mardi 27 avril 2010

La lutte contre les meilleurs

L'Afrique, en ce 21ème siècle, s'enfonce de plus en plus dans le sous-développement. Du moins, dans le mal-développement. Et ce continent, malgré ses riches potentialités minières, minéralières, forestières et autres, continue d'attendre qu'on l'aide. Face à cette situation on a trouvé des explications : la colonisation, le prix des matières premières, etc. Si cette explication est vraie, il faut avouer qu'elle est de moins en mois convaincante. Parce que les pays d'Amérique latine et d'Asie ont également été colonisés. Ils ont été, comme nous, colonisés. Ils sont, comme nous, exploités. Mais, malgré cela, ces pays sont mieux lotis que la plupart des pays au sud du Sahara en matière de développement. Le Brésil aujourd'hui a une industrie lourde et compte parmi les grandes puissances. Les pays asiatiques appelés dragons d'Asie sont aujourd'hui ceux qui nous prêtent de l'argent. Pourquoi donc, l'Afrique ne peut-elle pas décoller ?

Il faut malheureusement reconnaître aujourd'hui que le sous-développement de l'Afrique ne tient pas seulement à l'exploitation dont nous sommes victimes. Si nous ne parvenons pas à avancer, si nous reculons continuellement, c'est bien parce que nous avons une culture et même une philosophie qui va à rencontre de tous ceux qui veulent progresser : la lutte contre les meilleurs. Celle-ci est l'une des causes fondamentales de la situation actuelle de l'Afrique.
Toutes les communautés humaines aspirent au progrès. Chacun voudrait vivre mieux qu'il n'a été hier. Mais, le constat révèle que le progrès est l'œuvre de quelques individus parfois même d'un seul individu et il finit par se propager dans le reste de la communauté.
Face à cette aspiration au progrès, face au fait que le progrès part de quelque part pour gagner les autres, quelles sont les attitudes que les sociétés africaines ont vis-à-vis des sources de progrès ?
Dans les pays occidentaux, dès qu'on trouve qu'un individu pose un acte de nature à faire progresser la société, on l'entoure de soins. On le protège, on le vénère même. Ces sociétés occidentales sont organisées sous le modèle compétitif. On récompense les meilleurs : scientifiques, musiciens, politiciens etc. C'est l'homme de talent, c'est le génie qui est favorisé, stimulé. Le médiocre n'a donc pas sa place dans ces sociétés-là. Or, les africains, devant les sources génératrices de progrès, adoptent une attitude contraire, négative, qui consiste à démoraliser, à combattre les générateurs de progrès.
En effet, les sociétés africaines semblent, elles, être profondément engagées dans le combat ou la lutte contre les meilleurs. Voyez-vous, dans nos sociétés, il suffit d'essayer de briller pour avoir toutes sortes d'ennuis. Même dans nos milieux universitaires, milieu d'intellectuels, c'est une insulte que de faire honneur à quelqu'un qui a mieux réfléchi que nous. Qui pis est, au village, les sorciers ne «tuent» jamais les cancres, les demeurés. Leurs victimes sont toujours les meilleurs éléments d’entre nous.

Or, ce sont ceux-ci qui sont censés être les propulseurs du progrès chez nous. Combien sont-ils les cadres qui sont morts pour avoir eu juste l'idée de développer leur village ? Combien sont-ils les hommes politiques qu'on a combattus avec une haine vénéneuse, parce qu'ils avaient de meilleurs projets pour leur peuple ? Patrice Lumumba et, plus tard Thomas Sankara sont là des exemples probants.
Alors, comment donc l'Afrique peut-elle aller au développement, si nous nous attaquons, de manière systématique, à ceux qui pourraient nous embarquer sur la voie du progrès ? N'est-ce pas à croire, comme disait Axelle Kabou, que «l'Afrique refuse le développement » ? Simple question.

Serge Grah (Journaliste, Ambassadeur universel pour la paix).

Un article paru dans la rubrique sous l'art à palabres du Filament N°3

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