscience de sa force et que les rapports des pays africains avec la Métropole doivent être repensés sur tous les plans.

Pour lui, « la tâche des intellectuels est de lire ce qui, aujourd’hui, a fait brèche dans la société, (…) de travailler sur les questions basiques du changement de la société, de prévoir l’émergence d’une révolution citoyenne ».


Si vous avez lu les livres de M. Malick Ndiaye, n’hésitez pas à nous faire partager vos impressions et vos avis. Envoyez-nous vos commentaires, analyses et compte-rendu, etc. Nous les publierons dans nos prochaines parutions.

Léandre Sahiri

Paru dans Le Filament N°12

Hommage


Ivoiriens, Ivoiriennes

Durant le vote et après le vote

Nous nous sommes comportés

En êtres pensants, intelligents et dignes.


Ivoiriens, Ivoiriennes

De nos clivages et de nos attaches

Libérés,

Nous avons

Aux manœuvres frauduleuses, opposé la loyauté

A la ruée des excès et des barbaries, nous avons objecté les vertus de la non-violence

A la servitude volontaire, nous avons préféré la liberté

Aux promesses mirobolantes, nous avons préféré le sursaut national

A la victoire par les armes, nous avons préféré la victoire par les urnes.


Ivoiriens, Ivoiriennes

Nous avons, sans ambages, rejeté les « solutions » et les violations

Nous avons, avec courage, résisté aux assauts des violences et des mensonges

Ainsi, nous avons, sur l’honneur, certifié être plutôt portés à l’action

Ainsi, nous avons, confirmé notre rejet du plat réchauffé du code noir

Ainsi, nous avons, repoussé la recolonisation de notre pays et de l’Afrique

Ainsi, nous avons, refusé d’offrir la corde pour nous pendre

Ainsi, nous avons, réaffirmé notre espoir et notre foi

En la démocratie et aux principes éternels dont elle se nourrit

Ainsi, nous avons, aux yeux du monde entier, proclamé

Notre grandeur et notre souveraineté.

Ivoiriens, Ivoiriennes

Hommage à nous tous et à nous toutes !

Notre choix a été déterminant

La vérité a triomphé.


Ivoiriens, Ivoiriennes

La victoire remportée

Un jour nouveau se lève

Sur notre pays et sur nos vies.

Qu’il soit

Ce jour nouveau qui se lève

D’amour et de partage

D’humilité et de bon sens

De pourpre et de vermeil

Pour illuminer

Notre terre

Et toute la terre.


Ivoiriens, Ivoiriennes

La victoire remportée

Nous voilà maintenant

Sur la route de Demain

Demain à bâtir

Contre vents et marées

Demain à bâtir

Plus admirable

Plus viable

Plus vivable

Que hier et aujourd’hui

Et pour nous-mêmes

Et pour nos enfants

Et pour nos petits-enfants

Et pour les générations à venir.

Merci à tous et à toutes pour tout

Et bon vent !

Vive la Côte d’Ivoire ! Vive l’Afrique !

Léandre Sahiri

Paru dans Le Filament N°12

Le pagne noir

Il était une fois une jeune fille qui avait perdu sa mère. Elle l’avait perdue, le jour même oü elle venait au monde. Depuis une semaine, l’accouchement durait. Plusieurs matrones avaient accouru. L’accouchement durait. Le premier cri de la fille coïncida avec le dernier soupir de la mère.

Le mari, à sa femme, fit des funérailles grandioses. Puis, le temps passa et l’homme se remaria. De ce jour, commença le calvaire de la petite Aïwa. Pas de privations et d’affronts qu’elle ne subisse; pas de travaux pénibles qu’elle ne fasse! Elle souriait tout le temps. Et son sourire irritait la marâtre qui l’accablait de quolibets. Elle était belle, la petite Aïwa, plus belle que toutes les jeunes filles du village. Et cela encore irritait la marâtre qui enviait cette beauté resplendissante, captivante.

Plus elle multipliait les affronts, les humiliations, les corvées, les privations, plus Aïwa souriait, embellissait, chantait -et elle chantait à ravir- cette orpheline. Et elle était battue à cause de sa bonne humeur, à cause de sa gentillesse. Elle était battue parce que courageuse, la première à se lever, la dernière à se coucher. Elle se levait avant les coqs, et se couchait lorsque les chiens eux-mêmes s’étaient endormis.

La marâtre ne savait vraiment plus que faire pour vaincre cette jeune fille. Elle cherchait ce qu’il fallait faire, le matin, lorsqu’elle se levait, à midi, Iorsqu’elle mangeait, le soir, lorsqu’elle somnolait. Et ces pensées par ses yeux, jetaient des lueurs fauves. Elle cherchait le moyen de ne plus faire sourire Ia jeune fille, de ne plus l’entendre chanter, de freiner la splendeur de cette beauté.

Elle chercha ce moyen avec tant de patience, tant d’ardeur, qu’un matin, sortant de sa case, elle dit à l’orpheline: « Tiens! Va me laver ce pagne noir où tu voudras. Me le laver de telle sorte qu’il devienne aussi blanc que le kaolin ».

Aïwa prit le pagne noir qui était à ses pieds et sourit. Le sourire pour elle, remplaçait les murmures, les plaintes, les larmes, les sanglots. Et ce sourire magnifique qui charmait tout, à l’entour, au cœur de la marâtre mit du feu. Le sourire, sur la marâtre, sema des braises. A bras raccourcis, elle tomba sur l’orpheline qui souriait toujours.

Enfin, Aïwa prit le linge noir et partit. Après avoir marché pendant une lune, elle arriva au bord d’un ruisseau. Elle y plongea le pagne. Le pagne ne fut point mouillé. Or, l’eau coulait bien, avec dans son lit, des petits poissons, des nénuphars. Sur ses berges, les crapauds enflaient leurs voix comme pour effrayer l’orpheline qui souriait. Aïwa replongea le linge noir dans l’eau et l’eau refusa de le mouiller. Alors, elle reprit sa route en chantant :


Ma mère, si tu me voyais sur la route,

Aïwa-ô ! Aïwa!

Sur la route qui mène au fleuve

Aïwa-ô! Aïwa !

Le pagne noir doit devenir blanc

Et le ruisseau refuse de le mouiller

Aïwa-ô ! Aïwa!

L ‘eau glisse comme le jour

L’eau glisse comme le bonheur

O ma mère, si tu me voyais sur Ia route,

Aïwa-ô! Aïwa!...


Aïwa repartit. Elle marcha pendant six autres lunes. Devant elle, un gros fromager couché en travers de la route et dans un creux du tronc, de l’eau, de l’eau toute jaune et bien limpide, de l’eau qui dormait sous la brise, et tout autour de cette eau, de gigantesques fourmis aux pinces énormes montaient la garde. Et ces fourmis se parlaient. Elles allaient, elles venaient, se croisaient, se passaient Ia consigne. Sur Ia maîtresse branche qui pointait un doigt vers le ciel, un doigt blanchi, mort, était posé un vautour phénoménal dont les ailes sur des lieues et des lieues, voilaient le soleil. Ses yeux jetaient des flammes, des éclairs, et les serres, pareilles à de puissantes racines aériennes, traînaient à terre. Et il avait un de ces becs!

