lundi 4 octobre 2010

Les raisons socio-politiques de l'expansion des églises évangéliques en Afrique

Il s’observe ces deux dernières décennies un fourmillement sans précédent de nouveaux mouvements religieux d’inspiration protestante, tant en Afrique subsaharienne que dans les populations immigrées d’origine africaine en occident. Ce phénomène semble être attribué au besoin de voir le monde religieux intervenir rapidement dans la résolution des problèmes matériels, physiques et sociaux de l’homme.

Il semble être aussi une réponse, en particulier en occident, à la nécessité de l’affirmation d’une identité culturelle particulière. Celle-ci fonde et véhicule une vision du monde, autant qu’elle détermine la manière de penser, d’agir et de se comporter. Regardons de très près ce qui passe en Afrique. Partons d'exemples concrets. En République Démocratique du Congo (RDC), pour la seule ville de Kinshasa, le nombre des Églises dites de « Réveil » est estimé à plus de 8 000 pour une population évaluée à près de 7,5 millions d’habitants. Une enquête effectuée du 17 septembre au 8 octobre 2002 sur l’appartenance religieuse de la population de cette ville révèle que 27,8% de cette population, soit plus d’un quart, ont déclaré être membres d’une « église de réveil ». Les fidèles des Églises catholique et protestante représentaient, quant à eux, respectivement 34,2 et 25,1%. Pourtant, entre 1968 et 1970, 58,6 % de la population adulte s’étaient déclarés catholiques et 27,0% protestants. Les Églises de réveil étaient donc pratiquement inexistantes. En 1990, ces Églises comptaient 10% de fidèles pour atteindre 15% entre 1994 et 1996 et avoisiner les 30% depuis 1998. Dans une ville comme Lomé qui fait moins d'un million d'habitants, on compte plus de 400 églises dites du réveil. La question qui se pose alors est la suivante : Pourquoi cette situation? Autrement dit, quelles sont les raisons socio-politiques de cette émergence des églises évangéliques? Mais d' abord, que faut-il entendre par églises du réveil?


Que faut-il entendre par « Eglises du réveil »?

Comme leur nom l’indique, les « Églises de réveil » militent pour un réveil spirituel. Elles se présentent comme une alternative à l’hermétisme et à la torpeur des religions traditionnelles catholique, protestante et musulmane. Elles ont trouvé un terrain de prédilection un peu partout en Afrique, au début des années 1990, grâce à la proclamation de la démocratie qui reconnaît ipso facto la liberté d’association et de culte. Elles sont ainsi passées de groupes informels (cellules ou fraternités de prière) en organisations structurées.

Les Églises de réveil sont issues du courant évangélique (néo-pentecôtiste et charismatique) anglo-saxon dont l’Amérique constitue le berceau et la terre d’élection. Elles constituent donc des formes du protestantisme. Fondées sur la seule autorité de la Bible, en référence au principe protestant « sola bibilia », ou « sola scriptura », les Églises chrétiennes indépendantes proclament leur foi en Jésus-Christ considéré comme fils de Dieu. Cette foi est, selon elles, le fruit de la grâce divine. Les Églises de réveil croient au baptême par immersion comme résultat d’une décision personnelle responsable. Ainsi, le baptisé devient un « chrétien né de nouveau » par le baptême du Saint-Esprit, « c’est-à-dire une personne ayant quitté le monde, abandonné « la vie de péchés » pour mettre en pratique la Parole de Dieu (la Bible) ou, selon la formule consacrée, pour mener une vie de sanctification » (Jean-Pierre Missié). Comme toute autre communauté chrétienne, les Églises de réveil ont leurs structures hiérarchiques, leur liturgie et leurs recettes religieuses. Celles-ci sont formées essentiellement des cultes d’adoration et d’intercession, des études et enseignements bibliques, des veillées de prière, des témoignages (aveux publics des bienfaits de Dieu), des jeûnes, des cures d’âme et des séances de guérisons-miracles.

En ce qui concerne les cures d’âme, elles consistent en des entretiens directs avec le fidèle sur sa vie, son histoire, ses relations familiales et sociales, etc. Ces entretiens ont pour but ultime de situer l’origine du mal assaillant le fidèle. A travers cette relation d’aide et de confiance, le pasteur joue à la fois le rôle de psychologue et de conseiller spirituel.


Quelles sont les raisons socio-politiques de leur expansion en Afrique des églises du réveil ?

