samedi 15 mai 2010

Côte d’Ivoire : Nous en avons assez des journalistes de paille

Le fait que nous allons souligner dans les lignes qui suivent est très répandu en Afrique. Cependant, pour plus de précision et d’efficacité, nous avons décidé de focaliser notre discussion sur le cas ivoirien. Nous prenons très au sérieux le rôle des médias dans la cité et pour ce fait, nous irons là où il faut pour bien servir nos lecteurs que nous invitons au repas intellectuel servi par « Le Filament ».

De la notion de « liberté d’expression »

Prenons le temps de définir le concept de liberté sous quelques unes de ses multiples formes :
Au plan philosophique, ce concept prend deux routes ou deux orientations. A savoir, par exemple, chez les stoïciens, c’est la faculté liée à l’intelligence et à la raison. Chez Jean Paul Sartre, par contre, la liberté est vue comme un pouvoir perpétuel de dire « non » ou « oui ».
Lorsque nous progressons au sens étymologique, la liberté est synonyme d’indépendance, de libre arbitre. C’est aussi l’état d’une personne qui ne subit pas la contrainte d’une autre personne.
Au plan politique ou encore au niveau du droit national et international (voir la Charte de l’ONU et autres textes adjacents), la liberté est définie comme l’une des conditions sine qua non qui conduisent à l’épanouissement individuel et global. De toutes ces définitions, il ressort que la liberté est indissociable et source de la créativité, du développement et de l’accomplissement des rêves de chacun et de tous.
Quant au concept d’« expression » (qui vient du verbe exprimer), c’est l’action ou la manière dont nous faisons usage de notre voix et de nos gestes pour faire savoir nos états, nos réactions face à un événement, etc. Ainsi par exemple, des expressions, du fait des usages abusifs, ont fait des vagues partout dans le monde et mis le feu aux poudres, à travers les médias surtout, en Afrique et en Côte d’Ivoire en particulier. Ce que nous ne devons pas oublier est qu’il y a une grande différence entre tout concept et son application, parce que nous devons tenir compte de la société dans laquelle nous nous retrouvons.
Souvenons-nous toujours de ce vieux dicton : « Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres ». Elle implique que, en dépit de notre liberté ou de notre indépendance, nous ne sommes pas toujours libres, par exemple notre liberté est restreinte par la loi et le contexte sociopolitique ; et ce, dans n’importe quel pays et sous n’importe quel régime politique. Ceci pour dire que le couple de mots « Liberté d’expression » ne devrait pas inciter et exciter les médias africains, et ivoiriens en particulier, à exacerber la violence et la démesure qui poussent, soit vers l’insurrection, soit vers la barbarie. La presse ivoirienne, toutes tendances confondues, donne dans le banditisme littéraire. On écrit parce qu’on est allé à l’école, mais pas pour dire du sérieux, ni critiquer avec objectivité. Nous sommes dans une course où le dénigrement, le mensonge pour le mensonge, le sensationnel, la protection aveugle d’untel par tous les moyens sont devenus la nouvelle donne de la République. Nous sommes en face d’une presse « hollywoodianisée ». L’Etat n’existe pas ou du moins s’il existe, il permet tout parce que les tenants du pouvoir eux-mêmes, à travers leurs tentacules diverses qui courent les rues, sont tombés malheureusement dans le jeu de la « vengeance journalistique ». En Côte d’Ivoire, il est très difficile de voir un journalisme objectif. « Notre Voie » est incapable de critiquer les dérives de certains membres et amis du FPI dans la gestion du bien de la République. Il faut se battre, bec et ongles, pour faire avaler aux Ivoiriens que la couleur rouge qu’ils voient tous, n’est pas rouge, mais qu’elle est plutôt blanche. Aujourd’hui, le manque de franchise ou d’objectivité dans ce canard qui avait eu l’adhésion de beaucoup d’Ivoiriens lorsqu’il était encore « la voix de l’opposition », a galvaudé le concept de « Refondation ». Ce concept qui constitue le nœud de la politique du président Laurent Gbagbo, une fois mentionné, renvoie à la gabegie, au grand vol, au viol, à l’arrogance et à tous autres maux qui rongent la République. « Le Patriote », mordicus, refuse à ce que Beugré Mambé qui a lui-même reconnu avoir hautement trahi la République, démissionne. Ce journal n’a aucune force de dire à la direction du RDR et surtout à M. Alassane Dramane Ouattara qu’il est la gangrène qui ruine la Côte d’Ivoire. De l’autre côté, « le Nouveau Réveil » est incapable de dire à M. Henri Konan Bédié d’aller s’asseoir à Daoukro ou à Cocody parce qu’il est l’un des fossoyeurs de la République et que c’est par pitié qu’il n’est pas, en ce moment, derrière les barreaux. Simplement, nous avons affaire à une presse de paille qui met la République en danger à chacune de ses parutions du premier au trente de chaque mois. Les articles de la presse ivoirienne seront analysés et critiqués, cela est une promesse, mais pour l’instant, à nos lecteurs, nous offrons une vue globale de ce qui se passe dans les colonnes des médias du côté de la Côte d’Ivoire. Dans ce pays, on n’écrit pas pour éduquer, former et construire. Le seul objectif est de détruire tout sur son passage, pourvu qu’on ait de quoi se remplir les pages et le ventre. D’ailleurs, la formation des journalistes eux-mêmes pose beaucoup de problèmes. Sont-ils réellement formés ? Connaissent-ils vraiment la déontologie de leur métier ? Ont-ils réellement conscience le journalisme est à la fois un métier dangereux, instructif, amusant et élévateur ? A voir ce qui est déversé dans les rues chaque jour, nous pouvons déjà dire qu’une poignée de personnes peuvent répondre par l’affirmative aux questions posées.