Dans cette eau jaune et limpide, l’orpheline plongea son linge noir. L’eau refusa de le mouiller.


Ma mère, Si tu me voyais sur la route,

Aïwa-ô! Aïwa!

La route de la source qui mouillera le pagne noir

Aïwa-ô! Aïwa!

Le pagne noir que l’eau du fromager refuse de mouiller

Aïwa-ô! Aïwa!...


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Et toujours souriante, elle poursuivit son chemin. Elle marcha pendant des lunes et des lunes, tant de lunes qu’on ne s’en souvient plus. Elle allait le jour et la nuit, sans jamais se reposer, se nourrissant de fruits cueillis au bord du chemin, buvant la rosée déposée sur les feuilles.

Elle atteignit un village de chimpanzés, auxquels elle conta son aventure. Les chimpanzés, après s’être tous et longtemps frappé la poitrine des deux mains en signe d’indignation, l’autorisèrent à laver le pagne noir dans la source qui passait dans le village. Mais, l’eau de la source, elle aussi, refusa de mouiller le pagne noir.

Et, l’orpheline reprit sa route. Elle était maintenant dans un lieu vraiment étrange. La voie devant elle s’ouvrait pour se refermer derrière elle. Les arbres, les oiseaux, les insectes, la terre, les feuilles mortes, les feuilles sèches, les lianes, les fruits, tout parlait. Et, dans ce lieu, nulle trace de créature humaine. Elle était bousculée, hélée, la petite Aïwa! qui marchait, marchait et voyait qu’elle n’avait pas bougé depuis qu’elle marchait. Et puis, tout d’un coup, comme poussée par une force prodigieuse, elle franchissait des étapes et des étapes qui la faisaient s’enfoncer davantage dans la forêt où régnait un silence angoissant.


Devant elle, une clairière et au pied d’un bananier, une eau qui sourd ; elle s’agenouille, sourit. L’eau frissonne. Et elle était si claire, cette eau, que là-dedans, se miraient le ciel, les nuages, les arbres.

Aïwa prit de cette eau, la jeta sur le pagne noir. Le pagne noir se mouilla. Agenouillée sur le bord de la source, elle mit deux lunes à laver le pagne noir qui restait noir. Elle regardait ses mains pleines d’ampoules et se remettait à l’ouvrage.


Ma mère, viens me voir!

Aïwa-ô! Aïwa!

Me voir au bord de la source,

Aïwa-ô! Aïwa!

Le pagne noir sera blanc comme kaolin

Aïwa-ô! Aïwa!

Viens voir ma main, viens voir ta fille!

Aïwa-ô! Aïwa!...


A peine avait-elle fini de chanter que voilà sa mère qui lui tend un pagne blanc, plus blanc que le kaolin. Elle lui prend le linge noir et sans rien dire, fond dans l’air.

Lorsque la marâtre vit le pagne blanc, elle ouvrit des yeux stupéfaits. Elle trembla, non de colère cette fois, mais de peur ; car, elle venait de reconnaître l’un des pagnes blancs qui avaient servi à enterrer la première femme de son mari.

Mais Aïwa, elle, souriait. Elle souriait toujours. Elle sourit encore du sourire qu’on retrouve sur les lèvres des jeunes filles.

Bernard B. Dadié, Le Pagne noir, Ed. Présence Africaine, Paris, 1955.

Paru dans Le Filament N°12

Le mot du mois : Certification

La certification dans le processus électoral

En quoi consiste donc la certification et quand doit-elle avoir lieu dans le processus électoral ? Comment doit-elle s’effectuer ?

Certifier, c’est rendre sûr, assurer que c’est conforme à… Dans le cas particulier d’une élection, ce qu’on attend d’un certificateur, c’est de dire que l’élection a satisfait au bon déroulement, c’est-à-dire qu’elle s’est faite sans entrave : l’urne a été transparente ; l’isoloir a permis à chaque votant d’accomplir son devoir citoyen face à sa conscience, selon son libre choix. En clair, la certification doit dire si la démocratie a été respectée. Le nombre de votants, celui des votes exprimés, des abstentions et des votes nuls doit être égal à celui des inscrits. Le rapport du certificateur doit rendre compte de tout cela.

Quand doit-elle avoir lieu ?

Est-ce au début, pendant ou après le vote ? Est-ce le certificateur qui doit transporter les urnes et les documents subséquents, à savoir les procès-verbaux et les listings ?

Le certificateur doit être au début, pendant et après l’opération de vote. Plus qu’un observateur, il est impliqué dans le processus, sans le piloter. Il n’a pas vocation à transporter les documents de vote, c’est le travail de la Commission Electorale.

Comment doit-il effectuer la certification ?

Dans son rapport, le certificateur doit noter que l’égalité entre les candidats a été respectée par la présence de tous les représentants des candidats. Cela se vérifie, matériellement, par la signature de chaque représentant de candidat sur les procès verbaux. Les scrutateurs, s’ils sont différents des représentants des compétiteurs, doivent également apposer leurs signatures sur les procès-verbaux. En ce qui concerne le décompte des voix, le certificateur doit vérifier le nombre de suffrages et en cas de désaccord entre les membres de la Commission Electorale, il doit recompter les voix pour accorder ses violons avec ceux de la Commission Electorale. Son rôle ne consiste pas à proclamer un résultat et, a fortiori, se substituer à la juridiction suprême du scrutin. Il n’est responsable que devant celui qu’il représente, pas devant le peuple qui a voté.

Julius G. Blawa

Paru dans Le Filament N°12

Marcoussis ou les accords du raccourci


Peut-être, saura-t-on un jour les raisons du mélodrame ivoirien. Peut-être, en identifiera-t-on également les commanditaires, tous les commanditaires; c'est-à-dire, ceux qui au delà des mannequins affamés que nous connaissons désormais, l'ont inspiré, planifié et y ont injecté des sommes faramineuses.

On a longtemps glosé en effet et une littérature abondante existe qui témoigne des objectifs visés par une cabale qui selon toute vraisemblance couronné les efforts d'une guérilla à l'identité opaque.

Je me propose pour ma modeste part de m'instruire davantage et d'exposer à terme l'opération du 19 septembre dans ses extrêmes caractéristiques. Plus qu'un pari, il s'agit d'un sacerdoce. Aussi, voudrais-je humblement prendre langue ici avec les milliers de lecteurs qui chaque jour manifestent un intérêt certain pour ce site.

