lundi 7 novembre 2011

De l'exemple du peuple roumain

Le 24 décembre 1989, le président roumain, Nicolae Ceausescu, debout sur le balcon de son palais, à Bucarest, haranguait la foule conviée à participer, une fois de plus, sur la place de l’Université, à le célébrer : une gigantesque manifestation de soutien et de louanges.
Moins de 24 heures plus tard, suite à un soulèvement populaire pour mettre un terme à son régime tyrannique et pour en finir avec l’insécurité, la terreur et l’injustice, aggravées par des conditions économiques et sociales désastreuses, Nicolae Ceausescu a été chassé du pouvoir, et un nouveau gouvernement a été immédiatement mis en place.

Il faut souligner que, au cours de ce soulèvement, du 16 au 25 décembre 1989, on a vu les forces armées se joindre aux manifestants et fraterniser spontanément : le chef de la Securitate (c-à-dire : les services de police politique secrète) a demandé à ses hommes de ne pas tirer sur les manifestants. Face à cette situation plus ou moins confuse, Ceausescu et sa femme Elena Petrescu ont tenté de s’enfuir en hélicoptère.

En effet, les époux Ceausescu ont rejoint un hélicoptère sur le toit de leur résidence pour s'enfuir avec deux conseillers et trois hommes d'équipage dans le but de rejoindre un de leurs palais privés de province et reconstituer les forces encore fidèles à son régime. Les manifestants se sont attaqués ensuite à la chaîne de télévision publique devenue un media de propagande et de désinformation et, aux environs de 13 heures, ils sont parvenus à en prendre le contrôle.
Le 25 décembre 1989, à la suite d'un procès expéditif de 55 minutes, rendu par un tribunal auto-proclamé, réuni en secret dans une école de Targoviste, à 50 km de Bucarest, Nicolae Ceausescu et Elena Petrescu, ont été condamnés à mort et aussitôt fusillés dans la base militaire de Targoviste, payant ainsi au peuple roumain la facture de tant de crimes et de tant de mal qu’ils lui ont fait.
Le soir même, les images des corps exécutés du couple Ceausescu ont été diffusées à la télévision, en Roumanie et dans le monde entier. Leurs cadavres ont été enterrés dans le cimetière civil de Ghencea, à Bucarest, dans une tombe sans nom.
Il faut ici signaler et souligner la détermination et les actes de bravoure de la population roumaine dont la manifestation, diffusée en direct à la télévision, se transforma, le 21 décembre 1989, en une démonstration massive de protestation, les mains nues, contre le régime de Ceausescu.

Il faut aussi rendre hommage à la diaspora roumaine, dont le rôle a été déterminant, en particulier les intellectuels roumains en exil en France et en Angleterre, qui se sont mobilisés, organisés, pour recueillir des fonds et diffuser largement des analyses critiques, des informations même confidentielles, prenant ainsi une grande part à l’éveil des consciences du peuple roumain pour une participation active, individuelle et collective, dans la chute de Ceausescu.

Il faut aussi rendre un hommage mérité à certains citoyens roumains, dont entre autres, le lieutenant-général Ion Mihai Pacepa, vétéran de la Securitate (les services de police politique secrète). En 1978, le lieutenant-général Pacepa fit défection et se réfugia aux États-Unis, portant un coup sévère au régime, contraignant Ceausescu à revoir toute l'« architecture » de la Securitate. Le lieutenant-général Pacepa a énormément contribué à la prise de conscience des Roumains, en ce qui concerne la nature et les exactions du régime de Ceausescu, et ce, grâce à la publication courageuse et à la large diffusion de son livre « Red Horizons : Chronicles of a Communist Spy Chief ».
Dans ce livre, le lieutenant-général Pacepa a révélé divers détails sur le régime de Ceausescu, tels ses abus de pouvoir, sa collaboration avec des terroristes, ses entreprises d'espionnage industriel aux États-Unis, ses tractations pour obtenir le soutien des pays occidentaux et pérenniser son règne, ses efforts constants et élaborés pour faire croire que tout va bien alors que la population roumaine souffre énormément, etc.
Suite à la chute de ce tyran, Nicolae Ceausescu, la Roumanie est rentrée dans l’ère démocratique, avec en 1990, la victoire de M. Ion Iliescu à la première élection présidentielle libre et véritablement démocratique du pays.

Ce qui s’est passé en Roumanie n’est certes pas un fait nouveau dans l’Histoire des Hommes. Ce n’est pas, non plus, l’apanage des pays de l’Est, même si, à une certaine époque, la Pologne, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, entre autres, ont occupé les premiers paliers de l’actualité politique en la matière. En effet, en Asie, en Amérique, en Afrique aussi, on a déjà connu des chutes non moins spectaculaires de dictateurs, de tyrans et d’empereurs dont Nimeiry, Bokassa, Bourguiba, Marcos, Duvalier, Mao, Noriega, Moussa Traoré, Idi Amin Dada, pour ne citer que ceux-là.

De tous ces faits et de la révolution roumaine, on retiendra que, pour se libérer, l’on n’a pas, forcément, besoin de bombes, ni de tanks, ni de blindés, ni d’artilleries lourdes, ni de coup d’Etat militaire, ni d’aide extérieure, ni d’attendre tranquillement le décès du chef, ni de compter sur des élections dont on sait d’avance l’issue...
Il suffit, nous enseigne le peuple roumain, d’oublier ou du moins de vaincre, un tant soit peu, la peur qui nous lie les membres et l’esprit, pour, avec bravoure, défier le pouvoir jusqu’à son dernier retranchement et à sa fin et tourner, de manière décisive, les pages les plus sordides de son histoire.
C’est la conduite à tenir par toute communauté qui subit un régime véritablement contraire à son essor. C’est la voie idéale pour tout peuple faisant face à un pouvoir tyrannique qui agit contre le droit et la raison, et qui se révèle, comme celui de Ceausescu, injuste, violent, pervers.
En vérité, la révolution roumaine constitue un bon exemple à… suivre. C’est ce que je pense.


Léandre Sahiri

Publié dans le Filament N°15

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