mercredi 19 mai 2010

Tidjane Thiam

Premier Noir dans le cercle des géants des assurances mondiales, Premier Noir à la tête de la plus importante multinationale de Grande-Bretagne.


Au tableau d'honneur de ce numéro 5 du Filament, nous vous présentons M. Tidjane Thiam, un chef d'entreprise ivoirien,. Actuellement PDG de Prudential Plc, principale compagnie d'assurance du Royaume-Uni présente aux Etats-Unis, en Asie et en Grande-Bretagne, cet homme mérite de figurer au tableau d’honneur. Parce que, au-delà des controverses et autres accusations dont il est, à tort ou à raison, l’objet, il a, selon l’expression de Charles Bambara, un « destin étonnant ». Jugez-en vous-même.

«Je suis noir, africain, francophone et je mesure 1,93 mètre». Voilà comment cet ex-polytechnicien franco-ivoirien, M. Tidjane Thiam, né le 29 juillet 1962 à Abidjan, se décrit lui-même. Sans oublier que, avec ses petites lunettes et son sourire en coin, il séduit plus d’un. Alors âgé de 40 ans, il travaillait pour le cabinet international d'études McKinsey. Auparavant, il avait été échaudé, contrarié par toutes les difficultés qu'il rencontrait pour trouver un poste à la hauteur de ses compétences et de ses ambitions en France. Pourtant, son CV était censé ne pas laisser les recruteurs indifférents. En outre, non seulement il est issu d'une famille de haut standing, en tant que neveu d’Houphouët-Boigny et fils de l'ancien ministre ivoirien de l'Information (M. Amadou Thiam), mais de plus, il a intégré la crème des écoles française, l'Ecole Polytechnique de Paris, où il a fait un parcours sans faute et décroché un diplôme d'ingénieur civil des Mines de Paris, en étant majeur de sa promotion, en 1986. La même année, il a complété ce parcours, déjà non moins brillant, par un MBA à l'INSEAD. Muni de ces diplômes, il prend une année sabbatique pour suivre le Programme des jeunes professionnels de la Banque Mondiale. Un programme de formation conçu pour attirer les meilleurs jeunes talents de part le monde.

Eu égard à certaines difficultés, liées principalement à la couleur de sa peau, il s’engage dans la lutte contre la discrimination qu'il a personnellement vécue, comme bien d’autres intellectuels ou diplômés africains. Ce combat, il le raconte dans un texte intitulé «Qu'est-ce qu'être français», écrit pour le think-tank «L'Institut Montaigne». M. Tidjane Thiam y relate sa «frustration», quand l'un de ses camarades d'école devenu « chasseur de têtes » lui annonce avoir rayé son nom de la liste «parce que la réponse invariablement était : « profil intéressant et impressionnant, mais vous comprenez…». Il se dit fatigué de heurter sans cesse ce «plafond de verre», image économique qui désigne les difficultés d'une catégorie de personne à accéder à un poste de très haute responsabilité....

M. Tidjane Thiam a débuté sa carrière en 1986 comme consultant chez McKinsey, où il participe, au sein des bureaux de Paris, New York, et des principaux pays de l’Union Européenne, jusqu’en 1994, à des missions de restructuration opérationnelle ou financière, d’acquisition, de fusion internationales et de stratégie pour le compte de grandes entreprises dans les secteurs financier et industriel. En 1989, il a pris un congé sabbatique d’un an pour travailler comme « Young Professional » à la Banque Mondiale, à Washington, dans un programme destiné aux meilleurs jeunes talents de par le monde.

Sa carrière politique

En 1993, il revient dans son pays natal, la Côte d'Ivoire. Expliquant les raisons qui l’avaient conduit à accepter de retourner en Côte d’Ivoire, Tidjane Thiam a confié au Guardian : "C’est très compliqué lorsque vous êtes Africain et que vous vivez dans un pays développé. Vous voyez tous les problèmes qui existent et je dois dire que je me sentais coupable. Je me disais qu’il y avait beaucoup à faire". Et, cette même année où M. Henri Konan Bédié devient le nouveau président de la Côte d’Ivoire, à la suite du décès de Félix Houphouët-Boigny. Alors, Toujours est-il que revenu en Côte d'Ivoire, M. Tidjane Thiam entame une carrière dans la politique, avec là aussi, un parcours exemplaire : Responsable du Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement (BNTD), en 1994 ; Sélectionné, en août 1998, parmi les «100 leaders les plus prometteurs de demain» du Forum de Davos (Young Global Leaders of Tomorrow) ; élu membre du Dream Cabinet en 1999 et du Conseil Consultatif de l'Institut de la Banque Mondiale ; ministre du Plan et du Développement dans le gouvernement de M. Henri Konan Bédié, poste qu’il occupera jusqu'au coup d'Etat de décembre 1999. M. Henri Konan Bédié est renversé tandis que le général Robert Gueï prend le pouvoir. M. Tidjane Thiam est assigné à résidence, puis finalement libéré. Il repart pour Paris et retourne chez McKinsey, puis, en 2002, accepte un poste chez Aviva, en tant que Directeur de la stratégie et du développement. Il opte pour la Grande-Bretagne qu'il dit «très tolérante et extrêmement ouverte... La Grande-Bretagne m’offre le don le plus precieux : l’indifference a ma couleur».