En attendant, les Ivoiriens sont taraudés par l'incertitude et observent avec une gueule de bois l'émiettement de leur pays. Après avoir déposé aux pieds de l'Elysée la coupe débordante de leur préoccupation, ils se rendent compte hélas, que le pompier est un pyromane à la fois vulgaire et glouton. Linas-Marcoussis pensaient-ils en effet, devait célébrer la souveraineté de leur Etat, en magnifier les institutions avec en prime, le respect des textes qui la seconde république de Côte d'Ivoire … que non, bien au contraire.

En de petites bandes, l'on a convoyé ceux qui se sont plus dans des apparats de "représentants" : des organisations dites politiques (ou ce qui en tient lieu) mais aussi des délinquants et ceux qui les poussent dans le dos.

Dans ce centre de rugby (la symbolique est fort assommante), l'on ne pouvait que rudoyer la dignité des Ivoiriens et insulter leur intelligence. Ramenons à notre réflexion le contenu de la besace de Linas-Marcoussis: mise en place d'un gouvernement aux compétences énigmatiques, nomination d'un premier ministre inamovible voire un chef d'Etat-bis, infiltration et mise sous tutelle de l'armée nationale, mise en cause de la nature du régime lui conférant même les allures d'un régime parlementaire, etc.

Une kyrielle de dispositions donc qui arrachent aux Ivoiriens le contrôle de leur destin. Quelle pagaille! Mais alors quel activisme! Pourquoi s'est-on doté d'une loi fondamentale en 2000 s'il était aussi facile de la sodomiser? Pour le compte de qui se livre-t-on à de tels errements?

Quant au peuple de Côte d'Ivoire il semble avoir clairement signifié que Linas Marcoussis ne lui était pas opposable. Je partage ce sentiment. Après l'échec du 19 septembre, Marcoussis apparait en effet comme le chemin le plus court pour la prise du pouvoir à Abidjan.

Bamba Abdoul Karim

Paru dans Le Filament N°12

MATIÈRE À RÉFLEXION : Les Coups d’Etat en Afrique


•1952 : Égypte, Mohammed Naguib renverse Farouk Ier
•1958 : Soudan, Ibrahim Abboud renverse Abdullah Khalil
•1963 : Congo, David Moussaka et Félix Mouzabakani renversent Fulbert Youlou
•1963 : Togo, Emmanuel Bodjollé renverse Sylvanus Olympio
•1965 : Algérie, Houari Boumédiène renverse Ahmed Ben Bella
•1965 : Zaïre, Mobutu Sese Seko renverse Joseph Kasa-Vubu
•1966 : Burkina Faso, Sangoulé Lamizana renverse Maurice Yaméogo
•1966 : Burundi, Michel Micombero renverse Ntare V
•1966 : Centrafrique, Jean Bédel Bokassa renverse David Dacko
•1966 : Nigeria, Johnson Aguiyi-Ironsi renverse Nnamdi Azikiwe
•1966 : Ouganda, Milton Obote renverse Edward Mutesa
•1968 : Mali, Moussa Traoré renverse Modibo Keïta
•1969 : Libye, Mouammar Kadhafi renverse Idris Ier
•1969 : Soudan, Gaafar Nimeiry renverse Ismail al-Azhari
•1971 : Ouganda, Idi Amin Dada renverse Milton Obote
•1973 : Rwanda, Juvénal Habyarimana renverse Grégoire Kayibanda
•1974 : Éthiopie, Aman Andom renverse Hailé Sélassié Ier
•1974 : Éthiopie, Mengistu Haile Mariam renverse Aman Andom
•1974 : Niger, Seyni Kountché renverse Hamani Diori
•1975 : République fédérale islamique des Comores, Saïd Mohamed Jaffar renverse Ahmed Abdallah
•1975 : Nigeria, Yakubu Gowon renverse Johnson Aguiyi-Ironsi
•1975 : Tchad, Noël Milarew Odingar renverse François Tombalbaye
•1976 : Burundi, Jean-Baptiste Bagaza renverse Michel Micombero
•1976 : République fédérale islamique des Comores, Ali Soilih renverse Saïd Mohamed Jaffar
•1977 : Congo, Joachim Yhombi-Opango renverse Marien Ngouabi
•1977 : Éthiopie, Mengistu Haile Mariam renverse Tafari Benti
•1978 : République fédérale islamique des Comores, Said Atthoumani renverse Ali Soilih
•1978 : Mauritanie, Mustafa Ould Salek renverse Moktar Ould Daddah
•1979 : Centrafrique, David Dacko renverse Bokassa Ier
•1979 : Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo renverse Francisco Macías Nguema
•1979 : Tchad, Goukouni Oueddei renverse Félix Malloum
•1979 : Ouganda, Yusufu Lule renverse Idi Amin Dada
•1980 : Burkina Faso, Saye Zerbo renverse Sangoulé Lamizana
•1980 : Guinée-Bissau, João Bernardo Vieira renverse Luis de Almeida Cabral
•1980 : Au Libéria, Samuel Doe renverse William Richard Tolbert
•1981 : Centrafrique, André Kolingba renverse David Dacko
•1982 : Burkina Faso, Jean-Baptiste Ouédraogo renverse Saye Zerbo
•1982 : Tchad, Hissène Habré renverse Goukouni Oueddei
•1983 : Burkina Faso, Thomas Sankara renverse Jean-Baptiste Ouédraogo
•1983 : Nigeria, Muhammadu Buhari renverse Shehu Shagari
•1984 : Guinée, Lansana Conté renverse Louis Lansana Beavogui
•1984 : Mauritanie, Maaouiya Ould Taya renverse Mohamed Khouna Ould Haidalla
•1985 : Ouganda, Basilio Olara Okello renverse Milton Obote
•1985 : Soudan, Swar al-Dahab renverse Gaafar Nimeiry
•1986 : Soudan, Ahmed al-Mirghani renverse Swar al-Dahab
•1987 : Burkina Faso, Blaise Compaoré renverse Thomas Sankara
•1987 : Burundi, Pierre Buyoya renverse Jean-Baptiste Bagaza
•1987 : Tunisie, Zine el-Abidine Ben Ali renverse Habib Bourguiba
•1989 : Soudan, Omar el-Béchir renverse Ahmad al-Mirghani.
•1990 : Libéria, Prince Johnson renverse Samuel Doe
•1991 : Mali, Amadou Toumani Touré renverse Moussa Traoré
•1992 : Algérie, le Haut conseil de securité renverse Chadli Bendjedid
•1995 : République fédérale islamique des Comores, Ayouba Combo renverse Said Mohamed Djohar
•1996 : Burundi, Pierre Buyoya renverse Sylvestre Ntibantunganya
•1996 : Niger, Ibrahim Baré Maïnassara renverse Mahamane Ousmane
•1997 : Zaïre/République démocratique du Congo, Laurent Désiré Kabila renverse Mobutu Sese Seko
•1999 : Union des Comores, Azali Assoumani renverse Tadjidine Ben Said Massounde
•1999 : Côte d’Ivoire, Robert Guéï renverse Henri Konan Bédié
•1999 : Guinée-Bissau, Ansumane Mané renverse João Bernardo Vieira
•1999 : Niger, Daouda Malam Wanké renverse Ibrahim Baré Maïnassara
•2003 : Centrafrique, François Bozizé renverse Ange-Félix Patassé
•2003 : Guinée-Bissau, Verissimo Correia Seabra renverse Kumba Yala
•2005 : Mauritanie, Ely Ould Mohamed Vall renverse Maaouiya Ould Taya
•2008 : Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz renverse Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi
•2008 : Guinée, Moussa Dadis Camara s’accapare du pouvoir à la mort de Lansana Conté
•2009 : Madagascar, Andry Rajoelina dénonce et renverse à une vitesse impressionnante le régime de Marc Votre navigateur ne gère peut-être pas l'affichage de cette image. Ravalomanana…

Pourquoi tous ces coups d’Etat en Afrique ? Dans ce désastre continu depuis près d’un demi-siècle, les Africains n’ont-ils vraiment pas la plus petite part de responsabilité ?


