dimanche 26 décembre 2010

Le roman en Côte d'Ivoire : une écriture "nzassa"

Les recherches romanesques ivoiriennes débouchent sur une nouvelle écriture transculturelle auxquels Jean-Marie Adiaffi avait appliqué le terme agni de " nzassa " qui signifie : assemblage de type patchwork.

À côté de romans de facture classique, on remarque aujourd'hui en Côte d'Ivoire une nette tendance des romanciers à une recherche d'écriture. Comment dire ? Comment mieux dire ce que l'on a à dire ? Ainsi, des auteurs comme Ahmadou Kourouma, Maurice Bandaman, Tanella Boni, Véronique Tadjo ou encore le regretté Jean-Marie Adiaffi ont développé une écriture romanesque mâtinée de poésie et de littérature orale qui ne laisse pas indifférente la critique littéraire.
Cette recherche d'une écriture propre, parmi l'une des plus originales de ces dernières années allie créativité, intertextualité, message qui sont les maîtres mots de ces romans d'un nouveau genre auxquels Adiaffi avait appliqué le terme agni de " nzassa " (assemblage de type patchwork).

Dans Le Fils-de-la-femme-mâle (1993), Maurice Bandaman évoque sur le mode du conte, empruntant aussi à nombre d'autres genres tirés de l'oralité, l'odyssée d'Awlimba-Tankan, hermaphrodite, figure emblématique d'un nouveau monde qui puise aux sources de l'univers culturel akan. Quant à Kourouma, qui a obtenu le Renaudot 2001 avec Allah n'est pas obligé, il a produit, avec En attendant le vote des bêtes sauvages (1999), un texte novateur où les
veillées de chasseurs (les dozos) et leurs textes traditionnels nourrissent la structure et le sens de cette vision renouvelée du tyran africain, en reprenant les formes codifiées de la parole traditionnelle (ancienne).

Dans Les Baigneurs du lac Rose (1995, réédition 2002) Tanella Boni allie poésie et prose dans un entrelacement subtil mais parfois déroutant où Samory et la Reine Pokou trouvent le terreau où fonder la nation ivoirienne. Véronique Tadjo, poétesse comme Tanella Boni, résume le pays au temps du parti unique dans un roman qui lui aussi se cherche entre poésie et prose, et dont le titre est symbolique, Le Royaume aveugle (1990) ; fable qui sera prolongée par un texte plus intimiste mais toujours dans cette même perspective de " recherche d'une écriture ", Champs de bataille et d'amour, qui évoque l'aventure singulière d'un couple mixte vieillissant, à la façon de Milan Kundera. Elle s'était d'ailleurs essayé à une écriture entrecoupée, genre " tranche de vie " dans À vol d'oiseau (1992).

Parmi tous les nouveaux écrivains de cette veine, on remarque un premier roman, celui de Yao N'Guetta qui, dans Dis-moi mon rêve (1999), arpente les mêmes sillons que ses devanciers. Prenant appui sur la défense d'une culture endogène, il tente une composition romanesque qui, là encore, lie tradition et écriture d'avant-garde.

Les ingrédients de cette nouvelle écriture révèlent une intertextualité féconde entre le roman et la littérature orale, mais aussi entre le roman et la poésie, autant au plan des structures empruntées qu'au plan parfois des personnages (les personnages non anthropomorphes, chez M. Bandaman par exemple, sont directement empruntés au conte). Il en est de même pour l'espace (espace mythique, utopie représentée) ou pour le traitement du temps du récit.
Tout cela est associé à une poétisation de l'espace référentiel ivoirien, notamment de la ville d'Abidjan qui accède au statut de ville littéraire (Kourouma en avait déjà tracé les sillons dans Les Soleils des indépendances), ce qui permet d'éviter les espaces ubuesques et anonymes qui peuplent les romans africains. Kourouma, là encore, va jusqu'à citer nommément certains présidents africains, les dictateurs dont parle son personnage d'enfant-soldat dans Allah n'est pas obligé.

Chez Véronique Tadjo et Tanella Boni, on constate une « architextualité » prégnante où le décloisonnement des genres poétique et romanesque laisse augurer que l'un ne peut se dire sans l'autre. La lecture de certains textes en est rendue parfois déroutante voire déconcertante, comme dans Les Baigneurs du lac Rose où la tension entre les deux genres est maintenue tout au long du récit et nous vaut des pages superbes, notamment sur la Reine Pokou. Véronique Tadjo pour sa part, tente de maîtriser le phénomène en isolant quelquefois les " morceaux " de poésie qui tentent de s'infiltrer dans le tissu romanesque au hasard d'un mot plus " têtu " qu'un autre. Tentative aboutie dans À vol d'oiseau et dans une moindre mesure dans Le Royaume aveugle, qui peut aussi se lire comme une longue suite de poèmes en prose. Tous ces éléments indiquent une exigence certaine, attendue du lecteur ; ainsi Dis-moi mon rêve de Yao Nguetta, parfois touffu mais foisonnant du matériau de l'identité ivoirienne plurielle, privilégie une forme circulaire qui fait du détour, caractéristique de la parole africaine, la forme symbolique de son écriture.
Ces romans retrouvent la problématique d'écriture des Soleils des indépendances de Kourouma et, au tout début des années 1980, de La Carte d'identité de J.M. Adiaffi, qui par son titre même, annonce un programme thématique et structurel qui met en scène les ingrédients dont nous avons parlé plus haut.

Et puis, l'intrusion de l'actualité africaine fait plus que des clins d'œil. Présente, lourde de sens, douloureuse toujours, elle s'insinue puis force la porte des textes et s'installe là où on ne l'attend pas forcément. Comme une plaie béante dans une histoire qui voudrait bien se tenir tranquille : le Rwanda, la problématique identitaire, culturelle, font irruption dans des textes qui veulent aussi toucher le lecteur " au cœur ".

Appliquée à l'intertextualité dont il est question ici, cette réflexion d'Alain Ricard sur la problématique des livres et des langues en Afrique noire nous paraît essentielle puisque la fiction est d'abord invention de sa propre langue : " la conscience linguistique est d'abord conscience de la multiplicité des langues, expérience d'une manière d'éclatement du discours, marqué par la
diglossie et le métissage ; l'autre face de la littérature est justement la cohérence que l'écriture impose au monde. Cette tension entre dispersion et cohérence est féconde : elle crée un champ de forces qui est vraiment le lieu de l'écriture en Afrique aujourd'hui. " (Littératures d'Afrique, des langues aux livres, 1995).

Cette cohérence que l'écriture impose au monde est donc celle que tentent de fonder les romanciers ivoiriens d'aujourd'hui.
Le roman de la dernière décennie allie donc une certaine exigence d'écriture et des thèmes chers au roman africain, notamment celui du pouvoir et du mal développement. Mais cette thématique rebattue est servie par une écriture nouvelle qui donne à lire une poétique singulière, signe d'une identité en gestation, en mutation, transculturelle et endogène. Car, comme l'écrivait C. Ndiaye dans Gens de sable dès 1984, « il n'est plus permis (et, en toute honnêteté, il ne l'a jamais été) de condamner celui qui se préoccupe du style… Il serait temps que l'écrivain du tiers monde se comporte en esthète… ». Et, cela n'est pas pure provocation…

Diané Véronique Assi,
(Maître-assistante, UFR Littératures et civilisations, Université d'Abidjan-Cocody)



Le livre et la paix, quel rapport

Le Livre procède comme d’un lieu vide qui lui a été aménagé pour réaliser ses prouesses. Celles-ci sont variées. Elles ont toutes les dimensions, toutes les formes, toutes les couleurs. L'impact peut être minuscule et mal discernable ou bien brutal. Le livre peut tracer les chemins d'une vocation ou modifier un engagement. Certaines personnes ont ainsi trouvé le courage de persévérer dans leur vie rien qu'en puisant des leçons d'énergie dans le Livre…
Comme on le voit, le Livre que nous lisons n’est pas à proprement parler un livre, mais une personne avec qui nous discutons et, qui nous apportent toujours quelque chose de fabuleux. Ainsi, le Livre nous éduque, nous façonne, nous modèle. Quelquefois, beaucoup plus que l’éducation familiale que nous avons reçue. Pour ainsi dire, Le livre est un ami qui nous prête une oreille attentive quand nous en avons besoin. A quelque moment que ce soit.

L’exemple de l’ouvrage « La Paix par l’écriture »

Oui, trouver la Paix à travers l'écriture
Puisque les larmes n’ont pas suffit à calmer ma peine, j’écris
Ecrire pour évacuer les maux par les mots
Ecrire pour ne pas me laisser empoisonner par ma douleur
Ecrire pour ne pas transmettre ma haine
Ecrire pour canaliser la colère que je sens monter en moi
Ecrire pour réaliser qu'au fond c’était une vilaine parenthèse
Ecrire pour Pardonner
Ecrire pour guérir
Mais écrire, surtout, pour Demain.
Est-ce cela l’intime vocation des ouvrages qui ont été écrits sur la crise ivoirienne ? Nous aider à comprendre la réalité de la crise ? Soulager notre peine… Nous emmener à pardonner ? Comment est-ce possible ? Sinon, comment faire pour que ce couple dans sa relation puisse concourir à la Paix ?
Des jeunes à travers un livre collectif dont le titre évocateur et bien à propos est « La Paix par l’écriture », nous en donnent peut-être un début de réponse. Il faut souligner que ce titre est d’abord le thème de l’édition 2007 du concours littéraire « Les Manuscrits d’Or » organisé chaque année par Vallesse Editions. Un concours qui met en compétition des jeunes vivants sur le territoire national de Côte d’Ivoire dans les genres de la Poésie, de la Nouvelle et du Théâtre. Il s’agissait pour ces jeunes de produire des textes qui soient en rapport avec la situation de crise que nous vivons depuis le 19 septembre 2002. C’est-à-dire, traiter des méfaits de la guerre, promouvoir la paix, la tolérance, le pardon, la fraternité, les valeurs morales, le respect de l'autorité du chef, etc.
Ces jeunes, pour certainement avoir été témoins ou acteurs durant les moments forts de la crise, ont su exprimer les émotions qui les envahissaient et torturaient leur âme. Ainsi, dire les mots qui accompagnaient ces émotions, a permis eux jeunes gens de mettre un terme à leur souffrance, de se libérer, mais aussi et peut-être surtout de libérer tous ceux qui viendraient à lire leur témoignage. Le but étant de faire vivre les témoignages et d'en transmettre la leçon, et dans le cas d’espèce… par
le Livre qui créerait le rempart qui empêche le mal de continuer sa course et de propager son venin.

A travers leur Livre, ces jeunes par le Livre venait de contribuer à la reconstruction d'une Côte d'Ivoire Nouvelle en tirant les leçons de ce passé récent ; ils venaient de déconstruire certaines idéologie d'exclusion, de haine et de violence. Voilà le Livre en plein dans le processus de paix.


