jeudi 24 juin 2010

Les dirigeants africains : responsables ou irresponsables?

Il faut, pour rappel, dire que, depuis le 20 Avril 2010, suite à l’explosion accidentelle sur une plate-forme pétrolière de la compagnie BP (British Petroleum), des tonnes de matières pétrolières sont déversées sur les côtes américaines de la Louisiane. Ce sont environs 15,9 millions de litres de pétrole qui fuient quotidiennement dans le Golfe du Mexique. Cette situation a provoqué une grave catastrophe écologique qui a entrainé de nombreuses pertes de vies humaines au sein des populations locales, en plus des 9 travailleurs de la compagnie BP ayant péri dans l’accident.

La responsabilité de M. Barack Obama face à la catastrophe qui frappe son pays

Sans délai et sans détour, M. Barack Obama a affirmé, en des termes prompts, vigoureux et forts que BP devra payer, dans sa totalité, pour les travaux de nettoyages des côtes, ainsi que pour les dommages causés par l’accident. Et, comme si cela ne suffisait pas, les responsables de BP devront répondre à une série d’interrogatoires devant le Congres américain, non seulement pour fournir des détails sur les conditions de travail et de sécurité en vigueur au moment de la catastrophe, mais aussi et surtout pour situer les responsabilités des uns et des autres dans l’accident.
Il est donc très certain que, à la fin de la procédure d’explication entamée par le Congrès, non seulement l’ardoise à payer par BP risque d’être très lourde, mais très certainement de nombreuses têtes dans l’élite dirigeante de BP tomberont. Le président des Etats-Unis d’Amérique, M. Barack Obama n’est pas passé par quatre chemins pour sommer la compagnie pétrolière BP (British Petroleum) à payer la totalité des frais pour le nettoyage, pour les dégâts d’ordre écologique, pour indemniser les gens qui ont perdu leurs commerces et autres biens personnels, ainsi que pour d’éventuelles intoxications de personnes dans l’écoulement de la plate-forme pétrolière aux larges des Etats-Unis dans le golf du Mexique.
Le journal français Le Figaro, dans sa livraison en ligne du 4 Mai 2010, rapporte clairement les propos du président des Etats-Unis en ces termes : « Que les choses soient bien claires : BP est responsable de cette fuite. BP paiera ».
Le 1er Mai 2010, Paris Match, un autre journal français, a fait, quant à lui, écho des sentiments du président Obama face à la catastrophe qui frappe son pays, en ces thèmes : « M. Barack Obama semble avoir compris l’ampleur du drame écologique qui se noue dans le sud de son pays. Le gouvernement américain intensifie ses efforts pour prévenir au maximum la catastrophe environnementale de la gigantesque marée noire qui a atteint les côtes de la Louisiane, et menace la faune et la flore de cette réserve naturelle ».


Les dirigeants africains et la gestion des crises

Sous d’autres cieux par contre, la gestion des crises similaires, c’est le cas de le dire, se fait avec légèreté, amateurisme, inconscience et mépris vis-à-vis des populations et des victimes. Arrêtons-nous au cas singulier de la Côte d’Ivoire où, il n’y a pas si longtemps, nous avons vécu un scandale similaire, voire plus grave.
Rappelons, en effet, que c’est aux environs du 19 août 2006 que les populations de la capitale ivoirienne (Abidjan) se sont réveillées avec une puanteur inhabituelle. Ce qui, pour certains, devrait passer pour une mauvaise odeur, comme la ville en connaît depuis quelques temps déjà, va hélas ! se révéler être un des plus gros scandales de l’histoire de ce pays. Scandale orchestré, planifié et mis en exécution par des individus de mauvais acabit, internes et externes à la Côte d’Ivoire. Leur plan diabolique ayant réussi, ce fut plutôt aux populations locales d’en payer le prix fort. En effet, 528 tonnes de déchets hautement toxiques venaient d’être déversées dans les décharges publiques, à plusieurs endroits à Abidjan et sa banlieue. Résultat : les hôpitaux ont enregistré des milliers de consultations, suite à l’intoxication des populations. On a déploré même des morts d’hommes, de femmes et d’enfants, sans parler des effets pervers sur l’écologie des zones concernées, pour de nombreuses années à venir…