Paru dans Le Filament N°12

lundi 24 janvier 2011

De la nécessité de combattre la Françafrique

En Afrique, la France a une grande histoire avec un certain nombre de pays. Les liens tissés avec l’Afrique pèsent si fort sur l’ensemble des relations de la France avec les pays en développement qu’aucun réexamen de la politique en direction du Sud ne peut se faire sans oser aborder de front les questions posées par ces liens privilégiés. C’est de ce point de vue que le Dr Seraphin Prao aborde, dans cette contribution, la question de la « Françafrique ».

"Une goutte de pétrole vaut une goutte de sang".

(Georges Clemenceau)



La « Françafrique » n’est pas un mot inventé par l’académie française, ni par un grammairien de renom. C’est un terme impropre dans la forme comme dans le fond. Il s’apparente à un effort d’accoler deux mots : la France et l’Afrique. Or il s’agit d’un pays et un continent très lointain que seule l’histoire a pu réunir. Selon nos recherches sur le sujet, c’est l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny qui inventa l’expression France-Afrique en 1955, pour définir les relations d’amitiés qu’il voulait établir avec la France. Il sera transformé par François-Xavier Verschave, pour devenir « Françafrique ».



La Françafrique :

une nébuleuse qui tue l’Afrique

Pour François-Xavier Verschave, on peut définir la « Françafrique » comme « une nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, et polarisé sur l’accaparement de deux rentes : les matières premières et l’Aide publique au développement. La logique de cette ponction est d’interdire l’initiative hors du cercle des initiés. Le système autodégradant se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie ». On voit donc que la « Françafrique » agit avec plusieurs acteurs (économiques, militaires et politiques) entre un seul pays, la France et un continent, l’Afrique, le tout dans des réseaux.

Historiquement, en 1958, l’union française est remplacée par la « Communauté » dans la constitution de la 5e République. Celle-ci est conçue comme une association entre un Etat souverain, la France, et des Etats africains disposant de l’autonomie interne. Le général de Gaulle, quand il accède à la présidence de la République, doit affronter une situation internationale nouvelle, celle où les colonies de la France au sud du Sahara affirment leur volonté d’accéder à l’indépendance. De Gaulle fait mine d’accepter.

Mais, De Gaule n’a pas oublié que l’intégration économique entre la France et son empire colonial a atteint sa forme la plus achevée dans les années cinquante, à la veille de la décolonisation. Par exemple, en 1960, 30% des exportations françaises étaient réalisées dans le cadre de l’empire.

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, ces relations étaient restées, pour reprendre l’expression de Catherine Coquery-Vidrovitch, « un combiné de régime militaire et d’économie de pillage […]. Sur le plan macro-économique la raison d’être de la colonie était de rapporter à la métropole. […] L’objectif est d’importer à bas prix des marchandises médiocres mais vendues à l’Africain le plus cher possible, en échange de biens primaires d’exportation contre une rémunération au producteur la plus faible possible »1.

Pour avoir toujours le contrôle sur son empire colonial, De Gaule charge, dès 1958, son plus proche collaborateur, Jacques Foccart , de créer un système de réseaux qui emmaillotent les anciennes colonies dans un ensemble d’accords de coopération politique, économique et militaire qui les placent entièrement sous tutelle. Bref, un système élaboré d’installation de forces parallèles. Et puis il y a eu l’ingénieuse idée de créer le franc CFA, qui est en réalité un instrument magnifique de convertibilité en Suisse d’un certain nombre de richesses africaines.

En définitive, après les indépendances, la relation entre la France officielle et les Etats africains s’est transformée en une sorte de relation incestueuse et infectieuse.

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La véritable amitié entre la France et les pays africains est constituée d’une organisation formée par une coalition hétéroclite composée de présidents africains et de multinationales dont le but final est de maintenir au pouvoir des dirigeants corrompus afin d’orchestrer le pillage systématique des fabuleuses richesses de l’Afrique. Ce système d’origine réactionnaire, droitière, conservatrice, arrière-gardiste, est en vérité un instrument de la stratégie néocoloniale française.

Le fonctionnement de la françafrique

La « Françafrique » a plusieurs composantes : la coopération militaire, l'aide au développement, la diplomatie et le franc CFA. Elle s’est incrustée avec un ensemble d’accords de coopération politique, économique et militaire.

La « Françafrique » a pour but de rendre compétitive l’économie française en lui fournissant les ressources naturelles dont son économie a besoin. Se souvient-on que l’économie est la lutte contre la rareté. En ce point se dessine le principe essentiel de la « Françafrique » : assurer la survie de la France.

Dans les faits, les réseaux politiques, mafieux et de filières occultes, se partagent le gâteau africain. Il s’agit d’aider quelques entreprises françaises, aidées par la diplomatie française en Afrique à exploiter les ressources naturelles des pays francophones. Ainsi, l’Afrique devient le pré-carré de toutes les compromissions et de tous les coups tordus, un espace protégé où l’impunité est assurée aux puissants.

En clair, la « Françafrique » agit par les coups d’Etat afin d’imposer des présidents dociles qui permettront aux entreprises françaises d’exploiter abusivement les ressources naturelles de l’Afrique. C’est ainsi que les multinationales instrumentalisent des conflits régionaux ou locaux pour obtenir ou conserver des marchés et des concessions.

Sur le plan militaire, la « Françafrique » s’est transformée en « Mafiafrique », une sorte de mondialisation de relations criminelles. C’est bien elle qui a éliminé Ruben Um Nyobé du Cameroun, Sylavanus Olympio du Togo (le 13 janvier 1963), Barthelemy Boganda de la Centrafrique, Thomas Sankara du Burkina Faso, Patrice Lumumba de l’ex-Zaïre, Marien Ngouambi du Congo Brazzaville, Steve Biko de l’Afrique du Sud, Kragbé Gnagbé et Ernest Boka de Côte d’ivoire, etc. Souvenons-nous que le Nigérien Hamani Diori qui voulait vendre son uranium ailleurs qu’en France, a été déposé manu militari. En 1978, la France intervenait militairement au Zaïre (actuelle République Démocratique du Congo) en soutien au dictateur Mobutu, contre les 3000 rebelles du Front de Libération Nationale Congolaise (FLNC).

