lundi 27 septembre 2010

Côte d’Ivoire : A propos de l’inquiétante montée de la fièvre de la politique du ventre

Les élections présidentielles en Côte d’Ivoire ont engendré un phénomène qui semble normal, mais qui, en réalité, n’est que le bout de l’iceberg de la souffrance et de la facilité devenues le lot de la population. Il s’agit des groupes de soutien aux différents candidats.

En fait, ce phénomène a commencé sous Houphouët Boigny. En son temps, M. Houphouët Boigny utilisait de gros moyens pour « houphouëtiser » la conscience nationale. La corruption, l’emprisonnement des opposants vrais ou faux ; les parents des opposants n’échappaient pas à la poigne en fer de Boigny. Les parents de certains opposants étaient jetés en taule pour signifier qu’ils ont mal éduqué leurs enfants, au point que ceux-ci ont le culot de critiquer Boigny, l’omnipotent et l’omniscient qui, au demeurant, se comparait à Jésus, à Socrate et à Mahomet. C’était donc sa façon à lui, M. Houphouët Boigny, de « rééduquer », en quelque sorte, ces enfants qui ont « dévié » ou « fauté ». M. Houphouët Boigny avait tout le pays dans sa paume. Depuis les délégués PDCI et chefs de villages jusqu’aux parlementaires, en passant par les notables, les préfets et les sous-préfets et les ministres. C’était bien cela, « la démocratie à l’ivoirienne ». Sous M. Houphouët Boigny, toute personne qui refusait de payer pour acquérir sa carte de membre au PDCI était systématiquement arrêtée. Les usagers des transports publics et privés routiers étaient soumis permanemment à une fouille systématique qui aboutissait au payement de sommes plus élevées que le prix de la carte PDCI. Des groupes ethniques défilaient chez M. Houphouët Boigny, pour lui présenter des excuses et pour lui faire ou réitérer allégeance et soumission, parfois suite à « une faute » commise contre Boigny par un fils d’une ethnie donnée. Ainsi, on a assisté, en Côte d’Ivoire, aux défilés du peuple Wê dans « l’affaire du capitaine Sioh », les Bété « dans l’affaire Gbagbo », les Agnis « dans l’affaire du Sanwi », etc.

On peut comprendre et mettre de tels agissements de M. Houphouët Boigny sous le fait que la nation ivoirienne vivait un système politique de parti unique. Mais, chose curieuse, les clubs ou « cercles de soutien » ont repris du poil de la bête, sous M. Henri Konan Bédié qui, venu de son Daoukro natal, ambitionnait de transformer la Côte d’Ivoire en un « éléphant blanc ». On en comptait par dizaines, par centaines, par milliers. Ainsi, à Londres, on a eu par exemple GRAPA-PDCI qui, selon ses animateurs, fait du lobbysme pour, entre autres, remettre M. Henri Konan Bédié dans la chaise royale que M. Houphouët Boigny lui aurait laissée en héritage au palais présidentiel.

Le FPI et la politique de « je peux faire pire que toi ».

Depuis l’opposition, et avant son arrivée au pouvoir, le Front Populaire Ivoirien (FPI) a été le premier parti à critiquer, de façon la plus virulente possible, les cercles et clubs Henri Konan Bédié. En gros, le parti du président Laurent Gbagbo a démontré, par tous les moyens dont il disposait, en ce temps précis, l’impact négatif de ces pratiques qu’on qualifiait de « politiciennes et avilissantes ». On parlait même de « corruption ou achat de la conscience des électeurs, tribalisation du débat politique », etc.

La venue de Robert Guéi sembla mettre fin, plutôt émoussa la ferveur des cercles Bédié. Car, alors qu’on s’y attendait le moins du monde, le père Noël, M. Robert Guéi a aussi eu, pendant son cours règne, ses fans clubs. Mais, le contraste intervient avec le FPI du président Gbagbo.

CREA PDCI France
Aujourd’hui, le FPI détient de très loin le record des clubs de soutien a M. Laurent Gbagbo dont voici un infime échantillon : « Gbagbo Power », « Dial Gbagbo », « Deux millions de femmes pour Gbagbo », « Les Mamans Gbagbo », « Les juniors Gbagbo », « les femmes divorcées Gbagbo », « Les Prostituées Gbagbo », « Les Intoxiques Gbagbo », « Le Club des déscolarisés Gbagbo », etc. etc. A voir le nombre incessamment grandissant des clubs ou cercles de soutien, il y a lieu de chercher à savoir ce que ces nombreux groupements apportent à leurs candidats. Tout de suite, pour faciliter le débat, nous disons : un gros rien. Car, lorsque vous prenez la peine d’assister aux rencontres de ces « néo- politiques », opportunistes véreux, qui vous empêchent de dormir avec des e-mails ennuyants et des appels téléphoniques indésirables, vous retrouvez les mêmes personnes dans tous les clubs. Pis, ils sont incapables de vous montrer les nouvelles personnes qu’ils ont convaincues pour voter pour leurs candidats.

Par ailleurs, force est de relever que ces opportunistes font, tous et toutes, la même promesse : « nous avons constaté que le parti, à lui seul, ne peut pas être partout ; et donc, nous nous sommes mis en place pour convaincre les indécis et nos amis des autres partis à voter pour notre candidat ». Des mots vides et creux ! Car, si ce qu’ils disent est vrai, quelle garantie ont-ils pour prouver que ceux ou celles qu’ils croient avoir convaincus voteront, réellement et effectivement, pour leur candidat ? D’ailleurs, qu’est-ce qui prouve que ces électeurs « timides » existent ? A moins qu’on ne les prenne pour des naïfs, du moins des imbéciles …, car il est bien connu que « ce sont les imbéciles qui ne changent pas ».

Nous pensons tout simplement que ces clubs de soutien, devenus innombrables sous le FPI, sont des groupes d’escrocs aux têtes creuses qui se croient plus malins que les autres. Ils font le culte de la personne pour « manger », comme bon nombre d’Ivoiriens qui sont hélas ! tombés dans la facilité, sous l’ère FPI. Et, le tout se passe avec la complicité des autorités des différents partis et surtout avec l’aval des dirigeants du FPI qui, soit ne disent pas la vérité à M. Laurent Gbagbo, soit savent quel profit on en tire. A moins que M. Laurent Gbagbo lui-même se plaise dans cette descente dans la honte où le peuple fabrique du faux pour manger aujourd’hui et tout de suite, sans savoir de quoi sera fait demain. A moins encore que M. Laurent Gbagbo refuse d’écouter ses pairs ou ses conseillers.

Au total, il faut mettre fin à ces organisations de mendiants modernes. Car, tout cela n’honore pas celui ou celle qui les met en place et montre l’abêtissement du peuple par le leader que l’on prétend soutenir et qui n’en a vraiment pas besoin, car, de toutes les façons, au moment du scrutin, les candidats sont jugés sur leur valeur intrinsèque, leur qualité morale et leur bilan.

Sylvain de Bogou, Directeur de la Rédaction, Le Filament. sylvaindebogou@yahoo.com

Paru dans la rubrique actualité oblige du Filament N°7



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