Tout le monde le sait,
le meeting du Front Populaire Ivoirien (FPI) qui a eu lieu, le samedi
21 janvier 2012, à la place Ficgayo, à Yopougon a été
perturbé et n’a pu aller à son terme. L’interruption brusque
est le fait de violentes attaques perpétrées contre les militants
du FPI qui entendaient marquer, en fanfare, leur retour dans la vie
politique ivoirienne, en tant que leader de l'opposition.
En effet, la fête
avait à peine commencé que des jets de pierres mêlés
à des gaz lacrymogènes sont venus perturber le meeting. Selon
toute vraisemblance, il s’agissait précisément de gros cailloux
lancés par de jeunes militants du RDR, le parti du président Alassane
Ouattara, venus intimider ceux qui soutiennent Laurent Gbagbo. Ces agresseurs,
des individus se réclamant d’Alassane Ouattara et du Rassemblement
des républicains (RDR), sont parvenus à faire fuir la foule, affolée
par ces pierres qui s'écrasaient jusque sur le podium.
Cette attaque qui a
fait des morts et des blessés soulève une multitude de questions que
beaucoup de personnes se posent. C’est pourquoi, comme à mon habitude,
je vais me permettre de poser ces questions et dire ce que je pense.
La première interrogation
porte sur l’opportunité et le bien-fondé de cette manifestation :
sachant que le pays vit dans l’insécurité totale, vu que beaucoup
de jeunes ont déjà été tués précédemment dans de telles manifestations,
y compris dans le bouclier humain, était-il vraiment nécessaire et
utile d’organiser ce meeting ?
La deuxième interrogation
porte sur les conditions d’organisation : étant donné que M. Ahmadou
Soumahoro, secrétaire général du RDR, au lendemain du premier meeting
du FPI à Koumassi le 4 septembre 2011, avait déclaré publiquement
son désir d`empêcher par tous les moyens les meetings de l`opposition
qu`il a qualifiés d`insurrectionnels et d`arrogants, étant donné
que le RDR reproche au FPI d’avoir refusé de "saisir la main
tendue par le pouvoir", étant donné que le ministre de l'Intérieur,
M. Hamed Bakayoko n’avait donné son accord pour la tenue de ce meeting
que, après plusieurs négociations et tergiversations, avait-on pris
toutes les mesures et toutes les dispositions utiles pour parer à toutes
éventualités, du moins pour ne pas tomber dans le piège du pouvoir ?
La troisième question
concerne le cadre choisi pour ce meeting : Comment, pour une rencontre
d’une telle envergure et d’un tel enjeu, s’est-on limité à
un espace ouvert à tous les dangers, au lieu d’un stade ou autre
terrain clôturé ? La place Ficgayo est un espace grandement ouvert
où l’on célèbre généralement des funérailles et des bals populaires ;
c’est un espace qui, au contraire d’un stade ou d’une salle de
cinéma, n’offre aucune garantie de sécurité. A-t-on eu idée et
conscience de livrer les militants et sympathisants du FPI, en bétail,
pieds et poings liés, à la hargne et à la folie meurtrière des forcenés
du RDR ? S’est-on imaginé un seul instant que le pire aurait pu survenir,
comme par exemple l’élimination physique des dirigeants du FPI ? Et
là, nous n’aurions eu que nos yeux pour pleurer. Là
-dessus, il faut saluer l’attitude responsable du PDCI qui, cette
fois-ci, ne s’est pas allié au RDR dans cette manœuvre diabolique
mettant en mal les principes démocratiques et confirmant, une fois
de plus, la nature tyrannique du régime d’Alassane Ouattara. Cette
attitude de retrait du PDCI montre-t-elle que les dirigeants de ce parti
ont compris qu’il est irraisonné et dangereux d’accompagner le
diable qui prend le parti de détruire nos propres parents et de brader
nos ressources et la terre de nos ancêtres ? Les dirigeants du
PDCI ont-il enfin jeté le voile qui couvrait leurs yeux, en ce qui
concerne les motifs et les mobiles qui sous-tendent leur accointance
avec le RDR, dans le cadre du RHDP mis en place par M. Alassane Ouattara
pour parvenir à ses fins...
De tout ce qui précède,
il ressort que, désormais, nous devons savoir raison garder, dépassionner
le débat. Nous devons éviter les positions de courte vue. Nous devons
nous comporter en êtres intelligents et pensants. Nous devons
éviter de traiter les militants en « bêtes à visage humain » et les
mener à l'abattoir inutilement, je veux dire : pour rien. A quoi a servi
et devait servir le meeting de Yopougon, très franchement? A-t-on imaginé
ce qu’aurait pu arriver si les militants du FPI étaient déterminés
et suffisamment armés pour la riposte à cette agression?
Dieu nous a donné
notre tête, pas seulement pour porter les cheveux, mais aussi pour
réfléchir. Or, nous utilisons très peu notre tête pour cette deuxième
fonction, hélas! C'est le malheur de l'Afrique. Comment organiser un
meeting sur un terrain à ciel ouvert alors tout le monde sait
qu'il y a l'insécurité? Comment les dirigeants du FPI peuvent-ils
nous convaincre qu’on ne pouvait pas se passer de ce meeting? Et qu’avons-nous
obtenu de ce meeting, si ce n’est des morts et des familles endeuillées,
des handicapés à vie et que sais-je encore. C’est tout
simplement malheureux !
Avant d'accuser le
RDR, accusons-nous nous-mêmes d'abord, ayons le courage de faire notre
auto-critique et notre mea culpa, reconnaissons nos égarements et dérèglements
de cette espèce, lesquels nous ont menés là où nous sommes
aujourd'hui, y compris avec des milliers de morts, des leaders en exil
et en prison, un régime anti-démocratique, etc. C'est là
que je suis d'accord avec Mme Danièle Claverie : changeons de manière
d'être et de faire la politique.
Quoiqu'il m’en coûte,
c’est ce que je pense...
Paru dans Le Filament N°19
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