Aujourd’hui encore, la France ne désarme pas, elle est plus active que par le passé. Coups d’Etat en Guinée-Bissau (septembre 2003) et à Sao-Tomé- et-Principe (juillet 2003), tentatives de putsch au Burkina Faso et en Mauritanie (octobre 2003), renversement de M. Charles Taylor par une rébellion au Liberia (août 2003), remous politiques au Sénégal (année 2003), déstabilisation de la Côte d’Ivoire (depuis septembre 2002)... l’Afrique de l’Ouest semble s’être durablement installée dans la crise politique. C’est cette « Françafrique » qui a chassé Lissouba du pouvoir parce qu’il a eu le malheur de demander 33 % de royalties sur le pétrole au lieu des 17 % de Sassou Nguesso.

Que d’opérations sur notre continent pour déstabiliser nos Etats : opération « Tacaud » dans la guerre du Katanga (Zaïre) en 1978, opération « Barracuda » contre Bokassa en 1979, opération « Epervier » en 1986 au Tchad, opération « Turquoise » au Rwanda en 1994, opération « Azalée » en 1995 au Comores,[..] opération « Licorne » en 2002 en Cote d’Ivoire. Sur le plan économique, la guerre des ressources naturelles fait rage. En Afrique, ELF tire environ 70 % de sa production, et d’où le nouveau groupe TotalFinaElf tire encore 40 % de sa production. Depuis des décennies, les compagnies pétrolières interviennent dans la vie politique et économique des pays concernés. Si ce n’est pas la mise en place ou le cautionnement des régimes responsables de violations massives des droits humains ou l’alimentation et encouragement des circuits de corruption, à l’étranger (surtout en France), c’est la destruction de l’environnement qui est en cause.

En 2006, le groupe pétrolier Total a publié un bénéfice net ajusté record de 12,585 milliards d’euros, soit le plus gros bénéfice jamais enregistré par une entreprise française. Ses revenus ont progressé de 12% à 153,802 milliards d’euros. La croissance du bénéfice du groupe a suivi ces dernières années la hausse des cours du brut. De 7 milliards en 2003, le bénéfice de Total a dépassé légèrement les 9 milliards en 2004 avant d’atteindre un précédent record de 12,003 milliards en 2005. Depuis sa fusion en mars 2000, le groupe Total-Fina-Elf est devenu la première entreprise privée française et le quatrième pétrolier mondial : 50 milliards de francs de profits, 761 milliards de chiffre d’affaire (soit la moitié du budget de la France). Ce monstre industriel est surtout actif en Asie (notamment en Birmanie) avec Total, en Afrique du Nord (particulièrement en Libye) avec Fina et en Afrique noire (Angola, Congo, Gabon, Cameroun, Tchad...) avec Elf. Au même moment, selon le classement des Nations unies, le Nigeria et l’Angola, les deux principaux producteurs africains de pétrole se trouvent actuellement au rang des nations les plus pauvres, plus précisément les plus appauvries par trois décennies d’exploitation pétrolière.

Cette tendance militaro-affairiste concerne à l’occasion d’autres multinationales : Bolloré-Rivaud (transport maritime), Bouygues (bâtiment), Castel (bières), Thomson (électronique), Suez-Lyonnaise-Dumez (eaux), Dassault (aviation).


Bolloré est l’un des acteurs économiques principaux de la « Françafrique ». On y découvre tous les liens politico-financiers de Bolloré qui est aussi directement bénéficiaire de l’aide économique au développement de la France aux pays africain, entretenant ainsi des relations étroites avec les dictatures d’Afrique. La dépendance de la France pour des produits dont le poids dans la balance commerciale est très lourd (pétrole, cuivre), mais aussi des produits stratégiques (manganèse), sillicium, platine, chrome, molybdène, éponge de titane, cobalt, ... le poussent à piller notre sous-sol avec l’aide de nos présidents.



La France impose une zone monétaire et une monnaie à ses anciennes colonies

Sur le plan financier et monétaire, la France impose une zone monétaire et une monnaie à ses anciennes colonies. La zone Franc est née officiellement en 1946. En réalité, ses principales caractéristiques étaient apparues entre les deux guerres. Jusqu’alors, la colonisation ne s’était accompagnée d’aucune tentative de mise en valeur systématique des territoires d’outre-mer. La formation d’une zone économique impériale, protégée de la concurrence extérieure et fondée sur la complémentarité des productions coloniales et métropolitaines, passait par la création d’un espace monétaire commun. Les premières dispositions dans ce sens furent prises lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale avec l’instauration d’une réglementation des changes valable pour l’ensemble des résidents de l’empire et la centralisation des réserves en devises au profit de la métropole. Les liens monétaires avec les colonies furent rationalisés et systématisés après la guerre avec la création des francs des colonies françaises d’Afrique (C.F.A). Si de toutes les structures étatiques de gestion coloniale, la zone franc est celle qui a le mieux survécu à la décolonisation, c’est parce que ses mécanismes permettent aux entreprises françaises d’opérer dans cette zone sans risque notable. Ces mécanismes assurent la libre transferabilité des capitaux dans la zone et la suprématie de la France dans son fonctionnement. Avec la zone Franc, la France garde le contrôle du système économique de ses anciennes colonies. C’est cette vassalisation monétaire que nous appelons le « CFAFRIQUE », un autre pan de la « Françafrique ». (A suivre)


Dr Prao Yao Séraphin

Economiste, analyste politique, enseignant-chercheur. Président du Mouvement de Libération de l’Afrique Noire (MLAN). Président de l’Association des Théoriciens Africains de la Monnaie (ATAM).

Paru dans le Filament N°12

Tombouctou, la mystérieuse cité


En 200 avant Jésus-Christ, Philon avait désigné les 7 merveilles du monde. Depuis l’an 2000, la fondation «7NM» (7 Nouvelles Merveilles du Monde) a entrepris de faire élire 7 autres merveilles du monde moderne. Serge Grah, éditeur ivoirien en visite au Mali rapporte ici des clichés de la seule ville africaine au sud du Sahara candidate.


A l'origine du projet des sept nouvelles merveilles, une idée du journaliste et réalisateur Suisse Bernard Weber. Il s'est rendu compte qu'une seule merveille existe encore : la grande pyramide d'Égypte. Sur la base donc des 7 merveilles de l’antiquité, ledit projet doit toucher toutes les aires géoculturelles du monde. Parmi les nombreux monuments et sites existants actuellement sur la planète, il faudra donc désigner ceux qui méritent l’appellation de « nouvelles merveilles ».