Le Livre et la Paix

Il n’y aucun doute que le Livre puisse être non seulement d’un apport essentiel au processus de Paix, mais aussi à maintenir un climat de concorde. Mais se pose à nous une question particulièrement épineuse : comment faire en sorte que le Livre participe effectivement et efficacement à créer cet environnement de Paix ? L’évidence est qu’il faut lire. Que les leaders et autres faiseurs d’opinion créent en eux l’amour du Livre et le besoin de lire… Que les ministres lisent, que les intellectuels lisent, que les Reines, Rois et Chefs traditionnels lisent, que les jeunes lisent. En somme, que le peuple tout entier lise. Le Livre, disons la lecture et plus la Culture, nous donne des outils pour que nous devenions acteur de notre propre vie et nous offre des moyens qui nous permettent d’effectuer des choix judicieux pour nous-mêmes et pour notre Nation.
Force est donc de constater à ce niveau de notre intervention, que le Livre a un rôle fondamental à jouer dans la consolidation de la conscience
citoyenne, dans la promotion d’un comportement civique et dans l'amélioration des relations entre Ivoiriens, mais aussi de comprendre l’urgence de l’intégration des peuples comme solution à beaucoup de nos problèmes africains…

Il faut donc Lire, disions-nous. Et qu’on ne brandisse plus l’argument, de plus en plus fallacieux, de la cherté du Livre. Car si nous n’arrivons pas à développer en nous l’Amour du Livre et le besoin de Lire, même à 500 F CFA le Livre, personne ne viendra l’acheter... Quand vous allez chez certains ivoiriens et même chez bon nombres d’intellectuels, jetez un regard discret dans leur salon. Vous vous rendrez compte que la bibliothèque, si elle existe, ne contient malheureusement que de la vaisselle…des ustensiles de cuisines. Comment le Livre peut-il être vecteur de Paix si ceux auxquels il est destiné s’en désintéressent ? Voilà pour nous la question principale ? Or par le Livre, on pourrait donner aux enfants d’aujourd’hui et à ceux de demain, les armes essentielles pour comprendre la Paix et, la maintenir vivante. Parce que le Livre aura fait disparaître notre incultisme, notre ignorance et notre incapacité à comprendre les choses les plus banales du fonctionnement des sociétés humaines. Levain sur lequel poussent très souvent toutes les formes d’exclusion, de haine, d’intolérance, et finalement de guerres. S’il arrive donc aux Ivoiriens de croire que l’instruction, l’éducation, la Culture coûtent chères, qu’ils continuent d’essayer l’ignorance. Ils verront bien la différence de coût.
Qu’il nous soit donc permis, au terme de notre propos, de saluer l’initiative de l’Université Charles Louis de Montesquieu qui a engagé la réflexion autour du Livre et de la Paix, avec certainement pour ambition d’offrir aux Ivoiriens un nouvel acte civique qu’on pourrait bien intitulé : « Lire pour la Paix »… Ecrivons donc pour la Côte d’Ivoire ! Lisons pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique ! Je vous remercie.


Serge Grah
(Journaliste, Ambassadeur Universel pour la Paix).
(Extrait de Communication au Colloque "Livre et Paix",
Abengourou, le 9 août 2008



L’ivoirien et le gaspillage du temps

Comme l’argent, le temps est un capital qui, bien investi, bien exploité produit des richesses aussi bien matérielles qu’intellectuelles. Et, malheureusement, les Africains semblent ne pas prendre conscience de la valeur du temps. Aussi, le gaspille-t-ils à longueur de journée comme s’ils n’en avaient en abondance. Belle et incroyable habitude pour des hommes qui sont considérés comme les plus pauvres de la planète ! Dans notre pays, le gaspillage du temps trouve sa manifestation dans certaines manies coriaces.

D’abord, aucune activité ne commence à l’heure et personne ne se soucie d’être ponctuel. L’ambulance vient en retard, le train vient en retard, le corbillard vient en retard, la chorale vient en retard, la sécurité
vient en retard, les pompiers viennent en retard, l’examinateur vient en retard, la mariée arrive en retard. Et tout le monde s’en accommode bien, car chez nous ne pas respecter l’heure est une seconde nature. Dans les services, le patron sans scrupule, prend un plaisir mâle à faire attendre une file de personnes venues solliciter sa signature, son assistance administrative, son conseil. Et pendant ce temps des montagnes de dossiers frustrés attendent dans le silence d’un bureau la précieuse signature, l’inestimable cachet ou un cerveau pour les examiner. Nous allons aux réunions avec une heure de retard sous le fragile prétexte qu’ « en Afrique, une réunion ne peut commencer à l’heure ». Et malgré notre retard, nous arrivons avant le début de la réunion. Tout simplement parce que celui qui l’a convoquée, lui-même est venu deux heures après. Et tout le monde est content du retard avec lequel la réunion a commencé. Les retards des hauts responsables sont si coutumiers que l’on a fini par adopter complaisamment cette charmante boutade : « le patron n’est jamais en retard, il a eu un empêchement ». Et tout le monde comprend et pardonne le retard du chef en attendant un jour de devenir chef pour jouir abondamment, lui aussi, de son droit de venir en retard. Comment peut-on aller en retard à un entretien d’embauche alors que nous courons derrière notre premier emploi depuis une demi-décennie ? Chez nous, ces retardataires de cet acabit courent les rues. Même lorsque les autorités d’une quelconque administration fixe un délai pour une activité, elles prennent toujours le soin de fixer un autre délai pour les éternels retardataires. Ces derniers trouvent normal que l’on tienne toujours compte de leur tare congénitale.

Mais peut-on aller à l’heure quand l’environnement dans lequel nous vivons n’accorde aucune importance au temps ? Même le sommet de l’Etat n’est pas exempt de reproches. Tous nos chefs d’Etat nous ont habitués à venir au-delà de l’heure pour laquelle la population a été mobilisée pour les attendre. Cette habitude, semble-t-il, est liée à des questions de sécurité. Qu’en est-il alors des ministres, des députés, des maires, des PDG, des DG ? L’importance d’un haut responsable est proportionnelle à ses heures de retard. Personne ne se croit obligée, par respect de l’autre, d’être ponctuelle. Mais qui va sanctionner le préfet en retard dans une ville où il est la plus haute autorité ? Qui va tirer les oreilles au président du tribunal dans un service où il est le grand manitou ? Le maire, le premier magistrat de la commune a-t-il une fois été sommé par ses administrés de les respecter en venant aux rencontres à l’heure ?

Dans les hôpitaux, le médecin vient toujours en retard. La ponctualité est simplement dévolue aux infirmiers, le médecin, le patron lui se donne le droit de venir à l’heure qui lui convient. Pendant ce temps des malades agonisants, à force de ronger leur frein, préfèrent se laisser emporter par la mort.

Ensuite, à côté de cette plaie puante qu’est le retard, il y a aussi le refus d’utiliser le temps à travailler. Le temps est gaspillé dans l’inactivité et l’oisiveté. A Abidjan, et à Abidjan surtout, le travail au public est l’affaire d’une poignée de fonctionnaires consciencieux. Et ceux qui acceptent de travailler se donnent le droit de s’en abstenir les vendredis. Officieusement, c’est le jour des levées de corps et des convois funèbres. Tout le monde le sait et en parle mais personne ne prend des mesures. Car tout le monde en profite. Or cette ruée vers les obsèques le plus souvent n’est qu’une occasion pour se donner à de multiples cochonneries et lubricités (nous y reviendrons). Les ministres qui doivent sévir ou donner l’exemple sont eux-mêmes emportés par la fièvre des obsèques du vendredi. Pour un pays où le samedi est férié, le travail hebdomadaire se réduit à cinq jours. Mais ces cinq jours sont-ils réellement mis à profit ? Bien sûr que non ! Comment dans ces conditions, pouvons-nous rêver de développement et de progrès ?

Pour faire apposer une simple signature sur un dossier, il n’est pas rare d’attendre des jours voire des mois. Combien de fois des citoyens n’ont-ils pas attendu sur des bancs dans des services pendant des heures pour se faire recevoir ou se faire dire qu’ils ne peuvent pas être reçus ? Un dossier qui n’a pas été traité dans le temps, c’est un grain de sable jeté dans la machine du développement. Et quand il arrive par hasard de nous occuper un temps soit peu, nous nous adonnons à des activités oiseuses. Combien de temps passe-t-on devant l’écran de la télévision pour consommer des films incestueux et violents ? Combien d’heures passons-nous assis au maquis, au cabaret, pour nous empoisonner l’organisme d’alcool ? Combien de temps perdons-nous à discuter de sujets stériles et creux au détriment des débats de fonds qui engagent notre destin commun ? Combien de temps passons-nous au téléphone à faire des conversations paresseuses ? Combien de temps brûlons-nous à dénigrer, à calomnier, à médire, à mentir, à errer, à dormir ? Pendant ce temps, le travail attend, les dossiers attendent, les malades attendent, les élèves attendent, les inculpés attendent, les convoqués attendent, les administrés attendent, les clients attendent.
Et dire que dans les pays riches, dans les pays qui sont déjà développés, tout se fait à pas de course. L’écrivain ne dit pas autre chose quand il s’interroge : « Pourquoi les Africains affectionnaient de trainer ainsi les pieds ? Pourquoi les Européens et, par-delà, les Blancs, faisaient-ils tout sur le mode de la vitesse, de l’empressement, et les Africains, celui de la lenteur, de l’indolence paresseuse ? Qui donc, du Noir ou du Blanc, avait besoin d’aller vite ? » (in Mémoire d’une tombe, de Tiburce Koffi).

Le temps est aussi une matière première, une richesse inestimable qu’il faut pouvoir mettre à profit. Le temps doit être investi. C’est de cette façon qu’il peut produire des richesses. En sus, il faut savoir le gérer, l’organiser. L’Afrique commencera sa révolution le jour où elle comprendra que le temps ne doit pas être gaspillé. Pour la Côte d'Ivoire de demain, apprenons à gagner du temps. C’est de cette façon que nous gagnerons le défi du progrès.

Etty Macaire (source :)



A quoi servent les observateurs internationaux lors des scrutins en Afrique ?


Depuis l’avènement du multipartisme en Afrique, les élections présidentielles mettent désormais aux prises plusieurs candidats issus généralement de partis politiques différents.
Avant chaque scrutin, des observateurs internationaux sont envoyés par des organisations internationales. Il s’agit principalement des personnalités très expérimentées, réputées être crédibles et impartiales qui viennent en mission dans les pays organisant des élections.
Leur mission : assurer la fiabilité des processus de vote
La mission de ces observateurs internationaux consiste à garantir, ne serait-ce que par leur présence, la fiabilité et la transparence des opérations de vote. Ils font désormais partie du rituel de toutes les élections africaines.
La plupart de ces observateurs internationaux sont des ex-chefs d’Etat, des anciens ministres, des juristes, des parlementaires, des responsables d’ONG ou des intellectuels célèbres. Leur présence vise, dit-on, à contribuer à ce que les élections soient propres, « free and fair », (libres et équitables), transparentes, et partant fiables. En d’autres termes, les observateurs internationaux sont là et censées contribuer à
enrayer les velléités et pratiques de manipulations illégales et de manœuvres frauduleuses par les candidats qui seraient tentés d’accéder ou de se maintenir au pouvoir, vaille que vaille. Ainsi donc, l’observation internationale est supposée jouer un rôle important dans la protection de « l’intégrité électorale » et l’exercice du droit citoyen.

