mercredi 18 janvier 2012

Épître de Youssouf Bakayoko aux Africains

Africains, Africaines,

Je suis Youssouf Bakayoko, apôtre de la Françafrique, par la volonté de l’empereur Sarkozy.

Je rends grâce à notre Dieu, le Coq gaulois qui m’a mis à part, pour protéger la marche triomphale de son fils Ouattara vers une destination que moi-même ignore.

Je suis né à Bouaké en 1943, j’ai eu un cursus scolaire normal, J’ai obtenu une licence de lettres à l’université de Paris X. Je suis diplômé de l’Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN) et j’ai bénéficié d’une solide formation en diplomatie, en droit et en économie. Mes parchemins montrent bien que je mérite d’être un apôtre du Coq gaulois.

Parmi tous les apôtres de la Françafrique, je suis certainement celui dont le zèle et la servilité sont connus par-delà nos frontières. Il est vrai que la prouesse que j’ai réussie, en déclarant Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle de 2010, est certainement à l’origine de la tragédie qu’a vécue la Côte d’Ivoire. Mais, que ne ferais-je pas pour plaire à mon clan, au gouverneur de la Françafrique et au Coq gaulois, notre dieu bien-aimé ? J’ai entendu dire que d’aucuns murmurent parmi vous et qu’il y en a d’autres qui dénoncent mes pratiques. Je me dois de rassurer les uns et les autres que je n’ai rien fait qui ne soit en dehors de la mission qui m’a été assignée. J’ai été décoré devant toute la nation étonnée pour le tour de prestidigitation que j’ai réussi à faire, au mépris des règles élémentaires qui régissent l’institution que je dirige et au mépris de notre Loi Fondamentale.

Oui ! Je suis bien Youssouf Bakayoko, ce monsieur qui, à la télévision nationale, affirmait, en défiant le bon sens, qu’il n’était pas encore minuit alors que la distance qui séparait ma déclaration à cette heure était on ne peut plus brève. Oui ! C’est bien moi Bakayoko qui ai servi au monde entier un autre taux de participation au deuxième tour de l’élection présidentielle, alors que même les médias occidentaux clamaient que le taux avait baissé de façon drastique, en raison de l’abstention de nombreux militants du PDCI dans leur bastion. Oui ! Comme un magicien, c’est bien moi qui ai réussi le tour de servir un taux faux, juste pour justifier le score que j’ai attribué au fils de l’empereur, notre gouverneur bien aimé.

Alors, je vous en prie, cessez de murmurer et soutenez moi, car ma mission demande beaucoup d’indignité et de compromission.

Pour les législatives, de nombreux Ivoiriens, même ceux de notre clan, ont naïvement pensé que cette fois-ci, avec la flagrance des abstentions massives, je serais, moralement, obligé de communiquer le véritable taux de participation qui ne dépasse pas 15%. Même France 24, notre griot international, a parlé de « désert électoral », tant les images que cette chaîne a diffusées étaient criantes de la vérité de la situation. La RTI orange, notre RTI version « républicaine », elle aussi, a évoqué « ce désert électoral ». Les différents reportages dans toutes les villes convergeaient dans le même sens : le taux de participation était violemment faible.

Mais, c’était oublier que je suis l’un des héros de la guerre contre la légalité constitutionnelle. Et, de ce fait, il était logique que je ne me contredise pas, moi qui avais déclaré « Alassane Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle », malgré les fraudes massives enregistrées au nord et dénoncées par quelques malheureux observateurs nègres. Avec le zèle qu’on me connaît, une seconde fois, j’ai procédé au gonflage du taux de participation, réussissant même l’exploit de surpasser le taux des législatives de 2000.