Un homme très talentueux et ambitieux

En 2004, M. Tidjane Thiam est coopté par M. Tony Blair, premier ministre britannique de l'époque, pour être l'un des membres de sa Commission pour l'Afrique, où il avait été très actif. Il saisit cette opportunité pour refermer la parenthèse politique et revenir aux affaires économiques. Chez Aviva, il gravit rapidement les échelons, jusqu’au poste de Directeur Général du premier assureur en Grande-Bretagne. Mais, contre toute attente, il décide de «rétrograder» au poste de Directeur financier chez Prudential, le principal concurrent de Aviva, en septembre 2007. C’était d’autant plus surprenant que, comme l’a écrit le journaliste britannique Gavin Hinks, « M. Tidjane Thiam est à l'évidence quelqu'un de très talentueux et d'ambitieux. C'est clairement quelqu'un qui est pressenti pour le sommet.. Et, puis, ce n'est pas courant. Ça n'arrive quasiment jamais de retrograder, sauf quand les Directeurs dirigent des divisions beaucoup plus petites… ». Gavin Hinks avait également pressenti et écrit : « M. Tidjane Thiam ne devrait pas rester directeur financier très longtemps». M. Hinks avait vu juste. Car, en effet, en octobre 2009, M. Tidjane Thiam est promu Directeur Général de Prudential, devenant ainsi, le premier noir à la tête d'une très grande multinationale de l'indice FTSE 100. La City, l’un des principaux centres financiers du monde, à Londres, est sous le charme et applaudit des deux mains cette promotion. La place financière de Londres a si bien accueilli cette nomination que l’action de la compagnie a fortement augmenté en bourse.
Depuis son arrivée à la tête de Prudential, les choix stratégiques de M. Tidjane Thiam font l'unanimité. Le dernier en date vers l'Asie ne déroge pas à la règle. En effet, sous son impulsion, le groupe Prudential s’est lancé, avec succès, à la conquête du plus gros marché émergent au monde. Quand M. Tidjane Thiam a officialisé le rachat des activités asiatiques d'AIG par une transaction colossale de 35,5 milliards de dollars, la nouvelle a enthousiasmé toutes les places financières, depuis les Etats-Unis jusqu’à l'Asie, en passant par l'Europe. De plus, Prudential a, toujours sous sa houlette, renoué avec les profits en 2009, avec un bénéfice net de 676 millions de livres (environ 755 millions d'euros) sur l'exercice écoulé, contre une perte de 396 millions de livres (493 millions d'euros) un an plus tôt.

Voilà ce qui justifie que notre choix, pour le tableau d’honneur de ce mois, s’est porté, sans hésitation, sur M. Tidjane Thiam, un homme au « talent exceptionnel » reconnu, qui affiche l'un des parcours les plus atypiques de la City et qui demeure aujourd’hui, le premier patron noir d'une très grande entreprise britannique.

Vous comprenez donc que cet homme-là, M. Tidjane Thiam, qui démontre que c’est par le travail et l’expérience que, partout, on peut arriver au bout de ses ambitions et de son rêve, surtout dans les environnements où la valeur intrinsèque du professionnel compte avant tout, est exemplaire. Cet homme-là, M. Tidjane Thiam, est un des rares économistes, spécialiste de l’assurance, noir, à la tête de la plus importante multinationale de Grande-Bretagne. Il jouit d’une réputation mondiale reconnue… Quoique non exempt de reproches, il demeure, de notre point de vue, un modèle de réussite qui peut inspirer la jeunesse. A ce titre, entre autres, M. Tidjane Thiam mérite, bel et bien, de figurer au tableau d’honneur, afin de « contribuer à enlever, de la tête, de notre jeunesse, le doute et toutes sortes de complexes, du fait qu’ils viennent de l’Afrique ou du fait qu’ils sont noirs.

Léandre Sahiri

Article paru dans la rubrique Tableau d'Honneur du Filament N°5



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