Afin d’assurer la légitimité et la crédibilité de leur tâche, les observateurs internationaux sont censés accomplir un travail de fourmi qui dure souvent plusieurs semaines, et qui consiste notamment à tout ausculter depuis l’établissement des listes électorales jusqu'à la proclamation des résultats. Ils sont aussi tenus de se soumettre à des normes de conduite internationalement reconnues. Dans ce sens, plusieurs organisations spécialisées dans l’observation internationale ont élaboré des codes de conduite visant à guider le comportement des observateurs durant leur mission.
Une présence incontournable, mais…
La force de ces observateurs internationaux réside en ceci que, une fois le scrutin terminé et leur mission accomplie, leur rapport a un poids évident, surtout dans la logique des relations internationales et leur avis est pris strictement en compte, du moins très au sérieux, notamment en matière de coopération. Cet état de fait est confirmé et souligné par M. Chris Fomunyoh, Directeur de National Democratic Institute for International Affairs (NDI) de Washington pour l’Afrique qui a la charge de superviser les processus de démocratisation dans le monde entier. Selon M. Chris Fomunyoh, « le gouvernement américain veut travailler avec tel ou tel Etat. Ainsi, les rapports des observateurs lui servent largement à fonder son jugement en
ce qui concerne le degré de démocratisation ». C’est sans doute cela qui rend la présence des observateurs quasi incontournable lors des scrutins en Afrique, certes.
Mais, là où le bât blesse, c’est qu’on observe que le nombre des observateurs internationaux est souvent restreint à quelques dizaines de personnes, même lorsque le pays observé est très peuple ou très vaste comme le Nigeria ou la RD Congo. Dans cet état de fait, les observateurs internationaux, même malgré de bonnes intentions et des expertises avérées, n’ont ni le temps, ni les moyens de visiter tous les bureaux de vote, ne peuvent assister à tous les dépouillements et décomptes, sortent très rarement de la capitale où ils sont reçus dans des conditions exceptionnelles durant leur séjour : hôtels et voitures de luxe, garde de corps, etc. D’où, les rapports et avis des observateurs internationaux ne peuvent être que partiels ou partiaux, alors que l’observation doit être objective, efficace, vigilante et non partisane. Par ailleurs, on s’aperçoit très vite que leurs rapports sont souvent non équilibrés ou non concordants, et cachent mal leurs préférences pour un parti ou un candidat quelconque, en lieu et place de l’objectivité requise pour produire des rapports impartiaux. Cela enlève toute crédibilité à leur mission et n’aide pas à garantir l’intégrité ou la fiabilité du processus électoral.
On observe souvent que les observateurs internationaux sont souvent otages des politiques qui, par la force des choses, organisent et contrôlent le processus électoral et sont leurs premiers interlocuteurs, dans le sens du respect des règles d’accréditation pendant leur mission d’observation. Rien d’étonnant à ce qu’ils soient si souvent accusés de partialité ou de complicité en faveur de tel ou tel candidat qu’ils reconnaissent "légitimement élus", après bourrage des urnes et tripatouillage des listes, c'est-à-dire en dépit, des votes contestés. Des irrégularités et des manipulations frauduleuses qui n’échappent pourtant à personne, y compris les observateurs eux-mêmes. Par exemple, en 2007, la Commission européenne a déployé de gros moyens pour les législatives et la présidentielle au Nigeria : cent cinquante observateurs. Dans leurs rapports ceux-ci ont relevé des "preuves évidentes de fraude : assassinats, électeurs empêchés de voter, urnes ostensiblement
bourrées. Leur chef, Max Van den Berg, n’a pas mâché ses mots : « ces élections ne peuvent être considérées comme crédibles" et sont "loin des critères démocratiques internationaux de base", a-t-il dit deux jours après le vote. Un mois plus tard, Umaru Yar’Adua, le vainqueur de la parodie électorale, était investi en grande pompe à Abuja.
On observe souvent qu’une lacune constatée parmi tant d’autres concerne la défaillance dans le contrôle au niveau des listes électorales. En effet, les observateurs internationaux se trouvent généralement dans l'impossibilité quasi-totale de vérifier si un électeur n'a pas déjà voté dans une autre circonscription, de faire respecter strictement les principes du vote secret, ainsi que d’imposer la présence dans tous les bureaux de vote des délégués ou des représentants de la société civile, etc.
Légitimer des mascarades et des crimes de sang ?

On dit que le mandat des observateurs internationaux n’est pas de superviser, ni de corriger les erreurs, ni de résoudre les conflits locaux, ni de s’ingérer dans le processus électoral, mais d’observer et à la limite de dénoncer des
irrégularités, sinon de « saluer le calme qui a entouré le processus ». En effet, souveraineté nationale et non-ingérence obligeant, les observateurs internationaux se contentent naturellement d’observer. A ce propos, M. Patrice Lenormand, chef du département de l’observation électorale à la Commission européenne déclare : « Nous n’avons qu’un rôle de dénonciation… Notre code de conduite précise que « les observateurs ne doivent entraver aucun élément du processus électoral. […] Ils doivent porter les irrégularités, les fraudes ou tout autre problème important à l’attention des fonctionnaires électoraux sur place ». C’est ainsi que, en mai 2005, en Éthiopie, les élections ont été chaotiques. La contestation des résultats par l’opposition a été réprimée dans le sang. Près de 30 personnes sont mortes, 100 ont été blessées. Des faits dénoncés par la mission d’observation européenne, mais les résultats ont été validés, comme l’atteste l’un des observateurs : « Nous étions 200 observateurs. Nous avons eu les résultats durant la nuit, mais ceux annoncés le lendemain par le gouvernement n’étaient pas du tout les mêmes. Il y a eu vingt jours de répression contre l’opposition. Et, alors que nous n’avions pas encore rendu nos conclusions, Javier Solana [haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, NDLR] félicitait Mélès Zenawi [le Premier ministre éthiopien]. Trois semaines plus tard, il était invité à Londres et à Bruxelles ». A noter aussi que, aux dernières élections à Madagascar, suite à une étude faite auprès d'une cinquantaine de bureaux de vote sur les 18 173 existant dans tout Madagascar, ces observateurs étrangers se disent satisfaits de leur mission d'observation, malgré de graves lacunes observées.
Utiles ou inutiles?
Cet état de fait a amené un observateur critique à dire, non sans humour noir, que « le travail des observateurs internationaux, c’est d’arriver le samedi soir, de faire la fête et de repartir le dimanche". On a aussi entendu dire que « dans l’attitude des observateurs, il y a un côté tourisme électoral ». Un autre observateur tirant subsistance de ses juteuses missions d’observateur international, a déclaré en sourdine : « les observateurs sont payés cher pour ce qu’ils font et surtout pour ce qu’ils ne font pas ». Ce dernier faisait sans doute allusion au coût des observations, dont on ne sait jamais exactement
qui paye. Parlant de coût, faut-il rappeler que, par exemple, au Togo, en février 2010, 110 observateurs (dont 30 de long terme) ont été envoyés par Bruxelles. Ils percevaient, par tète de pipe et par jour, un per diem de 195 euros, soit 128.000F CFA par jour, (hormis les dépenses d’hôtel et de restauration) ce qui équivaut à peu près à 24 euros par heure, soit 16.000F CFA ; les transports sont par ailleurs pris en charge). Toujours au chapitre des coûts, il faut savoir que, depuis 2000, la Commission européenne a dépensé au moins 300 millions d’euros en missions d’assistance électorale, dans 40 pays. Beaucoup d’argent, beaucoup de temps et beaucoup d’énergie, pour venir « observer » et être témoins de morts d’hommes, sans assistance á des personnes en dangers et pour finalement accréditer des mascarades consacrant la mort de la démocratie dans certains pays. Dans ces cas, l’observation prend le sens d’une quête de preuves récentes et d’images nouvelles de barbaries exotiques pour mettre à jour les préjugés et les thèses racistes.
On peut conclure que la plupart des rapports des élections, dans bien de pays observés, ne sont pas crédibles, malgré la présence des observateurs internationaux. Sur ce, je suis tenté de dire que les élections pourraient avoir lieu en leur absence, ou si l’on préfère, sans leur présence. C’est que je pense.

Léandre Sahiri,
Directeur de Publication



lundi 13 décembre 2010

Management gouvernemental et Emergence des pays africains

Au moment où bon nombre de pays africains aspirent à l'émergence économique, les dirigeants du secteur public doivent adopter des méthodes de management et des processus qui ont fait leur preuve dans le secteur productif...
José Louis Mene Berre (ancien conseiller technique de ministre) en parle avec Sylvie de Boisfleury à l'émission Controverse sur le plateau de Canal 3 Monde. Mots-clés: Emergence, feuille de route, plan d'action, projet, objectivité, évaluation, critères, indicateurs de suivi, mesurables, quantifiables, communication pour et avec le citoyen.



samedi 20 novembre 2010

A propos de « Deuxième épitre à Laurent Gbagbo » de Tiburce Koffi

Contradictions et dérives.

« Deuxième épitre à Laurent Gbagbo ». Tel est le titre du « courrier offert à la curiosité du public », du moins de la lettre ouverte publiée par M. Tiburce Koffi dans le Nouveau réveil du samedi 30 octobre dernier, notamment à la veille de l’élection présidentielle. Cette lettre ouverte, je l’ai fait suivre à d’autres compatriotes et amis. Je l’ai lue avec un intérêt certain et avec une juste et bienveillante attention. Et, comme à mon habitude, je vais ici saisir l’occasion pour l’analyser, du moins pour dire ce que j’en pense. J’ai pu recevoir cette lettre ouverte grâce à la bienveillance d’un ami résidant en Côte d’Ivoire, que je remercie, et dont je voudrais, d’abord et avant tout, vous faire partager le point de vue.

Des propos à la limite de l'injure

« Je voudrais faire une petite remarque et cela n'engage que moi… Les mots utilisés par Tiburce Koffi sont à la limite de l'injure proférée à l'égard de M. Laurent Gbagbo. Or, il se trouve que, jusqu'à ce jour, celui-ci est encore le président de la république, grâce au bon vouloir des Ivoiriens qui l'ont élu en octobre 2000. A ce titre, nous lui devons un minimum de respect pour la fonction qu'il occupe, même si nous sommes déçus de l'homme ou même si nous ne l'aimons pas. De la même manière que nous devrons du respect au prochain président... Mais, Tiburce Koffi, c'est aussi ça. Et, c'est pour ça que, soit nous l'aimons, soit nous ne l’aimons pas. C'est un jusqu'au-boutiste qui parle avec son cœur et qui met au grand jour ses émotions. Mais, ce n'est pas parce que M. Laurent Gbagbo se vautre dans la fange que nous devons faire pareil. Nous devons nous montrer plus éduqués que M. Laurent Gbagbo et plus respectueux que lui de sa propre fonction. Si un président ne connaît pas sa place, nous devons le lui faire savoir, tout en pesant nos mots... ».