Après une première phase de présélection, 21 finalistes dont 8 sont d’Europe, 6 d’Asie, 4 d’Amérique Latine, 2 dans les Etats Arabes et 1 d’Afrique sont en lice…

Unique représentante de l’Afrique parmi ces finalistes dont la Tour Eiffel de Paris, Tombouctou la cité des « 333 Saints » a des atouts qui peuvent indéniablement peser lourd dans la balance.

En effet, située à 1200 kilomètres au nord du Mali, Tombouctou a été fondée au 12e siècle, au bord du fleuve Niger à l'est de Gao, centre névralgique des affaires avec l'Orient. A son côté ouest, se trouve Walata, la porte menant aux mines de sel qui, à cette époque, pouvait valoir jusqu'à deux fois son pesant d'or. Au Nord, il y a le Maghreb et la mer Méditerranée. Et enfin, au sud des royaumes qui s'étendaient jusqu'à l'océan atlantique.

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Dans cette ville multiséculaire, des quartiers comme la fameuse cité de Djingareiber, un vestige du passé, respire aujourd’hui encore la grande forme. Tombouctou est réputée comme cité de l'or, du commerce, de la science et de la culture. Mais surtout, ville touristique par excellence. Elle avait suscité l’engouement d’illustres explorateurs dont le français René Caillé. Sa maison, sise au quartier Djingareiber, même si elle se trouve dans un état de détérioration avancée, n’en demeure pas moins un site historique à visiter.

Actuellement Tombouctou continue d’exercer encore un pouvoir magique sur ses visiteurs, par les vestiges de son université, son patrimoine architectural, ses hauts lieux historiques et culturels, son artisanat original et sa tolérance religieuse. Les chrétiens (baptistes, catholiques et protestants) et mêmes juifs y ont toujours vécu dans une parfaite harmonie et une grande solidarité avec les musulmans. Ses mosquées de Djingareiber, Sankoré et de Sidi Yahia qui datent toutes du 14e siècle, sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Le centre Iheri-Ahmed Bada qui est un centre de documentation et de recherches, est chargé de collecter et d’exploiter les manuscrits africains pour une réécriture de l’histoire africaine. Depuis sa date de création en 1973 jusqu’à ce jour, le centre a pu collecter 20.000 manuscrits traitant de sujets divers. A Arabadjou, au nord de la ville, se dresse fièrement le monument de la paix qui a consacré la fin de la rébellion dans le nord du Mali. Construit après la « Flamme de la Paix de Tombouctou » organisée le 27 mars 1996, ce monument comprend trois parties que sont les murs de l’histoire, le bûché symbolisant la flamme qui a permis d’éteindre le feu et une silhouette de quatre personnes tenant le flambeau de la paix. Pour que cette paix règne en Afrique et à travers le monde.


Tous les Africains, où qu’ils soient, doivent apporter leurs suffrages à Tombouctou pour faire de cette « cité mystérieuse » l’une des 7 nouvelles merveilles du monde. Car, son mérite et sa contribution à la civilisation de l’universelle doivent être reconnus à leur juste valeur à Lisbonne le 7 juillet prochain. Toutefois, il faut rappeler que le mode d’élection se fait par un vote sur internet. Et tout Africain doit le faire. Pour mémoire il est bon de savoir que sur la liste des sept merveilles du monde de l’antiquité, il y avait le temple d’Artémis à Ephèse, les Pyramides d’Egypte, les jardins suspendus de Babylone, le mausolée d’Halicamesse, le phare d’Alexandrie, le colosse de Rhodes et la statue de Zeus à Olympie.

Serge Grah

(Journaliste, Ambassadeur Universel pour la Paix)

Paru dans le Filament N°12

Les chrétiens d’Afrique sont-ils de bons chrétiens ?


Legs de la traite négrière et de la colonisation, la chrétienté a imbibé les habitudes quotidiennes de bon nombre d’Africains. Généralement, sur le continent noir, ils sont nombreux ces dirigeants ou hommes politiques de premier rang qui aiment montrer qu’ils sont de « bons chrétiens » à l’occasion des grandes célébrations chrétiennes, comme Noël ou Pâques. Mais, ces fêtes symbolisent-elles vraiment pour les Africains, en particulier les dirigeants africains, une occasion de prendre date avec l’histoire ou de faire de sincères actes de contrition comme leurs compatriotes chrétiens pour le développement de leur continent ?

Qu’on se le dise et qu’on s’y accorde, les chrétiens africains de ce début de 21e siècle se montrent plus fervents croyants que les Occidentaux qui leur ont inculqué les valeurs et règles de base de cette religion chrétienne. Au point de se prévaloir de leur croyance en Dieu et très précisément en « son fils unique Jésus-Christ » pour mener des croisades meurtrières contre leurs frères qui ne regardent pas dans la même direction religieuse qu’eux.

Le Nigeria illustre parfaitement, de façon cyclique, cet engrenage des violences religieuses en Afrique occidentale. Un peu comme le Kenya en Afrique de l’Est. Les dimanches, en Afrique, l’on ne ressent pas de la même façon la ferveur chrétienne dans les chapelles, temples et églises comme on le voit en Occident.

Votre navigateur ne gère peut-être pas l'affichage de cette image. Alors que le prêtre ou le pasteur blanc et ses fidèles participent aux célébrations dominicales en gardant un œil sur leur montre, sur le continent noir, les mêmes acteurs chrétiens précités se vautrent dans le gaspillage du temps les dimanches. Homélies et prêches interminables, quêtes maigres, mais longues, chansons de louange kilométriques ; voilà autant de caractéristiques qui différencient les célébrations dominicales d’Afrique d’avec celles des Occidentaux. Autrement dit, si les ferventes prières pouvaient aider les Etats d’Afrique à se développer, les Africains seraient à des années-lumière des habitants des pays du Nord. Hélas, en Afrique, on oublie, ou du moins, on prend la peine d’oublier que l’« ora » s’accompagne du « labora » comme le recommande la Bible. Ce ci suggere, en d’autres termes, que un croyant en Jésus-Christ doit travailler au même rythme sinon plus qu’il prie!!!

C’est justement ce qu’ont compris les habitants du Nord qui se donnent de moins en moins la peine d’honorer le Commandement de Dieu qui veut que les chrétiens « respectent le jour du Seigneur ». La « crise de la foi en Occident » évoquée par la presse du Nord à plusieurs reprises est encore dans toutes les têtes !!!

Cet attachement particulier des Africains à la foi chrétienne s’est surtout fossilisé parce que les leaders d’opinion de leur continent s’efforcent quotidiennement de leur montrer de mauvais exemples. Ces Noirs de premier plan d’Afrique portent en effet le nom de grands saints, mais hélas ne se donnent presque pas la peine d’imiter les vertus de ces anges. A titre illustratif, Joseph Kony tue impunément « au nom de Dieu » en Ouganda; Saint Charles n’a pas suffi au président Taylor pour qu’il se préserve de massacrer ses compatriotes libériens et leurs frères sierra-léonais; Saint Faure n’a pas pu convaincre le président Gnassingbé Junior de ne pas fermer les yeux sur les humiliations macabres des Togolais en 2005 et les fraudes patentes du scrutin présidentiel du 4 mars 2010, etc.