La liberté d’expression et l’Etat.

L’état est la manière d’être d’une chose, d’un être. Mais, nous n’allons pas nous attarder sur cette première définition parce qu’elle ne constitue pas notre plat du jour. Nous sommes concernés par l’Etat en tant qu’entité politique, c'est-à-dire une société organisée, avec des institutions, des organes politiques, administratifs, juridiques. Pour Max Weber, ce qui fait l’Etat, est « le monopole légitime de l’usage de la force que celui-ci a sur un territoire bien déterminé ». Selon Kant, l’Etat est « l’unification d’une multiplicité d’hommes sous des lois juridiques »1. Quant à Montesquieu, à qui l’on attribue la séparation des pouvoirs dans un Etat démocratique, combinant les concepts de Liberté et de l’Etat, il précise que « dans un Etat, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’y aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir »2.
Eu égard à ces définitions du concept de l’Etat, nous nous rendons compte que la notion de « liberté d’expression », en elle-même comporte de façon intime, les notions de retenue, de mesure et de respect des lois. Il n’est pas normal de faire usage de sa liberté pour abuser autrui. La liberté d’un individu, fût-il roi ou eût-il le privilège de s’exprimer dans les colonnes d’un journal, ne doit pas mettre la nation en péril, ni annihiler la liberté des autres composantes de la société, ne serait-ce pour garantir la paix sociale ou simplement par respect : il faut que les journaux ivoiriens se mettent dans la logique du respect des lois, du respect des autres, du respect de la déontologie du métier et surtout qu’ils sachent que les lois sont créées pour être appliquées. Et donc, s’il y a dérive, l’Etat devrait normalement sévir pour ramener l’ordre à la maison. Par ailleurs, tous les syndicats de journalistes et autres organisations des medias, notamment en Côte d’Ivoire, devraient organiser, très souvent, des cours ou séances aux fins de former leurs membres, les informer, les éduquer, leur apprendre à écrire convenablement et objectivement.
Que les syndicats des journalistes ivoiriens prennent leurs responsabilités. Car, il ne faut pas attendre l’arrestation d’un de leurs membres avant de crier « à la dictature »...
Nous nous battons tous pour plus de liberté, mais apprenons qu’une liberté absolue n’existe nulle part dans le monde. Il faut, dit-on, respecter les lois et les lois te respecteront, si, bien entendu, nous sommes d’accord avec Hegel que « l’Etat est la substance sociale qui est arrivée à la conscience d’elle-même et qui réunit en lui le principe de la famille et le principe de la société civile ».
Que les journalistes ivoiriens apprennent à respecter le métier qu’ils exercent en appliquant le minimum d’objectivité et de contrôle de soi. Sinon, qu’ils le veuillent ou pas, leur liberté individuelle disparaît en face de la « Raison d’état » ou devant la liberté de l’Etat qui donne à ce dernier l’exclusivité de l’usage de la force, à l’intérieur comme hors de ses frontières, pour se faire respecter et pour sauvegarder sa souveraineté, pour protéger sa population. Ces missions de l’Etat ne sauraient disparaître pour faire place à la liberté d’un seul de ses citoyens.
Aux gouvernants comme aux journalistes ivoiriens, et africains en général, nous disons que l’Etat ne saurait être utilisé pour sévir et éradiquer les libertés. Il doit faire la balance ; le juste milieu est conseillé ici. Cependant, les journalistes ne doivent pas voir en cette balance une sorte de faiblesse de la part de l’Etat. Car à la fin de la course, l’Etat sort toujours victorieux.

Enfin, à nos lecteurs, dans l’espoir de recevoir beaucoup plus de suggestions et de critiques de votre part et cela dans le souci de bien vous servir, nous vous disons à très bientôt.

Sylvain de Bogou, Directeur de Rédaction, Le Filament.

Un article paru dans Le Filament N°4

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