Ainsi donc, M. Tiburce Koffi « parle avec son cœur et met au grand jour ses émotions », comme le dit si bien notre ami. C’est de ce point de vue que cette lettre ouverte qui est, selon Tiburce Koffi lui-même, un « appel, tyrannique, lancinant et tragique comme l'étreinte dernière que se donnent ceux qui partent pour ne plus se revoir ni plus revenir » nous intéresse. Je veux dire que je vais en parler du point de vue psychocritique ou psychanalytique, laissant place aux autres d’user des autres méthodes, notamment stylistique, thématique, linguistique, ethnosociologique…, pour éclairer les autres points, comme l’a fait, à juste titre et à bon escient, cet ami.

Pourquoi la psychocritique ?

La psychocritique est la méthode d’analyse inspirée par la psychanalyse et illustrée par Charles Mauron, à partir des thèses de Roger Fry. C’est une méthode d’analyse qui consiste à étudier une œuvre ou un texte pour relever des faits et des relations issus de la personnalité inconsciente de l'écrivain ou du personnage. En d’autres termes, la psychocritique a pour but de découvrir les motivations psychologiques inconscientes d’un individu, à travers ses écrits ou ses propos.

La psychocritique se veut une critique littéraire, scientifique, partielle, non réductrice. Littéraire, car ses recherches sont fondées essentiellement sur les textes ; scientifique, de par son point de départ (les théories de Freud et de ses disciples) et de par sa méthode empirique (Mauron se réclame de la méthode expérimentale de Claude Bernard) ; partielle, puisqu’elle se limite à chercher la structure du phantasme inconscient ; non-réductrice, car Mauron attribue au mythe personnel une valeur architecturale, il le compare à une crypte cachée sous une église romane. Mauron a, par ailleurs, esquissé une théorie sur la liberté créatrice de l’homme et la valeur de l’art… D’où, l’intérêt, pour moi, de recourir à cette méthode qui permet d’aller au-delà des autres méthodes traditionnelles d’analyse et d’en révéler plus, tant sur le texte que sur l'auteur, puisque c'est, bien entendu, le rôle du critique que d'en savoir davantage et d’en dire plus. Sur ce point, toute la nouvelle critique s'accorde.

De ce fait, la méthode psychanalytique ou la psychocritique nous fera comprendre la personnalité inconsciente de M. Tiburce Koffi et les fondements, ou les mobiles de l’obsession de certains thèmes et concepts récurrents, à savoir : le scandale, la provocation, à la limite de l’offense ou de l’insulte, la révolte, la rupture… Pourquoi procède-t-il ainsi ? Que recherche-t-il ?... La psychocritique nous fournira également les clefs pour expliquer pourquoi il est attiré et séduit par M. Houphouët Boigny, et pourquoi M. Henri Konan Bédié ne saurait l’intégrer dans son cercle politique. La psychocritique nous révélera également le fondement des « relations pleines de sous-entendus, de malentendus, de non attendus et d'énigmes » entre Tiburce Koffi et Laurent Gbagbo. La psychocritique nous dira aussi pourquoi Tiburce Koffi ne ménage pas Laurent Gbagbo, alors que tout le monde sait qu’il a énormément bénéficié des largesses de celui-ci qu’il traite, à tort ou à raison, de sanguinaire devant répondre de « ses 10 années de règne anarchique et criminel devant le TPI (Tribunal Pénal International) ou la potence de l'Histoire »…

En tout cas, il semble évident que c’est par l’explication psychanalytique que l’on peut comprendre les contradictions, du moins l’attitude « dialectique » de Tiburce Koffi vis-à-vis de MM. Henri Konan Bédié, Houphouët Boigny et Laurent Gbagbo. Cette attitude « dialectique » est, d’ailleurs, identique et constante face à tous ses choix et toutes les « fatalités » dont il cherche à s’évader et pour lesquelles il éprouve ces sentiments tout à fait confus et contradictoires ou opposés.

Des sentiments contradictoires

Dans cette « deuxième épitre », Tiburce Koffi tutoie cordialement Laurent Gbagbo et l’appelle très affectueusement « Laurent », sans doute en référence à leur relation antérieure emprunte d’amitié et d’échanges chaleureux. Et, pourtant, contradictoirement, Tiburce Koffi décrit Laurent Gbagbo comme un personnage immonde et détestable, à la fois traître et couard. En effet, Tiburce Koffi écrit à l’endroit de Laurent Gbagbo : « On cherchait donc un chef, Laurent ; tu n'auras été pour nous qu'un guerrier, un personnage belliqueux, un apôtre de la violence, de l'affrontement ; un farouche adepte de la guerre, pour nourrir tes fantasmes puérils d'homme courageux, de combattant et de résistant... ».

Dans le même ordre d’idées, Tiburce Koffi parle de «résister au pouvoir d'Houphouët », de se mettre « hors de portée de la colère d'Houphouët » et, contradictoirement, il trouve anormal qu’on l’on puisse fuir, alors que normalement, dans un pays où l’injustice et l’arbitraire sont l’arme privilégiée du pouvoir, il est plus salutaire de fuir que de subir, d’abord par pur instinct animal de conservation de la vie, ensuite par sagesse. Normalement, en d’autres termes, lorsqu'on se trouve face à un tigre, inutile de raisonner trop longtemps, il faut vite choisir la fuite », nous nous enseigne le sage Lao She. En ce cas, « fuir, dit Alexandre Breffort, c’est prendre son courage à deux pieds ».

Une autre contradiction concerne le personnage d’Houphouët Boigny. M. Tiburce Koffi pose à M. Laurent Gbagbo la question suivante : « Houphouët nous a-t-il tués, nous ses opposants ? Nous qui avons écrit mille et une proses infectes sur lui, sa famille, son parti politique le PDCI-RDA ? ». Autrement dit, M. Tiburce Koffi s’autoproclame « opposant » à Houphouët Boigny et aurait, en tant que tel, écrit des textes « infectes » sur celui-ci. Mais, contradictoirement, il dit très affectueusement « Houphouët », parce que, pour lui, vaille que vaille, Houphouët Boigny demeure et demeurera à jamais, dans sa tête et surtout dans son cœur, « cet homme prestigieux, intelligent, sérieux, travailleur, inspiré, respecté, sage, instruit. Oui, INSTRUIT, car Houphouët était un homme cultivé et instruit. Rien qu'à écouter des discours (non écrits) d'Houphouët, et à écouter les tiens (le langage de l'universitaire que tu es), on mesure le fossé d'élégance, de savoir et de culture qui vous sépare. Et tu devrais même avoir honte qu'Houphouët sache s'exprimer mieux que toi, l'universitaire, au langage encombré de fautes aussi insolites que ridicules... ». Est-ce là une prose infecte ?

En fait d’opposition, on sait que les Amadou Koné, Anaky Paul, Victor Capri Djédjé, Joachim Bony, Dignan Bailly, Jean Baptiste Mokey, Camille Gris, Jean Konan Banny, pour ne citer que ceux-là, ont crucialement payé le prix de leur opposition à Houphouët Boigny, dans la prison d’Assabou, à Yamoussoukro ; cette prison ayant édulcoré l’image de “sage d’Afrique” qu’il était censé incarner, Houphouët Boigny l’avait fait dynamiter et avait pris l’habitude d’envoyer les opposants dans les camps militaires, quitte à montrer à l’opinion internationale qu’il n’y a pas de prisonniers politiques. C’est ainsi que Laurent Gbagbo arrêté en 1971, pour des raisons politiques, a passé 2 ans au camp de Bouaké, avec d’autres enseignants dont Djény Kobenan. De même, les camps de Séguéla et d’Akouédo ont accueilli plusieurs générations d’étudiants, d’enseignants et de journalistes (dont Eugène Kacou) connus pour leur anticonformisme ou taxés de « trublions » de « mégalomanes » ou d’« apprentis sorciers qui tentent de troubler le climat de paix et de prospérité auquel nous veillons comme sur la prunelle de nos yeux » (dixit H B).

Ainsi, c’est au camp militaire de Séguéla que Laurent Akoun, Kouadio Améa Jean, Tiburce Koffi, Dablé Tata, Guéi Lucien, Gonzreu Kloueu, Ndri Voltaire, Ganin Bertin et leurs camarades du SYNESCI, ont “refait leur éducation”, pour avoir refusé d’affilier leur syndicat à 1’UGTCI (organe du PDCI), pour s’être élevé contre la pratique éhontée du « recrutement parallèle », pour avoir imposé la suppression de l’enseignement télévisuel qui a abruti des générations d’Ivoiriens et hélas ! assassiné des milliers de Mozart chez nous, et pour avoir, Tiburce Koffi le sait, exigé des établissements scolaires en quantité suffisante, ainsi que de meilleures conditions de travail en vue d’un « enseignement de qualité favorable à la réussite de tous les enfants de Côte d’Ivoire » (archive SYNESCI)…

Au regard de nos conditions actuelles de vie, nous avons, comme je l’ai déjà dit, des griefs contre Laurent Gbagbo et son entourage, certes. Mais, ayons, tous et toutes, le courage et l’honnêteté d’affirmer, sans jouer à l’avocat du diable et sans risque aucun de nous tromper, que, aujourd’hui, Tiburce Koffi peut tenir, publiquement, librement, de tels propos « à la limite de l'injure proférée à l'égard de M. Laurent Gbagbo », du reste sans représailles aucunes, tout simplement au nom de la liberté que nous n’avions pas hier, quarante années durant, et dont nous jouissons pleinement en Côte d’Ivoire en ce moment, dans cette deuxième république. Pouvait-il, du temps et du vivant d’Houphouët Boigny tenir le même discours sur Houphouët Boigny et…? Au moins, reconnaissons cela à Laurent Gbagbo, même si, comme le dit si bien Tiburce Koffi, « on mesure (en effet) le fossé d'élégance, de savoir et de culture qui le sépare d’Houphouët Boigny ». En vérité, un gouffre sépare les deux hommes, à tous points de vue.

