mardi 22 juin 2010

Les Africains sont-ils solidaires ?

Le fait que l'Afrique soit le berceau de l'humanité a renforcé cette idée maternelle et généreuse qui confère à l'Afrique, la terre de la solidarité. Ainsi, contrairement à l'occidental, qui dit-on, possède a priori une culture individualiste, l'Africain est guidé par l'idée suivante : « quand y en a pour un, c'est que y en a pour tous ». Cependant, de la sphère sociale et politique, en passant par l'aspect économique, l'Afrique aujourd'hui semble s’éloigner des valeurs de solidarité. Les inégalités sont énormes, la pauvreté s’accentue… L’indifférence est quasi glaciale. Alors, cette solidarité africaine est-elle un mythe ou une réalité ? Autrement dit, les africains sont-ils vraiment solidaires les uns des autres ?
Lorsqu’on la dépouille de toute considération émotionnelle, cette question dévoile une réalité de notre vie sociale moderne qu’il faut analyser, avec sérieux et méthode, en termes de critiques objectives et honnêtes, et en se gardant de toute méprise.

La solidarité est-elle, en réalité, une vertu africaine ?

Je dirai d’emblée que c’est à tort qu’on présente souvent la solidarité comme une vertu africaine, et qu’on considère l’individualisme comme un vice occidental. Si les pays occidentaux passent aujourd’hui pour être des terres d’individualisme, c’est avant tout parce qu’ils ont compris la nécessité d’organiser la chaîne de la solidarité à l’échelle nationale. Et ce, pour libérer les individus des soucis matériels de leurs parents et de leurs proches afin qu’ils travaillent à leur propre développement et à celui de leur pays.
C’est une tendance étatique qui amène les citoyens des pays occidentaux à se tourner vers l’Etat, organisateur de la solidarité, pour réclamer des aides dès qu’ils rencontrent une difficulté. Mais, on commet une lourde erreur à croire que la distension des relations interindividuelles en Occident est synonyme d’absence de solidarité. Toute personne qui y travaille contribue, par ses cotisations sociales, à la prise en charge des exclus et des fragiles de la société (chômeurs, malades, invalides, personnes âgées, etc.). Et, chaque salarié est soumis à ce mode de fonctionnement, parce que nul n’est à l’abri de l’exclusion ou d’une période de fragilité. Mais, en plus de la solidarité organisée à l’échelle nationale, la promptitude des Occidentaux à venir en aide à d’autres peuples dès qu’une catastrophe survient est révélatrice d’une culture de la solidarité qui n’a rien à envier à l’entraide mutuelle telle qu’elle se pratique en Afrique. Les guerres, les famines, les inondations et les épidémies, etc. offrent régulièrement l’occasion de prendre la mesure de la solidarité dont les pays occidentaux sont capables.

Envers et revers de la solidarité en Afrique

En Afrique, en revanche, l’entraide mutuelle supplée les carences des Etats, en matière de protection sociale. Plus on continuera d’ignorer cette réalité en Afrique, plus la culture du « tout parent » ou du « tout ami » s’enracinera, empêchant du même coup la libération indispensable des énergies individuelles en vue du développement du pays tout entier. Comment des citoyens pourraient-ils, en effet, investir et maîtriser leur compte financier s’ils n’ont pas d’allocations ou aides de l’Etat, s’ils doivent sans cesse répondre à des sollicitations diverses et aussi urgentes les unes que les autres ? Il est d’ailleurs significatif de constater que ceux qui s’en sortent, en Afrique, sont généralement critiqués pour leur supposée pingrerie.

Ce qu’on appelle communément «la solidarité africaine» est, au mieux, une entraide mutuelle qui s’exerce essentiellement dans le cadre des liens parentaux ou amicaux. Au pire, c’est une connivence mortifère qui a pour mot d’ordre : « A mort, ceux qui ne connaissent personne » C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics sous nos tropiques sont incapables de résoudre les problèmes d’intérêt national. Car, aussitôt nommés, leurs différents responsables font l’objet de sollicitations diverses de la part de parents proches ou éloignés, vrais ou supposés. Et, lorsqu’on n’a pas de lien de parenté permettant d’acquérir ou de sauvegarder quelque intérêt, on recourt à un réseau d’amitié de type très mafieux. Nous voilà de plain-pied dans la corruption qui gangrène notre administration !
A la vérité, on se doit de reconnaître que, les Africains n’ont pas plus le monopole de la solidarité que les autres peuples n’ont celui de l’individualisme. Brandir la solidarité comme une vertu typiquement africaine, c’est fermer les yeux sur la léthargie de nos Etats africains en matière de protection sociale.
Serge Grah
(Journaliste, Ambassadeur Universel pour la Paix).
serge_grah@yahoo.fr

Un article paru dans la rubrique sous l'art à palabre du Filament N°5



1 commentaires:

Affordable Pub tables a dit…
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