Fraudes, tricheries, manipulations, intimidations…, tels sont les mots qui ont dominé les plaintes fusant ici et là. Ces plaintes ne venaient point des candidats FPI, mais bien de nos alliés du RHDP, le PDCI, le MFA et l’UDPCI. Ne croyez pas que ces plaintes ne me dérangent pas. Elles me perturbent ; mais, ma noble vocation n’est ni de dire la vérité, ni de respecter la loi. C’est pour cela que j’accepte, avec une torture quotidienne, les étiquettes de « tricheur avéré» ou de « fraudeur professionnel » qu’on me colle. Et, ce qui me tranquillise est que les colères, pourtant justes des candidats MFA, UDPCI et PDCI, ne franchiront pas le stade des jérémiades d’esprits frustrés. Leurs leaders, qui se sont compromis, se sentent obligés de continuer leur plongée avec nous jusqu’à la lie.

Moi Bakayoko, apôtre de la Françafrique, mis à part pour œuvrer à l’avènement du nouvel ordre mondial, je suis prêt à tout pour accomplir ma mission. Oui, j’ai annoncé au monde que le taux de participation aux législatives tournait autour de 36%. Sûrement que mon jeune frère Hamed avait sursauté lorsqu’il a entendu ce chiffre. En effet, c’est bien lui qui, reconnaissant la faiblesse de ce taux, devant les cameras de France 24, a dit que l’enjeu était que l’élection s’est déroulée dans un climat de paix et de sérénité. C’est bien lui qui répondant au journaliste français a dit : « oui, il n’y a pas eu une grande influence ». Evidemment, je n’ai pas apprécié la précipitation avec laquelle il a reconnu la petitesse du taux de participation. Mais, je le comprends, Hamed est jeune et n’a pas encore la maturité qui est la mienne.

Je remarque que, malgré le gonflage du taux de participation, les Ivoiriens ont gardé le silence. De mauvais esprits disent que ce silence est ici synonyme de dépit et de mépris ; car, souvent, le silence est plus fort que les paroles. Mais, moi je suis un Bakayoko et je n’ai que faire de leurs états d’âme. Le plus important est que le gouverneur soit content de moi et que notre dieu, le Coq gaulois, soit contenté. Ce dernier d’ailleurs m’a donné un coup de fil pour me féliciter chaleureusement.

Chers amis qui rêvez de jouir des délices découlant du service des maîtres du monde, je vous conseille de marcher sur votre honneur, de sacrifier votre dignité, de piétiner vos scrupules.

Vous savez, les maîtres de ce monde adorent les Nègres comme moi.

Les Nègres sans personnalité.

Les Nègres malléables à souhait.

Les Nègres abonnés à la couardise et à la poltronnerie.

Les Nègres prêts à tout pour assouvir leurs intérêts égoïstes.

Dans quelques mois, nous irons aux élections municipales. Et, Dieu seul sait ce que je réserve au monde, si je suis toujours à mon poste. Soyez sûr d’une chose : je suis libre de donner les chiffres que je veux ; le plus important est que je satisfasse ceux que je sers.

Si quelqu’un d’autre vient vous prêcher un autre évangile, je vous demande de le rejeter, de le lapider. Ceux qui prêchent la souveraineté et la liberté, ceux qui clament partout la nécessité de conserver les richesses de l’Afrique aux Africains ignorent que leur combat est perdu d’avance. Il n’y a qu’un seul dieu : le Coq gaulois. Il n’y a qu’un seul sauveur : Ouattara.

Que les maîtres du monde qui se battent tous les jours aux prix de milliers de vie d’Arabes et de Nègres aient pitié de nous et qu’ils nous jettent quelques miettes afin que nous ne mourions de faim et de soif.

Africains, Africaines,

voilà ce que je tenais à partager avec vous, surtout avec ceux qui n’ont pas encore compris que c’est en servant les intérêts des impérialistes des maîtres du monde que notre continent pourrait recueillir pour notre développement, quelques dividendes, aussi maigres qu’elles soient, du nouvel Ordre Mondial en construction. Je vous remercie.

Youssouf Bakayoko, président de la CEI.

Macaire Etty 

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