Qui plus est, M. Tiburce Koffi blanchit, comme qui dirait à l’aveuglette, Houphouët Boigny de tous ses crimes de sang. Or, l'histoire de notre pays n'est pas si vieille, au point d’ignorer tous les événements, hélas ! bien souvent sanglants, qui l'ont marquée durant le règne du « sage », pour ne pas dire sous la dictature d’Houphouët Boigny et dont ce dernier porte l’entière responsabilité : les événements d’octobre 1958 ; le prétendu suicide ou la mort sans explication d’Ernest Boka qui alors président de la Cour suprême, avait démissionné pour protester contre les multiples arrestations ; le mystérieux accident de Jean Baptiste Mokey ; la mort jusqu’à ce jours inexpliquée de Victor Biaka Boda ; la prison d’Assabou ; l’affaire dite, « des faux complots » d’Houphouët-Boigny ; les événements du Sanwi ; la création d’une milice du parti de près de 6.000 hommes pour la plupart baoulés ; le massacre des Guébié qui avait fait plus de 4.000 morts ; la disparition de Kragbé Gnagbé ; la féroce répression de la grève des Agents de la Fonction publique suivie de l’arrestation illico et l’expulsion militari de Yao Ngo Blaise en Guinée ; l’arrestation en 1959 des dirigeants de l’UGECI dont Harris Memel Fôté ; le vote (sous la terreur) de la loi du 17 janvier 1963 autorisant Houphouët Boigny à prendre des mesures d’internement et d’assignation à résidence contre toute personne qui pourrait être suspectée de s’opposer à son pouvoir ; les « complots du chat noir » ; les mesures d'épuration prises à la suite de deux présumés complots contre le pouvoir ; la prison spéciale d'Assabou créée à Yamoussoukro (village natal d'Houphouët-Boigny) pour accueillir les "comploteurs" et qui a fait le plein jusqu'en 1967 et n’a été détruite qu'en 1969 et remplacée par une école primaire ; le congrès du PDCI, en 1963 où le jeune Konan Bédié a été présenté comme un « modèle » à l'opposé des militants et autres intellectuels du JRDA-CI qui remplissaient la prison d'Assabou ; le vote au début janvier 1963, par l'Assemblée d’une loi portant création d 'une cour de sûreté de l'Etat ; la révocation des trois ministres (Joachim Bony, Charles Donwahi et Amadou Koné fondateur des JRDA-CI) de leurs fonctions et qui ont rejoindront quelques jours plus tard, plus de cent personnes dont cinq députés, à la prison d’Assabou de Yamoussoukro ; la reconnaissance et le soutien du régime sécessionniste biafrais, lors de la guerre civile au Nigeria et l’accueil du Général Ojukwu, ancien chef rebelle du Biafra...

... On épuiserait des pages à citer tous les crimes de sang garnissant « la Mémoire du Grand homme », lequel, insinue Tiburce Koffi, « fut pourtant loin d'être un chef criminel », même s’il disait, sans blague, sans pudeur, sans honte, être un adepte forcené de l’injustice, même si pour réprimer ou tuer, il prenait comme prétexte ou alibi le « désordre », c'est-à-dire toute contestation, toute agitation, toute protestation, tout remise en question de l’hégémonie et de la divine sagesse du « Bélier », puisque nous étions présumés être les moutons.

Eu égard à ces faits, on peut affirmer que ce qui explique l’admiration pour le moins béate de Tiburce Koffi, c’est, d’une part, sa fibre ethnique ; c’est, d’autre part, le fait qu’il ne sait rien de tout cela , en dépit des archives et des documents qui existent pour l’éclairer (Patrick Grainville.- Le Tyran éternel, Seuil ; Pascal Koffi Téya.- Côte d'Ivoire, le roi est nu, L'Harmattan ; Samba Diarra.- Les Faux Complots d'Houphouët-Boigny, Karthala ; Jacques Baulin.- La Succession d'Houphouët-Boigny, Karthala ; Jacques Baulin.- La Politique intérieure d'Houphouët-Boigny, Eurafor ; Laurent Gbagbo.- Côte-d'Ivoire, pour une alternative démocratique, L'Harmattan ; Marcel Amondji.-Côte-d'Ivoire. Le P.D.C.I. et la vie politique de 1945 à 1985, L'Harmattan ; Marcel Amondji.- Félix Houphouët et la Côte-d'Ivoire l'envers d'une légende, Karthala ; Frédéric Grah Mel.- Félix Houphouët-Boigny. Biographie, édition Maisonneuve & Larose ; Ellenbogen Alice.- La Succession d'Houphouët-Boigny entre tribalisme et démocratie, L'Harmattan, etc.). Sinon, c’est, consciemment ou inconsciemment, du moins par « honnêteté par rapport à sa propre inconscience et à son ignorance» ou par pur « enjeu politique », qu’il passe sous silence ou dénie tout ceci, comme il l’a si souvent fait dans ses écrits. Alors, question : M. Tiburce Koffi est-il révisionniste, amnésique ou simplement malhonnête ?

Un héros cornélien ?

Par ailleurs, nous savons que, depuis 1999, M. Tiburce Koffi n’est pas en odeur de sainteté avec M. Henri Konan Bédié. Mais, le fait est que M. Tiburce Koffi est, malgré tout et par concession, Directeur de la maison d’édition du « Nouveau Réveil » appartenant à M. Henri Konan Bédié. Il est aussi un collaborateur privilégié de M. Charles Konan Banny. Un simple syllogisme permet de comprendre ce qui se passe : M. Tiburce Koffi est le Conseiller de M. Jean Konan Banny. Or, M. Charles Konan Banny, soupçonné, à tort ou à raison, par les partisans de Bédié d’être le commanditaire d’une tentative de sabordage du PDCI, a fait allégeance à M. Henri Konan Bédié. Donc, M. Tiburce Koffi se doit de faire allégeance à M. Henri Konan Bédié. Et, pour cela, M. Tiburce Koffi avait besoin d’un signal fort pour tourner la page, pour effacer l’opprobre, sauver l’honneur ; il fallait, à M. Tiburce Koffi, poser un acte cornélien, à l’image du Cid (Corneille), ou jouer à Antigone face à Créon (Anouilh)... Telle est la motivation profonde ou le mobile de ce prophétique « courrier offert à la curiosité du public » que, M. Tiburce Koffi a fait publier, précisément à la veille du scrutin, augurant de la fin inéluctable de Laurent Gbagbo, au soir du 31 octobre dernier, « comme l'étreinte dernière que se donnent ceux qui partent pour ne plus se revoir ni plus revenir… ». D’ailleurs, il le dit très explicitement et énergiquement dans son épitre : « A l'approche de ce jour fatidique, je te souhaite d'avoir le temps (après le ballet des flagorneurs de la cour), de repasser rapidement dans ta mémoire le film de tes 10 années de règne anarchique et criminel pour comprendre ceci : aucun peuple sérieux ne peut se permettre de reconduire un dirigeant improductif et dangereux comme toi. Un conseil donc : accepte de partir du palais présidentiel dans l'élégance du grand perdant. Accepte la défaite évidente qui t'attend. C'est la dernière porte que l'Histoire t'ouvre pour te permettre une possible réhabilitation après la tourmente que nous a servie ton régime nocif. Fin de règne donc pour toi, Gbagbo Laurent, fils de Mama ! La Côte d'Ivoire est en route pour la IIIème République ». Sans commentaire !

Que recherche Tiburce Koffi ?...

Cette déclaration à caractère divinatoire montre que M. Tiburce Koffi avait cru ne plus jamais rien attendre de Laurent Gbagbo. Il pensait, en astrologue, en « devin » ou en mage politique, dire l’oracle (épitre est un terme biblique) et en même temps, en sacristain, sonner le glas, et en même temps, être des tout premiers à crier : « Vive le Roi ! », bien entendu le nouveau, c'est-à-dire M. Henri Konan Bédié. Voilà pourquoi, à quelques heures du scrutin, il prophétise, sur un ton fort pathétique : « Fin de règne donc pour toi, Gbagbo Laurent, fils de Mama ! La Côte d'Ivoire est en route pour la 3ème République. Ce sera, inévitablement, l'œuvre des vrais héritiers d'Houphouët. Ceux du RHDP. Le grand jour est donc proche pour la réhabilitation de la Mémoire du Grand homme que tu as salie. Et ce sera ainsi, pour que soit rétablie la légalité républicaine rompue imprudemment un mauvais jour du 24 décembre 1999, sous tes soins ».

Malheureusement, M. Tiburce Koffi a tout faux, lui qui entendait, de cette façon, en fanfare, redorer son blason, autrement dit, convaincre solennellement M. Bédié et s’installer définitivement dans ses grâces et dans son estime. Mauvais calculs ! M. Tiburce Koffi perd de vue qu’il faut toujours et beaucoup réfléchir avant de poser certains actes, et que M. Henri Konan Bédié ne lui pardonnera jamais ce gros coup de massue fatal sur sa nuque, je veux parler de l’opprobre de la « Lettre Ouverte » publiée par M. Tiburce Koffi dans le journal Le Jour n° 1270 du 30 avril 1999, où il témoigne publiquement de l’incapacité notoire et irréfutable de cet homme à gérer intelligemment notre pays… Pour ceux qui ignoreraient l’existence et la teneur de cette autre « épitre offerte, (en 1999), à la curiosité du public, comme l'étreinte dernière que se donnent ceux qui partent pour ne plus se revoir ni plus revenir», en voici un extrait : « … Monsieur le Président (Henri Konan Bédié), vous et vos amis et partenaires du pouvoir politique, seuls élus au banquet de l’abondance et de la jouissance, n’avez pas le sens du sacrifice. Vos préoccupations essentielles semblent être les suivantes : continuer dans la culture du gaspillage et du clinquant, sacrifier le peuple, bloquer les salaires, hausse sans cesse et fantaisiste des prix, absence d’une politique sociale réelle du logement… Ici, en Côte d’Ivoire, on ne pense plus, on mange et on cherche à manger, car le savoir ne donne plus accès ni au respect ni au travail… ».

Pourquoi M. Tiburce Koffi procède-t-il toujours ainsi ?

Dans ma quête de réponse à cette interrogation et au regard de ses sentiments contradictoires, parfois inconvenants, je me suis intéressé, au-delà des mots, à l’état de santé moral et psychologique de M. Tiburce Koffi. Je ne reviens plus sur cette affaire de « dépendance » qui, comme je l’avais dit hier, est la raison fondamentale de son « dérèglement ». Ce dérèglement, qu’on nomme, en psychologie, paranoïa, appartient au groupe des psychoses et se caractérise, entre autres, par un délire systématisé sans affaiblissement des capacités intellectuelles, par un orgueil démesuré ou une hypertrophie du MOI mêlée de susceptibilité, d’angoisse de persécution, de jugement faux ou mensonge, de rigidité du psychisme, d’agressivité, de désir de vengeance, etc. De ce point de vue, on note ici que le langage de M. Tiburce Koffi est caractérisé par une réelle surestimation de lui-même, une auto-proclamation, un orgueil anormalement développé et associé à l’agressivité, un raisonnement apparemment logique mais reposant sur des illusions, des erreurs, des postulats faux et parfois grossiers, comme par exemple sur Houphouët Boigny ou sur Laurent Gbagbo, selon qu’il veut présenter une image méliorative de l’un et une image péjorative de l’autre, selon qu’il veut diaboliser ou louanger.

