jeudi 8 mars 2012

La dévaluation du franc CFA est le gilet de sauvetage d’une France en péril

Les conséquences liées à la perpétuation de la politique de dépendance des pays africains sont notoires. Manque de compétitivité, dépendance vis-à-vis de l’économie française, dépendance vis-à-vis de l’armée française sans oublier la politique d’ouverture en faveur des entreprises privées françaises. Il existe toutefois des différences plus subtiles.
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Les entreprises françaises en Afrique francophone, grâce à leur position protégée de monopole ou d’oligarchie, contribuent, de manière substantielle, au PNB de ces pays. Mieux encore, elles sont souvent les seuls gros contribuables. Dans nombre de ces pays, les entreprises françaises contribuent pour plus de 50% aux recettes fiscales nationales. Ce qui leur donne un statut particulier. Il n’est donc pas rare d’entendre les Français clamer que, sans leurs entreprises, les économies africaines tomberaient en ruines. Lorsqu’on considère qu’en outre, ces pays n’ont nullement accès à leurs réserves en devises, cette affirmation est sans aucun doute fondée. Cela ne signifie pour autant pas que des entreprises d’autres pays, tels que les Etats-Unis et la Chine, seraient incapables de contribuer autant, mais simplement que les Français deviennent frileux lorsqu’il s’agit d’ouvrir ce marché à la concurrence.

Cinquante ans après les indépendances, le France garde la mainmise sur la plupart des infrastructures et compte dans ses réserves en devises les fonds des 14 pays de la zone franc. Les sociétés de transport aérien, de télécommunications, d’eau et d’électricité, de même que les grandes banques sont françaises. Les accords de coopération signés après l’indépendance par le président Félix Houphouët-Boigny et le premier ministre français de l’époque, Michel Debré, restent aujourd’hui techniquement applicables. La France maintient son étau sur le commerce et la monnaie de la Côte-d’Ivoire, ce qui continue de réduire à néant des initiatives nationales pour l’indépendance. 

Cette position privilégiée de la France a été confirmée par un rapport des Nations Unies. « Les témoignages rassemblés nous ont également permis de constater qu’il existe un lien entre la loi de 1998 sur la pauvreté en milieu rural et la position dominante de la France et les intérêts français en Côte-d’Ivoire » [Traduction].
Les mêmes sources indiquent que les Français sont propriétaires de 45% de la terre en Côte-d’Ivoire. Pire encore, les bâtiments de la Présidence de la République et de l’Assemblée nationale de Côte-d’Ivoire font l’objet de contrats de bail avec la France […]

Pourquoi dévaluer le franc CFA?

La France est en faillite. Elle croule sous le poids d’une dette publique et bancaire énorme. C’est le pays de la zone euro le plus exposé  à la dette grecque et italienne, entre autres. Et la France s’est engagée dans un nouveau plan d’austérité. Sa cote de solvabilité  est sur le point de perdre son statut de triple A et les banques privées devront subir une importante décote de leur dette au sein de l’Europe. Les énormes dépenses engagées dans la guerre en Libye ont englouti la majeure partie de son budget annuel. Et si elle a tenu le coup jusqu’ici, c’est grâce au coussin que lui offre les dépôts de réserves effectués au Trésor français depuis 1960 par des pays africains. Beaucoup de ces réserves existent aussi bien sous forme d’actions au nom du Trésor français que d’obligations ayant compensé et garanti un nombre important d’emprunts d’Etat français.  

Les pays francophones d’Afrique se rendent de plus en plus compte qu’ils risquent de ne plus jamais rentrer en possession de leurs avoirs accumulés dans le Trésor français qui les a lourdement hypothéqués sous forme de contributions de la France à plusieurs plans de sauvetage de l’économie européenne. Wade du Sénégal a une fois encore demandé  des comptes. Et personne n’est prêt à lui en donner. Alassane Ouattara de Côte-d’Ivoire et Denis Sassou-Ngesso du Congo Brazzaville ont été persuadés de la nécessité de dévaluer le franc CFA et chargés d’en informer leurs pairs africains. De l’avis des économistes, une telle dévaluation permettrait de soulager la France d’environ 40% du poids de sa dette et de donner une nouvelle marge de manœuvre au Trésor français.  

Par contre, une telle mesure aura des effets dévastateurs sur l’Afrique. Les pays de l’Afrique francophone avaient souffert énormément lors de la dernière dévaluation, exception faite des présidents et de leur entourage. La dévaluation est avantageuse si l’on a des produits à exporter, car elle rend les exportations relativement moins coûteuses. Or, la plupart des pays francophones d’Afrique n’ont que les matières premières et le pétrole à exporter. Les produits manufacturés, les services et biens immatériels proviennent presque tous de la France ou transitent par elle.
Les denrées alimentaires sont importées hors de l’Afrique et leurs prix autant que les coûts de transport augmentent de jour en jour. Des signes d’inflation étaient déjà perceptibles en début d’année. Le taux d’inflation en Afrique de l’ouest a grimpé à  4,1% en janvier, alors qu’il était de 3,9% le mois précédent. Cette progression de l’inflation dans les huit pays de la zone UEMOA, qui utilisent le franc CFA rattaché à l’euro, était essentiellement due à l’augmentation des coûts des denrées alimentaires, des transports, du logement et des communications. Le taux d’inflation moyen est passé de 0,4% en 2009 à 1,4% en 2010 ; une augmentation justifiée par la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires […]
Malgré  cela et en dépit de la pauvreté qu’entraînera la dévaluation annoncée, peu de présidents africains sont prêts à renoncer au Pacte colonial et arrêter les énormes dégâts causés par le néo-colonialisme français dans la région. Si la France a dilapidé ses fonds et a trop embrassé dans la dette européenne et dans la destruction de la Libye, il n’appartient certainement pas aux Africains de payer la note de telles aberrations.
 
Dr Gary K. Busch

Traduit de l’anglais par Constantin D. Lebogo

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