Ici, où l’acte ignoble du déversement des déchets toxiques sur le territoire ivoirien fut délibéré et savamment orchestré par des actions concertées d’une cohorte d’individus avides de gain facile, c’est aussi le cas de le dire, l’on a observé un mutisme total de la part de la classe dirigeante ivoirienne, hormis quelques réactions et actions de revendication, plus ou moins sporadiques de quelques personnes ayant perdu un ou des proches.
Et ce qui est pire, c’est que les nombreuses pertes de vies humaines et la gravité de l’acte ont été reléguées au second plan des préoccupations pour faire place au protectionnisme d’intérêt politicien malpropre. En effet, en lieu et place d’actions concertées pour faire payer tous ceux et toutes celles qui, de près ou de loin, auraient contribué à la violation de la sécurité du territoire ivoirien, les dirigeants ivoiriens ont plutôt choisi de protéger leurs accointances politiques au détriment de l’intérêt général. Si tel n’était pas le cas, comment comprendre que les autorités ivoiriennes, y compris le président la république ivoirienne lui-même, n’aient pas pris, à-bras-le-corps, la gestion d’une telle affaire si sordide et si puante, pour la traiter comme il se devait, c'est-à-dire pour faire payer, au prix fort, toutes les personnes et institutions internes et externes, qui, d’une manière ou d’une autre, y sont impliquées. Comment comprendre que les autorités ivoiriennes n’aient pas pu être préoccupées ni du sort des populations qui les ont portées au pouvoir, ni de la violation de la souveraineté du territoire de la Côte d’Ivoire?

Pire ! Il est même apparu que les autorités ivoiriennes ont préféré la protection de certains agents de l’état et des autorités locales qui ont en charge la gestion de la ville d’Abidjan, notamment le Maire et son Conseil municipal, la Direction de la Douane, la Direction du Port d’Abidjan, la Direction de la Police frontalière et tous les services annexes, les Ministres de l’intérieur, de la sécurité, de la défense, etc.
De ces faits, il est difficile de ne pas admettre que, sans l’aval d’un certain nombre de personnalités influentes en Côte d’Ivoire, une seconde « opération » de déversement des déchets toxiques à Abidjan n’aurait eu aucun succès. Il est aussi tout à fait légitime de se demander si l’opération dont il est question n’était pas une activité lucrative courante de ces commanditaires dont la dernière livraison aurait mal tourné?
En tout cas, on est en droit, n’est-ce pas, de se demander finalement pour qui travaillent toutes ces autorités en Côte d’Ivoire ? Pour le peuple ou pour des intérêts occultes ? Reste à savoir...
Aux Etats-Unis, M. Barack Obama a réagi avec véhémence ; car, il est conscient que sa position actuelle, il la doit au peuple et que cette même position, il peut la perdre, aux élections à venir, si telle est la volonté de ce peuple-là. En est-il de même en Afrique, et singulièrement en Côte d’Ivoire? C’est moins sûr.

Des leçons à tirer

Aux Etats-Unis, BP doit payer et même payer très cher. Aux Etats-Unis, le président a parlé avec autorité et fermeté, de concert avec les élus du peuple qui siègent au Congres américain. Aux Etats-Unis, il a été décidé de passer au peigne fin les circonstances de l’accident et de situer les responsabilités des responsables de BP dans le désastre qui a coûté la vie à 9 travailleurs ; et, personne ne doute que des têtes, et non des moindres, risquent de tomber avant la clôture des auditions. Aux États-Unis, on dit tout simplement : « tenter, regretter ».
Par contre, en Côte d’ivoire, l’Assemblée Nationale, qui est, pourtant, l’émanation du peuple, est restée une grande muette. En Côte d’ivoire, la politique a eu raison sur la justice. En Côte d’ivoire, la souveraineté du pays a été bafouée et, comme si de rien n’était, les commanditaires de cet acte crapuleux continuent de circuler librement, tranquillement, aisément, dans l’inconscience et l’indifférence générales, comme si la vie d’un Africain ne vaut pas la peine d’être protégée, sécurisée, défendue, magnifiée, célébrée. En tout cas, ici en Côte d’ivoire, comme dans d’autres pays africains, le mal a été bel et bien fait, et on a dit : « ya fohi, on avance ».
N’est-il pas temps, grand temps, qu’on se réveille de ce long sommeil ?

Adjé Kouakou Producteur et Présentateur de l’émission AMANIEN. Voice of Africa Radio à Londres.

Un article paru dans la rubrique Amanien du Filament N°5




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