Il faut savoir que le dérèglement naît, bien souvent, soit d'un conflit psychologique et affectif, soit d’une affectivité anormale ou manquante ; ce qui suppose que, pour comprendre les propos et les agissements de l’individu concerné, il faut faire une investigation dans son enfance et dans sa jeunesse, c'est-à-dire interroger son milieu familial et ethnique, ses relations avec ses parents et ses collègues ; il faut détecter ses frustrations, ses ambitions inassouvies, ses désirs insatisfaits, etc., lesquels, il faut le savoir, génèrent de la souffrance et influencent l’élaboration du sens de la réalité et de la vérité.

M. Tiburce Koffi souffre énormément de ce mal qu’il reconnaît lui-même, en ces termes : « Je continuerai à écrire pour dire mon mal ». Malheureusement, trop souvent, ce mal le dessert. Il lui fait faire de mauvais choix et des dérives, comme cela a, à juste titre, été relevé et souligné ci-dessus par notre ami.

Un exemple parmi tant d’autres, c’est sa vision de la fuite, voire de l'exil, révéré par André Breton et autres surréalistes comme étant « l'acte surréaliste par excellence lié aux turbulences politiques et sociales défavorables à la quiétude, à l'action politique, à la création artistique, à la production littéraire… ». L’exil ou la fuite dans une situation de menace se mue, aux yeux de Tiburce Koffi, en fait de traîtrise, de trahison et de couardise : « Le courage, ton fameux courage, parlons-en, Laurent. Dis-moi un peu : pourquoi as-tu fui, en 1982, pour aller te cacher en France pendant près de sept ans ? ''Pour des raisons sécuritaires, car ma vie était en danger'', as-tu dit. Moi, je te réponds : pendant que tu te terrais en France, hors de portée de la colère d'Houphouët, n'y avait-il pas d'opposant ici, en Côte d'Ivoire ? Oui, Laurent, oui, il y en avait. Tu sais leurs noms (j'en fais partie), et j'épuiserais mes pages à les citer, tous. Si toi, le fuyard, se qualifie aujourd'hui de courageux, de quels qualificatifs désignera-t-on ceux d'entre nous (dont moi) qui sommes restés ici, sur place, pour résister au pouvoir d'Houphouët ? Lequel d'entre nous a-t-il été tué par le régime d'Houphouët ? Aucun. Vois-tu donc Laurent, quand on a fui une colère aussi terrible que soit celle d'un Houphouët (qui fut pourtant loin d'être un chef criminel), quand on a abandonné le champ de combat et qu'on s'est tenu loin, très loin de la répression, pendant sept ans, pour écrire quelques livres au ton dénonciateur, on ne se targue pas d'être un homme courageux ! Le courage, ce fameux courage ! Voyons, Laurent : où t'a-t-on capturé, en février 1992 ? Dans l'entrepôt d'un immeuble, au Plateau, dit-on. Que faisais-tu en cet endroit, toi le preux, le courageux, le brave ? Tu fuyais la répression policière suite aux actes posés par tes militants hystériques que tu avais gonflés à bloc pour cette marche insurrectionnelle. Tu avais donc abandonné l'armée de tes militants ; et, après avoir détalé comme un forban pourchassé, tu es allé te cacher en cet endroit…».

C'est à croire qu'il faut clouer au pilori nos compatriotes Francis Wodié, Ahmadou Kourouma, Yao Ngo Blaise, Sokoury Marcel, Pascal Kokora, Marcel Amondji, Pascal Koffi Téya, Nicolas Agbohou, Bernard Doza, Sylvain de Bogou, Paulin Djité et bien d'autres (dont un certain Léandre Katouho Sahiri) qui, sachant d’Esope que « face à plus fort que soi, rivalité ou résistance ne sont pas de mise » et mettant en avant ou observant que " « dans un pays où le bon sens ne protège plus, la sagesse enseigne et commande de fuir », ont pris, courageusement, de gré ou de force, le chemin de l'exil et ont, dans leurs pays d’accueil, réalisé de grandes choses (études, publications, diplomatie, etc.) qui font honneur à la Côte d’Ivoire...

C'est aussi à se demander si André Breton n'aurait pas eu tort de lancer, en 1922, cet appel célèbre : « Lâchez tout…/ Lâchez votre femme…/ Lâchez vos espérances et vos craintes / Semez vos enfants au coin d'un bois / Lâchez la proie pour l'ombre…/ Lâchez au besoin une vie aisée, ce qu'on vous donne/ Pour une situation d'avenir… » ?... C'est à s'arracher les cheveux que de croire que les Mongo Béti, Wole Soyinka, Voltaire, Emile Zola, Samuel Beckett, Luis Mizon, André Siniavski, Mario Goloboff, Salman Rushdie, Fernando Arrabal et tant d'autres sont des lâches, des couards pour avoir, à un moment donné de leur vie, opté pour l'exil en vue d’éviter d'être emportés par le tourbillon des turbulences politiques et sociales de leurs pays. Et, l'on sait que, en général, en leurs terres d'exil, les exilés ne perdent en rien leur dignité (sauf s'ils se comportent mal), et souvent posent des actes déterminants qui font honneur à leurs pays d'origine. D’ailleurs, l’on sait que la révolution roumaine qui a emporté la dictature de Ceausescu est, d'abord et avant tout, l'œuvre des exilés roumains en France. Alors !…

Et, je suis fort aise d'en parler, parce que c'est ce que j'ai dû, moi aussi faire, en 1987, c'est-à-dire, n’en déplaise à Tiburce Koffi, fuir mon pays qui puait l'injustice et l'arbitraire et où, au mépris des Droits de l'Homme, M. Houphouët Boigny se disait avoir la paix comme religion et, contradictoirement, chérissait l'injustice et le clamait, en se frappant la poitrine, comme s'il ne s'agissait pas d'un vice, comme s’il ne faisait pas ainsi mal à des êtres humains... En effet, Houphouët Boigny claironnait « Je préfère l'injustice au désordre », contrairement à Paul Claudel qui affirme que « le désordre est le délice de l’imagination et de la création », contrairement à Colette Becker qui soutient que « L'injustice et le mal viennent de l'ignorance ». Et moi, en accord avec Claudel et Becker, j'avais fui l'ordre et l'injustice d'Houphouët Boigny, quoique les soi-disant Houphouétistes, toute honte bue, l’en vénèrent et l’en encensent et revendiquent la « réhabilitation de la Mémoire du Grand homme » dont ils se réclament pompeusement.

Laurent Gbagbo n’est pas Créon

M. Tiburce Koffi, au risque de finir un jour dans un asile et de peur d’écourter inutilement son espérance de vie, se devrait, comme je le lui avais déjà conseillé, très amicalement, de sortir des sentiers battus de la dépendance, prendre réellement conscience de son dérèglement et chercher à en guérir, pour pouvoir mettre sa plume, sa belle plume, sa très belle plume, (et ce serait malhonnête et indécent de ma part de ne pas le lui reconnaître) désormais au service de causes plus nobles que celles qui le desservent inopportunément. Ne serait-ce, d’abord et avant tout, que pour lui-même. Car, certes, Laurent Gbagbo n’est pas Créon et ne lui fera pas subir le sort d’Antigone. Mais, attention ! Tout le monde n’est pas Laurent Gbagbo...

C’est ce que je pense.

Léandre Sahiri, Directeur de publication.

Paru dans La rubrique ce que je pense du Filament N°10



Au tableau d'honneur : Mme Evelyne Marie Chantal YAPO

Première femme à la tête de l’ENA de Côte d’Ivoire



Au tableau d'honneur de ce mois, nous vous présentons Mme Yapo Evelyne Marie-Chantal née Serele-Zoua. Elle est la première femme à présider aux destinées de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Côte d’ivoire, depuis sa création. Mme Yapo Evelyne Marie-Chantal née Serele-Zoua, est officiellement entrée dans ses fonctions de directrice générale de l’ENA. La cérémonie de passation de charges s’est déroulée dans la salle de conférence de ladite école, dans l’après-midi de ce mardi 8 juin. Aussitôt, elle a fait connaître sa priorité : « Il s’agira de faire en sorte que l’ENA regagne la confiance des populations ivoiriennes. Ma priorité est évidemment d’exécuter la lettre de mission du Ministre de la fonction publique et



de l’Emploi, et partant, du gouvernement tout entier. Et puisque la prochaine grande étape ce sont les concours, eh bien nous allons nous atteler à vraiment rendre les concours plus crédibles comme on nous l’a demandé ».

Pur produit de cette ecole, l’Ecole Nationale d’Administration, Mme Yapo Evelyne Marie-Chantal née Serele-Zoua a effectué ses premiers pas à la fonction publique ivoirienne, en tant qu’administrateur des services financiers, chef de la section Abidjan, à la Direction générale des Impôts de 1993 à 1996. Elle est nommée Directrice de l’Ecole de gestion économique et financière (EGEF) de l’ENA en Septembre 1997, où elle a exercé 13 années durant.

En ce qui concerne la rumeur persistante qui assure que pour entrer à l’ENA, il faut « payer », voici ce qu’elle compte entreprendre pour changer la donne : « Je ne sais pas si on paye pour entrer ici, mais je puis vous assurer que cela ne sera pas possible avec moi. Nous voulons réconcilier l’ENA avec la population ivoirienne. il faut que les ivoiriens retrouvent la confiance qu’ils avaient mis en leur école nationale d’administration, et c’est à cela que nous travaillerons ».

Quand on lui demande ce que lui inspire cette nomination, en tant que première femme à la tête de l’ENA, elle répond : « C’est une grande fierté, car je pense que ma nomination est symbolique. Tout d’abord, je suis la première énarque à la tête de l’ENA, et ensuite parce que je suis une femme… c’est tout un symbole ». (Propos recueillis par Ghislaine Atta)

Jean-René Vannier

Source : Le blog de Ghislaine Atta



Stratégie pour la victoire

Le 28 novembre 2010, la CÔTE D’IVOIRE doit remporter LA VICTOIRE, non pas par « tous les moyens », mais de façon démocratique, c'est-à-dire sans violence, sans tricherie, dans la discipline, dans l’union. Nous les Ivoiriens et les Ivoiriennes, pour ce 2ème tour de notre élection présidentielle, unissons-nous pour dire NON à la servitude et pour confirmer notre légitime aspiration à la paix, à la souveraineté, à la dignité, au bien-être. Soyons tous rassemblés pour proclamer, aux yeux du monde entier, notre grandeur et notre maturité et pour faire du 28 novembre 2010, une date glorieuse et mémorable.


LES DIX COMMANDEMENTS POUR GAGNER LE 28 NOVEMBRE 2010

1. Nous devons nous mettre en rangs serrés et compacts pour défendre la terre de nos aïeuls, la Côte d’Ivoire.

2. Nous devons nous organiser, c'est-à-dire : mettre en place les dispositions utiles ; prévoir les moyens adéquats en ce qui concerne les secours, les ravitaillements et les déplacements (transports), afin d’éviter les désagréments, les vicissitudes, et les affrontements inutiles.

3. Nous devons mobiliser toutes les forces vives, hommes et femmes, de notre nation pour une participation effective et massive au vote : soyons, tous et toutes, présents dans tous les bureaux de vote pour exercer, en toute conscience et en toute responsabilité, notre droit de vote et notre devoir citoyen.