Trop souvent, les chrétiens d’Afrique oublient, comme le rappelle Saint Augustin, que « Dieu qui nous a créés sans nous ne peut nous sauver sans nous » ! Et surtout qu’on « demandera plus à ceux qu’on a donné plus (…) Que celui qui veut devenir le plus grand d’entre vous apprenne à servir les autres », dixit le Christ. Un message christique qu’ont compris de toute vraisemblance les dirigeants du Nord, même s’ils sont loin d’être des Saints. Jacques Chirac fut un « ami personnel » du défunt général Etienne Eyadèma Gnassingbé, mais jamais, le chrétien Chirac n’a cherché à enfoncer sa terre natale dans le gouffre sur tous les plans comme son pair Étienne Gnassingbé s’est évertué à le faire quand le processus de démocratisation a été enclenché au Togo dans les années 90.

Ne plus chercher à être chrétien pour être chrétien en Afrique est aussi une voie idoine pour les habitants de ce continent pour prendre de nouvelles résolutions engageant véritablement le continent noir sur le sentier du développement. C’est la meilleure Pâque que les chrétiens Africains puissent célébrer en cette année du cinquantenaire des indépendances africaines…

Edem Ganyra

Source: L’Encre Noir
Illustration : Camille Millerand

Paru dans Le Filament N°12

que valent les sanctions de l’union européenne ?


Le chef d'état français, M. Nicolas Sarkozy, avait intimé l’ordre au président Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir "avant la fin de la semaine", notamment au plus tard le 19 décembre 2010. Comme on pouvait s'y attendre, l'ultimatum, lancé par M. Nicolas Sarkozy à Bruxelles n'a pas produit d'effets. M. Laurent Gbagbo est toujours au Palais présidentiel. L'Union européenne (UE) a, par la suite, entrepris de mettre des menaces à exécution, en usant d’un certain nombre de mesures dites « sanctions ».

En effet, les pays membres de l’Union européenne ont décidé, lundi 21 décembre dernier, de sanctionner le président Laurent Gbagbo, accusé par ceux-ci, de « se maintenir au pouvoir après un coup de force institutionnel », a indiqué Mme Maja Kocijancic, la porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Mme Cathérine Ashton.

Ainsi, M. Laurent Gbagbo, y compris 18 personnes de son entourage, dont son épouse Simone, subiront des restrictions dans la délivrance de visas pour les pays de l'UE, et leurs avoirs dans ces pays seront gelés.

Selon un diplomate européen cité par l'AFP, les interdictions de visa devraient être rapidement effectives, mais le gel des avoirs prendra plus de temps, du fait de la procédure «plus lourde».

Interrogations

Les sanctions de l'Union Européenne poussent à plusieurs interrogations dont les principales pourraient être les suivantes : pour qui se prend cette organisation pour distribuer, comme ça, des sanctions, à l’emporte-pièce, à des citoyens d'un pays indépendant depuis 1960 ? Qu’est-ce qui l’autorise à sanctionner les gens ? D’où tire-t-elle sa légitimité ?...

Et puis, franchement, avant d'être sanctionné, le bon sens demande qu'un être humain, si tant est qu’il est considéré comme tel, doit pouvoir avoir l’opportunité de répondre, devant un tribunal, des actes que l'on lui reproche ; car, selon la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, en son article 9, « Tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable », bien entendu devant les tribunaux…

Les sanctions de l'Union Européenne montrent combien on se fout royalement de nous les Africains. Et, bêtes que nous sommes, nous les Africains, nous applaudissons et claironnons fièrement ces « décisions » qui n’ont pas d’autre objet que de nous infantiliser, de nous instrumentaliser, de nous déshumaniser, comme à l’époque coloniale, cette époque glorieuse où l'on avait droit de vie et de mort sur ses « sujets ». A la seule différence que, ici, ce n'est plus la France seule, mais une « Union » regroupant plusieurs pays coloniaux d'hier. Ne sont-ce pas là le comble du complot contre l’Afrique et la preuve évidente et mal dissimulée de la pérennisation de la colonisation et de l’esclavage ?

Naïveté et inconscience

Alors, je pose la question suivante : Quand est-ce que, nous les Africains, nous allons nous réveiller et apprécier à sa juste valeur ce genre de méprise et de mépris?

Par ailleurs, on pourrait légitimement se demander ce que valent ces sanctions pour les sanctionnés en question ?

Je réponds tout net : ces sanctions sont nulles et sans effet, quand on sait que les personnes concernées ne vivent pas en Europe, n'utilisent pas les services européens pour leurs besoins quotidiens et vitaux. De plus, c’est un principe universellement reconnu et sacré dans le monde civilisé que « ce sont les personnes ayant le droit de vote, de représentation et de participation dans une organisation qui sont moralement et légalement soumises aux lois, règlementations et décisions de cette organisation, que ce soit au plan local ou à l’échelle internationale ». De ce fait, il est clair que les Africains, et dans le cas d’espèce, M. Laurent Gbagbo et son entourage ne sont aucunement concernés, ni moralement, ni légalement, par les sanctions de l’Union Européenne. De la même manière, un citoyen français, anglais, allemand, espagnol, entre autres Européens, se considère ni moralement, ni légalement obligé d’obéir aux injonctions d’un parti politique chinois ou d’une union africaine, ou d’un syndicat américain, par exemple, s’il n’est ni de loin, ni de près concerné par les activités et les statuts de telles organisations. Il faut le savoir.

De ce fait, les Africains qui considèrent et épinglent ces décisions et s’en enorgueillissent, font tout simplement preuve d’une naïveté déconcertante et d’une crédulité sans égal. Ces Africains-là oublient ou feignent d’ignorer que l'Union Européenne les utilise simplement comme des paillassons pour entrer chez nous et faire ce qu’elle veut sur nous et de nous. Ces individus sont des suppôts pour perpétuer la domination occidentale et l’esclavage permanent des Noirs, tel qu’édicté par le « Code noir » promulgué par Louis XIV en 1685. Le pire est que ces Africains-là ont vendu leurs âmes au diable, et sont prêts à tout et à n’importe quoi pour plaire à leurs maîtres, prêts à utiliser des rebellions et des mensonges, prêts à violer les lois et la constitution de leurs pays, prêts à tuer leurs compatriotes…, juste pour avoir le sentiment d’être « quelqu’un », sinon c’est pour obtenir des positions et des gains qui, du reste, sont éphémères ; du moins c’est pour récolter des miettes qui les rabaissent plutôt que de les élever. Ces Africains-là sont les vrais bourreaux des Africains et de l’Afrique. C’est la honte. En tout cas, j'ai mal, tout simplement mal…

C’est ce que je pense,

Léandre Sahiri,

Directeur de Publication

Paru dans le Filament N°12

mercredi 5 janvier 2011

EXIGER LE RETOUR EN AFRIQUE DES QUELQUES 3.000 MILLIARDS FCFA DE LA BCEAO LOGES AU TRESOR FRANÇAIS


Exiger le retour en Afrique des quelques 3.000 milliards FCFA de la BCEAO logés au trésor français et qui peuvent servir au développement des pays de la sous-région ouest africaine.


