S’il y a bien une spécificité africaine dans la gestion de la chose publique, il semblerait que ce soit l’absence de responsabilité de la plupart des citoyens. Cet état d’esprit généralisé, qui finit par faire partie de nos habitudes les plus élémentaires, semble induit par les comportements et représentations de la gestion du pouvoir et du service public de nos dirigeants politiques, économiques et administratifs.
De fait, toutes les conduites et surtout l’état d’esprit des autres acteurs à responsabilités de nos démocraties en recherche de repères, sont calqués sur celles de leurs responsables hiérarchiques directs. Lorsqu’un chef de service, par exemple, n’est présent à son bureau qu’en début d’après midi pour repartir après 3 ou 4 heures passées à gérer les affaires de l’Etat, comment peut-il reprocher à ses collaborateurs de faire de même ? Avec le temps, les habitudes s’installent et deviennent la normalité à suivre et à appliquer.
Partout sur le continent, le constat est toujours le même, avec une certaine banalisation du sens de responsabilité, tant individuelle que collective. De manière totalement naturelle et normale, cet état d’esprit se retrouve à tous les niveaux de la société. Cela devient alors tout à fait ordinaire, voire même légitime, que les forces de l’ordre rackettent et volent les populations qu’elles sont sensées protéger. Dans les hôpitaux publics, vous êtes pauvres, votre espérance de vie se trouve alors fortement menacée. Et cela, sans rendre de comptes à personne. Vous êtes mort par manque de soins et de considération pour la vie humaine ; et après ? Qui va demander une enquête pour savoir les raisons de votre décès ? Ceux-là mêmes qui devraient le faire sont préoccupés par la construction de leurs palais et de ceux de leurs nombreuses maîtresses, ou comment faire pour être ministres afin d’être encore plus riche. Alors penser à ce pauvre qui est mort sans considération et sans soins, c’est trop demander.
Personne n’est responsable de rien et c’est tout à fait normal.
A l’école, dans les collèges jusqu’à l’université, l’absence de responsabilité de nos enseignants et des dirigeants de nos établissements est aussi flagrante. Les enseignants accusent les autorités publiques de ne pas assumer leurs responsabilités, en ne favorisant pas un environnement propice à de meilleures conditions, tant pour les élèves et étudiants que pour les professeurs. Là encore, c’est normal, il y a bien longtemps que nos responsables politiques et administratifs et même nos professeurs ne savent plus ce qui se passe dans nos écoles. Pour cause, leurs enfants n’y vont plus. Ils sont, soit dans les établissements français, américains ou autres, soit le plus souvent, ils sont à l’étranger. Là par contre, ils assument leurs responsabilités vis-à-vis de l’avenir des leurs progénitures. Les pauvres n’avaient pas à être pauvres, et ainsi va la vie en Afrique...
Dans la vie de tous les jours, ce sont souvent les gouvernants eux-mêmes qui empoisonnent leurs propres populations, en déversant des déchets toxiques à proximité des lieux d’habitation de ceux qu’ils sont sensés protéger. A leur tour, les populations transforment leurs lieux de résidences en décharges publiques. Puisque l’Etat donne l’exemple, pourquoi faire autrement ? Les caniveaux deviennent l’endroit où il faut déverser les ordures. Là encore, le sens des responsabilités fait défaut dans la préservation de la santé de toute la famille. A défaut, on les jette dans la rue, devant l’entrée de la maison, parfois même, on fait les fêtes au milieu des déchets. Dans les maquis et autres restaurants, c’est le même constat de désolation. Ça ne gêne personne, puisque personne n’est responsable de cet état de fait. Surtout pas nos dirigeants qui, pour ne pas les voir, circulent tous dans de très gros 4x4 aux vitres teintées.
Dans certains quartiers populaires, beaucoup de poteaux électriques en métal sont transformés en casseroles ou en autres choses à vendre. C’est normal, l’essentiel est que nos dirigeants soient éclairés dans leurs quartiers chics. Pis encore, pendant que les populations souffrent de famine, sont confrontées à un chômage endémique, à la pauvreté et autres, c’est encore le chef d’Etat, qui au lieu de leur venir en aide, leur distribue des armes pour aller se battre, s’entretuer, pour qu’il ne perde pas son pouvoir en dépit de sa défaite par les urnes.
Tout le monde veut être chef, commander, diriger, être vu, mais surtout avoir de très grosses rémunérations afin d’afficher encore plus son sentiment de réussite et de pouvoir. Mais, il n’y en a pas beaucoup qui veulent assumer leurs devoirs en donnant l’exemple par la rigueur, le travail et le sens des responsabilités.
Macaire Dagry
Source : La voix du Golf
Paru dans le Filament N°19
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