4. Nous devons faire barrage, PACIFIQUEMENT, SANS VIOLENCE, aux spécialistes de la violence, ramener les va-t-en-guerre à de bons sentiments, à des comportements de sagesse.

5. Nous devons être, tous et toutes, présents, dans tous les lieux de vote, et demeurer vigilants, attentifs aux différentes phases du déroulement du vote, c'est-à-dire depuis l’ouverture du bureau jusqu'à la proclamation des résultats.

6. Nous devons veiller à ce que soient utilisés les moyens et les matériels appropriés (urnes transparentes, machines à voter mécaniques ou électriques, bulletin unique, isoloir, encre...) en vue de prévenir ou d'éviter les manipulations frauduleuses de tous genres, et dénoncer systématiquement la moindre anomalie ou irrégularité constatée : la dénonciation des irrégularités électorales doit être l'affaire de chaque citoyen ou citoyenne.

7. Nous devons savoir que tout électeur qui vend sa voix au plus offrant est aussi méprisable que tout candidat qui achète la voix d'un électeur pour usurper le pouvoir.

8. Nous devons savoir que, dans l'isoloir, hors du regard des autres, chacun ou chacune de nous doit avoir constamment à l'esprit qu'il ou elle n'est pas seul(e), mais qu'il ou elle est en face de sa conscience et face à sa conscience, et que la destinée de notre nation est, à ce moment précis, entre ses mains.

9. Nous devons connaître les diverses méthodes de fraude pour détecter et dissuader les fraudeurs, pour lutter efficacement contre les pratiques frauduleuses et les irrégularités susceptibles d'affecter ou de fausser les résultats de l’élection : nous voulons une élection juste et transparente où la victoire reviendra au plus méritant des candidats, c'est-à-dire celui qui est capable d'agir dans l'intérêt supérieur de la population ivoirienne.

10. Nous devons éviter le vote mécanique et instinctif ; cela veut dire : ne pas nous baser sur nos attaches régionales, ethniques, religieuses ou militantes, mais voir seulement et uniquement la CÔTE D’IVOIRE.
Vive la Côte d’Ivoire ! Vive l’Afrique !

Léandre Sahiri

Afrique : Il nous en finir avec les illusions démocratiques

En lisant Le filament, une citation, parmi tant d’autres, a retenu mon attention et pose l’épineux problème de la lutte contre la pauvreté dans les pays sous développés : « celui qui vend sa voix est aussi méprisable que celui qui l’achète ».

Celui qui vend ne doit pas être logé à la même enseigne que celui qui achète.

Un chef de village analphabète pris en flagrant délit de vente de sa carte d’électeur et des membres de sa famille a répondu qu’il assumait son geste parce que son vote ne servirait à rien, étant donné que sa décision de pauvre ne peut rien changer à ce que les riches ont décidé... L’argent issu de la vente va permettre de subvenir aux besoins de sa famille pendant plus de trois mois. Cela pose le problème de l’ignorance, de l’espoir déçu.

Des concepts ont été imposés à l’Afrique : démocratie, bonne gouvernance, suffrage universel sans tenir compte des réalités africaines.

Après cinquante ans d’indépendance et 20 ans de démocratie, Il nous faut avoir l’audace de revisiter la boîte noire de nos démocraties, de faire l’inventaire des politiques d’aide au développement, d’analyser le suffrage universel qui s’inscrit dans la logique de « celui qui gagne prend tout » : autant de choses qui continuent de plonger l’Afrique dans une misère abjecte.

Les Africains doivent composer leur modernité à partir de leur identité culturelle et promouvoir les valeurs fondamentales.


En plus des valeurs économiques, vitales, affectives, si nous voulons un monde plus libre, plus respectable et plus sérieux, nous devons promouvoir trois valeurs fondamentales en plus de ces valeurs déjà reconnues : la conscience, l’honnêteté, la responsabilité.

La conscience : elle évite l’enténèbrement de l’esprit et la crétinisation de la masse, sachant que la société n’est pas un troupeau somnolent gouverné par quelques individus prenant les décisions à sa place.

L’honnêteté : elle met l’accent sur un sens élevé d’intégrité et se traduit par le fait que les biens qui nous ont été confiés ne doivent pas être employés à mauvais escient. L’honnêteté est cohérence avec soi. On ne peut être honnête avec autrui qu’en étant honnête avec soi même. En d’autres termes, celui qui est malhonnête avec autrui est malhonnête avec lui-même.

La responsabilité : elle sous-entend que nous avons de la sollicitude envers ce qui nous est confié et ce dont nous avons la garde, et que nous avons conscience des conséquences de nos actes.


Sauver l’Afrique des illusions démocratiques

Nos indépendances ont été déjà un échec ce qui nous a conduit à mettre en place des sociétés démocratiques avec beaucoup d’attachement aux « valeurs démocratiques » mais, qui ne sont que des illusions démocratiques. Ainsi donc, l’expression « Valeurs démocratiques » est un discours vide, un discours somnifère servi au peuple. Pour Alan Bloom, l’auteur de L’âme désarmée, c’est « une incantation creuse ». Il nous faut sauver l’Afrique, attaquer la pauvreté, définir les concepts de démocratie, par rapport à notre identité réelle. C’est un débat tout entier et très profond. Permettez-moi de vous adresser cette réaction à chaud. Pardonnez-moi d’avoir dit certaines vérités qui choquent et dont les politiciens n'ont pas besoin.

Madame Anne Cica ADJAÏ (Ancien Conseiller Technique Chargée de la Moralisation de la Vie Publique).

L’Afrique : vivier du football européen


L’Afrique dont la Coupe des Nations avait éteint ses lampions le 31 janvier dernier, sur la victoire de l’Égypte face au Ghana (1-0), demeure un grand fournisseur mondial de joueurs.

En effet, les joueurs africains sont une composante indissociable de l’identité footballistique européenne. Le constat a sauté aux yeux début janvier. Pas moins de 112 joueurs du continent noir ont quitté leurs clubs des cinq grandes ligues (40 en Ligue 1, 31 en Premier League anglaise, 22 en Bundesliga allemande, 12 en Liga espagnole et 7 en Serie A italienne) pour disputer la Coupe d’Afrique des nations.


Pour la première fois, une vaste étude lancée sur trente-six des cinquante-deux ligues européennes vient de quantifier le phénomène. La masse de chiffres récoltés est sans appel : l’Afrique représente bien un important vivier dans lequel le football européen puise sans réserve. Un vivier commode pour les recruteurs. « 23% des étrangers évoluant dans ces 36 ligues viennent de cette région du monde. Mais, si l’on regarde ce pourcentage pour les cinq ligues les plus puissantes, il tombe à 10 %. Les joueurs africains se trouvent donc plus dans des ligues de moindre niveau. Ils représentent ce que l’on pourrait appeler une “sous main-d’œuvre” pour le foot européen », analyse Loïc Ravenel, co-directeur de l’Observatoire des joueurs de foot professionnels.

Une sous main-d’œuvre d’autant plus facile à capter que les pays réservoirs de talents ne possèdent pas ou peu de championnats d’élite capables de former, de valoriser puis de transférer au prix fort leurs perles rares. Les joueurs africains sont donc ceux qui partent le plus tôt de chez eux : un peu plus de 19 ans en moyenne. Soit trois ans de moins que les Sud-Américains. Ce jeune âge lors de la première transaction a bien sûr un impact économique négatif.

L’Afrique ne tire pas autant partie de ses transferts que le championnat brésilien, par exemple, premier exportateur du monde, qui a bâti son modèle économique sur la vente de ses joueurs formés et aguerris. L’an dernier, 502 d’entre eux ont traversé l’Atlantique. Un bon millier parcourt le monde. Mais, grâce à l’interdiction sur les transferts de mineurs imposée par la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), l’âge moyen de départ des Africains s’est stabilisé. Dans ce contexte, l’Europe du ballon rond fait surtout son marché en Afrique de l’Ouest. Au Nigeria d’abord, premier pays exportateur du continent et septième, toutes zones confondues, avec 113 éléments. Suivent le Cameroun (84 joueurs), la Côte d’Ivoire (61), le Sénégal (57) puis le Ghana... L’Afrique du Nord est, elle, absente. Le championnat égyptien est assez puissant pour conserver ses meilleurs éléments. Quant aux joueurs maghrébins évoluant en Europe, ils sont pour la plupart nés dans les pays d’Europe et n’apparaissent, de ce fait, pas dans les statistiques migratoires.


Serge Grah

(Journaliste, Ambassadeur Universel pour la Paix).

Un article paru dans la rubrique sous l'art à palabres du Filament N°10



Edito du 15 novembre 2010

Et de dix !

Nous sommes heureux de vous proposer la dixième parution de votre journal Le Filament.

Et comme vous savez, 10 est le premier des nombres composés, combinant les connaissances dans leur ensemble. C’est d’ailleurs ainsi qu’il apparaît dans le Décalogue pour symboliser l’ensemble des lois de Dieu édictées en « Dix commandements ». Et puis, 10 représentent la somme des quatre premiers nombres (1+2+3+4), marquant les quatre points cardinaux, les quatre saisons, les quatre étapes de la création. Chez les Bambaras, 10 symbolise Faro, le Dieu d’eau, c’est-à-dire la fécondité. Pour les Pythagoriciens, 10 c’est le plus sacré des nombres, c’est le symbole de la création universelle. A leur sens, il signifie le retour à l’unité, à la totalité et signifie l’achèvement de l’initiation et donc la maturité...
Dans ce sens, il ne fait pas de doute que, avec ce dixième numéro, nous avons atteint notre vitesse de croisière. On peut s’en rendre compte par le nombre de nos lecteurs et lectrices qui s’agrandit chaque jour davantage, et qui, chaque mois, attendent impatiemment Le Filament. On peut également s’en rendre compte par le volume et la qualité appréciable des articles et des contributions que nous publions, ainsi que par les critiques, les suggestions, les propositions, les félicitations et autres témoignages de sympathie, la visite régulière de notre site Internet : www.lefilament.info, etc. Tout cela nous conforte dans l’idée que nous avons été fort bien inspirés de lancer ce journal et, surtout, d’avoir, d’emblée, choisi la ligne que nous suivons, celle de l’indépendance et de la liberté, et non de la neutralité.
Nous voudrions vous renouveler notre gratitude, à vous tous et toutes, qui nous soutenez, sous quelque forme que ce soit, vous qui nous aidez volontiers à diffuser largement « Le Filament». Continuons, tous et toutes, à offrir Le Filament gratuitement, à nos amis, à nos parents, à nos connaissances, surtout aux personnes qui n’ont pas encore eu l’opportunité de lire ce journal qui se veut un vrai carrefour, du moins une plateforme véritable d’échanges et de débats d’idées.
Excellente lecture.
Portez-vous bien et à très bientôt.

Léandre Sahiri, Directeur de Publication.