Le Professeur Kako Nubukpo est un économiste togolais, agrégé des Universités en économie et ex-fonctionnaire de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO).

Aujourd'hui consultant auprès de l'Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), il dresse un bilan de cette institution sous-régionale qui, selon lui, a réalisé très peu en quinze ans, parce qu'elle se contente surtout de gérer de grands équilibres macroéconomiques, au détriment de l'amélioration des conditions de vie des citoyens. De plus, le Pr Kako Nubukpo, revenant sur une question dont la BCEAO parle peu, réclame le retour en Afrique de plus de trois mille milliards FCFA de la Banque centrale, logés au trésor français et qui pourraient servir au développement des pays de la sous-région ouest africaine, membres de l'UEMOA. Interview.


Ouestafnews - En tant qu'économiste, quel est votre regard sur les progrès réalisés, après 15 ans, en matière d'intégration économique sous régionale, dans la zone UEMOA ?

Pr Nubukpo - C'est comme la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide (...). Au plan formel, il est indéniable qu'il y a eu des progrès, notamment du point de vue des institutions sous régionales, du point de vue même de la cohésion au niveau des décideurs. Le mécanisme de surveillance multilatérale, le mécanisme de surveillance par les pairs, entre autres, constituent des progrès indéniables.

Mais, concrètement, par rapport à ce que vit le citoyen de l'Uemoa, force est de reconnaître que nous n'avons pas avancé. La pauvreté continue d'augmenter. Comme on voit bien, le coût de la vie augmente dans l'Union ; on ne peut pas circuler librement en dépit des textes qui disent qu'il y a une liberté de circulation etau plan de ce que moi j'appellerai la gouvernance macro économique de la zone. Il y a de sérieux problèmes. Nous avons une monnaie qui est extrêmement forte parce qu'elle est rattachée à l'Euro, et l'Euro fait à peu près 1,40 dollar. Mais, nous ne pouvons pas exporter, parce que nous exportons en dollar et nos intrants sont importés en Euro. Donc, nos hommes d'affaires, nos agriculteurs, nos commerçants ont beaucoup de mal à être compétitifs à l'export... En quelque sorte, les gens en parlent, les institutions progressent mais le citoyen lambda de l'Union ne voit pas encore le fruit de l'intégration. [...]

Ouestafnews - Lors d'un débat à l'occasion de ce 15ème anniversaire, vous avez mentionné la Banque Centrale et vous avez évoqué la question de ses réserves à l'extérieur, notamment en France. Pouvez-vous nous expliquer davantage ce mécanisme et en quoi il plombe la relance de nos économies que vous défendez ?

Pr Nubukpo - Oui ! Ce qu'il faut savoir, c'est il y'a ce qu'on appelle les « conventions du compte d'opération » qui organisent la gestion du franc CFA. Pour être simple, lorsque la Banque centrale émet du franc CFA, il faut qu'elle ait des devises, qui sont logées auprès du trésor français et la convention dit : lorsque vous émettez 1 franc CFA, vous devez avoir 0,2 franc CFA sous forme de devise auprès du trésor français, soit 20% de taux couverture de l'émission monétaire. Aujourd'hui, nous sommes à plus de 110 % de couverture de cette émission monétaire! C'est-à-dire que quand nous émettons un franc CFA nous avons plus de 1 franc CFA sous forme de devises logés au trésor français à Paris. La question est de savoir si entre les 20% de couverture qui sont exigés pour que la France garantisse la parité fixe entre le CFA et l'euro et les 110 % de couverture qui sont effectifs à l'heure actuelle, s'il n'y a pas moyen de mobiliser une partie de ces ressources pour financer la croissance de nos économies qui en manque cruellement.

Ouestafnews - De quels montants parle-t-on ? De milliards, de dizaines ou de centaines de milliards?

Nubukpo - Il y a plus de 3.000 milliards de francs CFA à l'heure actuelle, provenant de la zone UEMOA et la zone CEMAC (Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale). Je crois savoir qu'on n'est pas loin d'en avoir le double, parce que c'est une zone productrice et exportatrice de pétrole. Donc, si on accumule les réserves de change des deux Banques centrales de la zone Franc, on n'est pas loin de 8.000 milliards de francs CFA qui ne servent finalement qu'à garantir la parité fixe. La question qu'on est en droit de se poser est de savoir si nous privilégions une croissance, quitte à avoir un peu d'inflation dans nos zones, ou si nous voulons simplement défendre le taux de change et nous glorifier d'être une zone de faible inflation ? Tout ceci en sachant, en plus, que cette inflation n'est pas d'origine monétaire, c'est une inflation importée. Ce sont les chocs pétroliers, les aléas climatiques, donc la question c'est : à quoi servent les banques centrales de la zone Franc ?

Ouestafnews - Vous remettez en cause le modèle ou, en tout cas, le choix de la régulation, alors qu'on sait que pendant les quinze dernières années, ça a été l'ossature de la politique, le coeur, voire l'âme de la politique de l'UEMOA : baisse de l'inflation et contrôle des déficits budgétaires.... Est-ce qu'un économiste raisonnable peut remettre en cause ces modèles sans remettre en question les équilibres ? Jusque-là, on nous a convaincus que l'équilibre de nos économies repose sur ces deux paramètres, ou encore que ces deux paramètres font partie des fondements auxquels il ne faut pas toucher...

Pr Nubukpo - Tout à fait. Je voudrais être clair. Je ne fais l'apologie de la mauvaise gestion, ni du laxisme en matière de gestion économique. Mais, je dis simplement que nous devons être pragmatiques. La variable aujourd'hui qui manque le plus dans nos économies, c'est le crédit. Et, toutes les études sur le financement de notre zone montrent qu'il y a rationnement du crédit. Donc, la Banque centrale doit jouer son rôle pour alimenter nos économies en liquidité et c'est très important. Elle doit également jouer son rôle pour une bonne fluidité des impulsions monétaires, voir comment le secteur bancaire se comporte et elle est d'autant plus obligée de jouer ce rôle qu'elle a promu la libéralisation financière, en 1989. Ce que je dis simplement, c'est que nous devons avoir du crédit pour obtenir la croissance et la croissance va générer les recettes d'exportation des devises qui vont nous promettre de garantir notre parité. Il n'est pas normal que les économies les plus faibles du monde aient la monnaie la plus forte du monde. La monnaie doit refléter un tant soit peu la qualité de la production d'une économie, la monnaie ne peut pas être déconnectée du secteur réel de nos économies. C'est comme si on voulait vivre au-dessus de nos moyens, sans accepter d'en payer le prix.



source ouestaf.com
paru dans Le Filament N°8
 

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