Trois éléments importants sont à prendre en compte en ce qui concerne le succès récolté par les Églises de réveil et leur expansion en Afrique.

D'abord, leur prétention de proposer des solutions rapides aux échecs et difficultés de la vie quotidienne de leurs adhérents meurtris par la déstructuration profonde du tissu économique et social, occasionnée notamment par la mal gouvernance de la part des dirigeants (corruption, pillage des ressources nationales, etc. ), les guerres et les conflits armés internes à ces pays. Les solutions proposées sont essentiellement l’évangile de prospérité matérielle et immatérielle (argent, travail aux pauvres, mariage aux célibataires en quête de partenaires, progéniture aux personnes stériles ou en difficulté de procréer etc.) et la distribution des guérisons-miracles. La réussite matérielle et immatérielle, perçue ici comme une bénédiction de Dieu, serait acquise après une séance de désenvoûtement, encore mieux de « délivrance » de tout lien satanique, source d’échec et de blocage.

Ensuite, certains leaders d’Églises de réveil puissantes entretiennent des relations privilégiées avec le monde politique et économique. S’ils ne sont pas partenaires ou représentants financiers des hommes politiques, ils bénéficient, d’une manière ou d’une autre, de leur assistance et de leur protection (argent, voiture, garde du corps, etc.). En retour, du fait de leur autorité et popularité, ils contribuent à asseoir ou à légitimer le pouvoir politique, par des passages bibliques érigés en postulats tels que : « Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu » (Rom. 13, 1), « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt. 22, 21)... Ainsi, ils participent, consciemment ou inconsciemment, à étouffer toute tentative de contestation sociale et, par ricochet, à entretenir et à accentuer la misère des populations. Leurs discours non engagés se révèlent donc être aux antipodes de leurs actes.

Venons-en au troisième et dernier élément. Une fois à l'étranger, tout individu est confronté à des systèmes culturels différents, parfois incompatibles. Cette différence culturelle « apparaît toujours, au premier abord, comme une menace ». Ainsi, se développe-t-il des stratégies d’auto-défense en vue de préserver une certaine identité culturelle. Celle-ci véhicule une vision du monde et détermine, consciemment ou inconsciemment, le comportement des individus. Ainsi, dans les pays occidentaux, la plupart des hommes et des femmes d'origine africaine qui adhèrent aux nouveaux mouvements religieux, le font pour des raisons essentiellement culturelles. On peut aussi noter la grande sécurité que ces églises apportent à ses membres et l'intégration sociale à travers la « communauté » que forment ces églises.



Comment fonctionnent ces églises ? Comment et pourquoi y adhère-t-on ?

C'est clair : il en faut un peu plus pour cerner les contours de la question des raisons socio-politiques de l'expansion des églises évangéliques. L’étude du phénomène de nouveaux mouvements religieux dont le foisonnement a été observé ces deux dernières décennies en Afrique et en occident, particulièrement parmi les populations immigrées d’origine africaine, autorise au moins deux réflexions : d'abord, le fonctionnement de ces mouvements repose sur la logique selon laquelle le bien (la santé, le mariage, la progéniture, la richesse matérielle etc.) et le mal (la stérilité, la maladie, la pauvreté, le chômage, le célibat forcé etc.) survenant dans la vie d’un individu ont une origine externe. Le mal viendrait des sorciers et de mauvais esprits tandis que le bien de Dieu et de bons génies

Ensuite, l’adhésion à un mouvement religieux d’origine africaine en occident est largement influencée par des motivations culturelles, à savoir le besoin de vivre sa culture et, de ce fait, d’être en cohérence avec les normes et valeurs sociales de son groupe culturel d’appartenance, normes et valeurs préalablement acquises par le processus de socialisation. Cette cohérence dans la manière de penser, d’agir et de se comporter confère à l’individu une sécurité psychologique, par rapport à lui-même et par rapport à ce groupe. Comme on le voit, il est impossible de dialoguer avec ces églises, si on ignore leurs raisons d'être et leur identité…

Jean-Paul SAGADOU, Religieux assomptionniste, Diplômé en théologie de l'Institut Catholique de Paris. Président-fondateur de l'Association Personnaliste des Amis de Mounier (APAM-Burkina), il accompagne aussi la réflexion de la Jeunesse Etudiante Catholique (J.E.C) du Burkina Faso ainsi que celle de la JEC de l'Afrique de l'Ouest francophone.

Paru dans la rubrique Religion du Filament N°8



1 commentaires:

Anonyme a dit…

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Merci

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