Téléchargez Le Filament N°10

samedi 30 octobre 2010

Du meeting de M. Kouadio Konan Bertin à Tiassalé


Il y a quelques jours, j’ai lu un article de presse du journaliste Jules Claver Aka, Envoyé spécial du journalLe Nouveau Réveil. L’article est un compte-rendu du meeting de M. Kouadio Konan Bertin, alias KKB, président national de la Jeunesse du PDCI. Ce meeting a eu lieu le dimanche 3 octobre dernier à Tiassalé, dans le sud de la Côte d’Ivoire, et ce, dans le cadre de « larentrée politique de la délégation départementale du PDCI». Comme d’habitude, je vais ici saisir l’occasion pour dire ce que je pense de ce que M. Jules Claver Aka a qualifié de « message dense aux militants du PDCI ».

Êtres humains ou bêtes à visages humains ?

En cette période pré-électorale, M. KKB a recommandé aux militants du PDCI en général, et aux jeunes en particulier, la mobilisation permanente. Au titre des consignes de vote, il leur a donné les mots d’ordre suivants : « On va commencer à voter le 31 octobre à partir de 8 heures, jeunes de Tiassalé, dès 8 heures,vous prenez tous les bureaux de vote. Assurez-vous que les femmes et les vieux ont tous voté. A partir de midi, vous avez fini le travail …si Gbagbo s`amuse à appeler ses patriotes dans la rue, vous les cognez proprement ».Autrement dit, le PDCI n’attendra pas la clôture des bureaux de vote, encore moins le dépouillement… J’avoue que, là, j’ai été bien choqué par la violence du langage de M. Kouadio Konan Bertin. Il me semble avoirretrouvé le même discours d’une autre époque qui, hier, invitait et incitait les jeunes du RHDP à bruler les bus et les édifices publics de la république. Et alors, je me suis demandé pourquoi les responsables politiques ivoiriens répugnent tant à bannir de leur langage les appels à la violence ? Je me suis également demandé comment des gens, parce qu’ils se disent « militants » peuvent-ils toujours exécuter ce genre de mots d’ordre, sans réfléchir et sans se rendre compte qu’ils se font du mal à eux-mêmes et au pays ? C’est à se demander siles militants africains se prennent pour des êtres humains ou si l’on doit les considérer comme des bêtes à visages humains ?

Un nouveau Pétain ?

En tout cas, les propos de M. KKB m’ont vachement rappelé ceux de M. Philippe Pétain, chef de bataillon,professeur à l’Écolede guerre, chargé du commandement des troupes engagées à Verdun. Devenu aux yeux de tous « le vainqueur de Verdun » et jouissant d’une popularité considérable, Philippe Pétainreçut son bâton de maréchal de France en novembre 1918. Il privilégiait les charges de cavaleries et les attaques à la baïonnette, préconisait l'utilisation des canons pour les préparations et les barrages d'artillerie, afin de permettre la progression de l'infanterie, laquelle doit pouvoir tirer précisément sur des cibles individuelles. Le maréchal Pétain déclarait aux élèves officiers : « Accomplissez votre mission coûte que coûte. Faites-vous tuer s'il le faut… ». C’est sans doute à cause de ce langage de violence qu’il fut condamné à l’indignité nationale, et fut exclu de l’Académie française…

Du délire paranoïaque

Dans le même message, M. KKB a précisé : « Je suisvotre attaquant. Et vous êtes des défenseurs. Tiassalé est ma surface de réparation. Et vous êtes mes défenseurs. Ma surface est entre vos mains. C`est lamission que je vous confie ». On note ici que le langagede M. KKB est caractérisé par une réelle surestimation de lui-même, une auto-proclamation, un orgueil anormalement développé et associé à l’agressivité et au mensonge. C’est ce que les psychologues appellent « le délire paranoïaque ». Malheureusement, la paranoïa, est la maladie dont souffrent la plupart de nos politiciens, à tous les niveaux, à droite comme à gauche ; c’est cela qui fonde leur mauvaise foi et quijustifie que, chez nous, il y a plus de dérapages que de propositions d’idées constructives. Il faut savoir que la paranoïa est, au sens premier, un dérèglement appartenant au groupe des psychoses. Elle est caractérisée par un délire systématisé, sans affaiblissement des capacités intellectuelles. C’est une maladie qui débute à l'âge moyen de la vie (35-45 ans) sur un fond de méfiance, d’orgueil, d’hypertrophie du Moi, de susceptibilité, de jugement faux, de rigidité du psychisme, de désir de vengeance…), qui naît, bien souvent, d'un conflit psychoaffectif d'importance variable ; ce qui suppose que, pour comprendre les propos et les agissements de l’individu concerné, il fautfaire une investigation dans son enfance et dans sa jeunesse, c'est-à-dire interroger son milieu familial, ses relations avec ses parents, son niveau d’instruction, etc.

Dans ce cas du « délire paranoïaque », le sujet tient des propos très bien argumentés, apparemment cohérents et convaincants, si bien que l’on arrive parfois à engager des personnes fragiles ou ignorantes ou manquantd’esprit critique ou incapables de « s’élever au-dessus des contingences immédiates pour se comporter en êtres pensants ». Mais, la base du raisonnement est fausse, ou la conclusion est erronée. En effet, M. KKB a, au cours de ce meeting du dimanche 3 octobre dernier à Tiassalé, affirmé que « le coup d`Etat de 1999 s’est passé sans effusion de sang par la volonté du président Henri Konan Bédié, parce que celui-ci ne voulait pas que le sang de ses compatriotes coulepour son pouvoir ». Ceci est totalement faux, puisque le président Henri Konan Bédié avait appelé à la« résistance » au coup d’Etat l’emportant. C’est plutôtles Ivoiriens qui ont refusé radicalement de verser inutilement leur sang pour un homme qui s’était montré, comme l’avait écrit Béchir Ben Yamed, « inapte à assumer l’héritage d’Houphouët-Boigny : le vêtement était visiblement trop ample pour lui » (J. A, janv. 2000).Et puis, nul n’ignore que « l’appel à la résistance » de M. Henri Konan Bédié avait donné le jour à une liesse populaire pour saluer son départ et pour cause. La « Lettre Ouverte » signée des mains de M. Tiburce Koffiet publiée dans le journal Le Jour n° 1270 du 30 avril1999 précise : « …Monsieur le Président, vous et vos amis et partenaires du pouvoir politique, seuls élus au banquet de l’abondance et de la jouissance, n’avez pasle sens du sacrifice. Vos préoccupations essentielles semblent être les suivantes : continuer dans la culturedu gaspillage et du clinquant, sacrifier le peuple, bloquerles salaires, hausse sans cesse et fantaisiste des prix,absence d’une politique sociale réelle du logement… Ici, en Côte d’Ivoire, on ne pense plus, on mange et on cherche à manger, car le savoir ne donne plus accès ni au respect ni au travail… ». Sans commentaire. De plus,M. KKB affirme que « Laurent Gbagbo sait qu`il ne peut jamais gagner les élections en Côte d`Ivoire, même dansses rêves les plus fous ». Et pourtant…

J’accuse

Dans son « message », M. KKB a dit : « …Quand on demande à des gens, qui allez-vous votez, ils répondent Laurent Gbagbo. Et quand on leur demande pourquoi,ils répondent, parce que Laurent Gbagbo est garçon. Depuis quand on est garçon en politique ? Laurent Gbagbo est quel genre de garçon ?... Laurent Gbagbo joue au brave alors que ses collaborateurs autour de lui meurent… Boga Doudou est tombé, Daly Oblé est tombé, Dagrou Loula est tombé. Bouaké est tombée,Korhogo est tombée, Man est tombée… et la Côte d`Ivoire est aujourd`hui divisée en deux. Alors, Gbagbo est quel genre de garçon ? Il a dit, tant que je seraiprésident, Soro Guillaume ne sera jamais ministre.Gbagbo est président et Soro Guillaume est devenu Premier ministre. Quel genre de garçon est-il ? »...Je me dois d’abord d’avouer que j’ai été choqué par la désinvolture et la vulgarité du « leader » qu’est M. KKB. Il n’est en rien un modèle, ni au plan intellectuel, ni au plan politique, ni au plan de l’éthique… Il ne sait mêmepas respecter la mémoire des hauts cadres et des officiers supérieurs de notre armée nationale, en l’occurrence feux Boga Doudou, Daly Oblé, Dagrou Loula, entre autres, qui au-delà de leurs appartenances ethniques et politiques, sont, d’abord et avant tout des dignes fils de la Côte d’Ivoire et ont été de loyaux serviteurs de la Côte d’Ivoire. Il n’éprouve aucune peine devant le désastre qu’a dû subir notre pays, et singulièrement les régions de Bouaké, Korhogo, Man… dont les populations ont été les plus durement touchées par la rebelion. On a même l’impression qu’il éprouve une certaine gaîté à voir « la Côte d`Ivoire aujourd`hui divisée en deux » et qu’il ne comprend pas que c’est là, bel et bien, la preuve de notre sauvagerie et de notre barbarie qui nous rendent ridicules aux yeux des autres peuples du monde.

Le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur dans la crise ivoirienne, a lancé "un appel solennel" pour "une campagne électorale sans violence". Le représentant spécial de l'ONU en Côte d'Ivoire, M. Youn-jin Choi, a exhorté les candidats à la "maturité" et le président de la Commission électorale indépendante (CEI), M. Youssouf Bakayoko, a prôné "la plus grande sagesse durant cette période sensible". Aussi, force est d’accuser M. Henri Konan Bédié, candidat à laprésidence de la République démocratique de Côte d’Ivoire, de laisser le leadership de la jeunesse de son parti à un tel « garçon » semant à tout vent les germes de la violence ? A moins que M. KKB soit « la voix de son maître »... Sinon, le président Bédié devrait rappeler M. KKB à l’ordre ou tout au moins calmer ses ardeurs... Du moins, de mon point de vue... Et, fort heureusement et à mots couverts, le vice-président du PDCI, M. Ouassénan Koné l’a fait, fort bien sagement, en invitant les Ivoiriens à la raison et al tempérance: « Je voudraisvous inviter à être prudents le 31 octobre », a-t-ilconseillé aux populations de Tiassalé. Chapeau bas, mon Général ! Par-dessus tout, j’accuse les autorités de Tiassalé de n’avoir pas réagi aux propos d’incitation à la violence de M. KKB, aux fins de les condamner vigoureusement, de prévenir tous actes de violence susceptibles de porter atteinte à la crédibilité du scrutin du 31 octobre que nous avons appelé de tous nos vœux, de sorte que nous restions tous unis derrière celui qui sera élu, commecela se passe dans les pays civilisés du monde entier.

M. KKB a conclu son message en invitant l`ensemble de la population de Tiassalé à « faire le bon choix le 31octobre… Et, faire le bon choix, a-t-il dit, c’est voterBédié, parce que Bédié est prêt à reprendre le combat du développement là où les armes l`ont contraint à lelaisser ». Sur ce point, il y a débat. La vérité sortira, au soir du 31 octobre, des urnes.C’est ce que je pense.

Léandre Sahiri,Directeur de Publication



 

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