lundi 26 mars 2012

Assez de nous investir dans tout ce qui étouffe notre conscience et notre cerveau.

Dans l’écriture de l’histoire récente de notre pays, on retiendra sans doute 2011 comme une année de tous des périls de toutes les valeurs. L’inculture a suppléé la Culture dans une indifférence totale. On a vu un peuple délaissé et désespéré. Un temps tourmenté où se sont mêlés révoltes, douleur, déshumanité… mais aussi espérance et foi en Demain...

Dans cette période troublée que nous vivons, notre avenir sera déterminant par notre capacité, à lutter et à promouvoir la Culture dans toutes ses dimensions. Parce que si des motifs d’inquiétude et de colère ne manquent pas, ceux d’espoir sont en germe. A chacun de nous de les voir, de les partager pour les faire éclore et les propager.

Parce qu’un peuple inculte est dangereux pour lui-même, mais pour l’avenir aussi. C’est pourquoi, notre engagement pour le Livre doit rester inaltérable. Il doit être impérativement préservé. Parce que rien ne pourra nous sauver si, au cours de notre évolution imposée par la société moderne, nous ne parvenons pas à faire en sorte que l’Amour du Livre y soit exalté...

Parce que l’absence tragique du Livre de notre quotidien est un vrai drame. Oser le dire en 2012 peut paraître paradoxal. A l’heure où les maisons d’éditions ont poussé comme des champignons et où, partout, on détecte des talents d’écriture. Mais loin s’en faut. Car, s’est-on demandé quel avenir est réservé au livre et à l’Art en général dans une société vouée au profit immédiat ? Le nombre inquiétant de livres qui moisissent dans les rayons de librairies ou dans les tréfonds des entrepôts est là pour nous réveiller. N’y a-t-il pas plusieurs façons de « tuer » des livres ? Et la plus insidieuse est de faire en sorte que les gens ne soient plus capables de les lire.

Il est vrai que ce genre de cris d’alarme a trouvé peu d’échos dans notre pays ces dernières années… On a, de tout temps, pensé que « plus le peuple est inculte, plus il est facile à diriger ».

Notre Histoire récente ne nous a pas montré le contraire. Saurions-nous alors en tirer de grandes leçons ?…

Qu’espère notre peuple quand le livre reste désespérément absent de son quotidien ? Vecteur de valeurs, de savoirs, du sens esthétique et de l'imaginaire, le livre est avant tout une oeuvre de l'esprit, de la créativité et de la culture des hommes. Il enrichit, de ce fait, le patrimoine immatériel de l'humanité. Le livre constitue, d'autre part, dans les économies du savoir d'aujourd'hui, un instrument d'apprentissage, de partage et d'actualisation des connaissances essentielles à l'exercice de tous les métiers. Lire, c’est donc grandir en esprit. C’est devenir plus responsable de ses actes. C’est vivre les yeux grands ouverts.

Dans «Les mots», Jean-Paul Sartre raconte : « Je n’ai jamais… quêté des nids, je n’ai pas… lancé des pierres aux oiseaux. Mais, les livres ont été mes oiseaux et mes nids, mes bêtes domestiques… la bibliothèque, c’était le monde pris dans un miroir. Elle en avait l’épaisseur infinie, la variété, l’imprévisibilité ». Parce que le Livre, disons la lecture, nous donne des outils pour que nous devenions acteur de notre propre vie et nous offre des moyens qui nous permettent d'effectuer des choix judicieux pour nous-mêmes et pour notre Nation.

En cette année 2012, que les enfants voient, de temps à autre, papa ou maman lire un livre !... Car par le Livre, on pourrait donner aux enfants les armes essentielles pour comprendre la société dans laquelle nous vivons ; par le Livre aussi on pourra faire disparaître notre ignorance et notre incapacité à comprendre les choses les plus banales du fonctionnement des sociétés humaines.

Aimons les bibliothèques et les librairies, furetons dans leurs étagères, saisissons-y un livre, ouvrons-le en son milieu, parcourons-le au hasard. Et si nous pensons que les enfants de Demain méritent mieux que des gadgets, si nous pensons que l’Homme et le Citoyen ivoirien de Demain ne peuvent être réduits à être de simples consommateurs, si vous pensez qu’il est dangereux de livrer la Côte d’Ivoire aux seuls marchands de profits, semons le Livre afin de récolter la Culture. Qu’en cette année 2012, tous les journaux aient leurs suppléments de «Livre» ainsi que le font déjà Le Nouveau Courrier et Le Temps.

Qu’en 2012, nous osions soumettre nos manuscrits aux éditeurs, que nous nous battons pour que nos textes soient acceptés sans trop de modifications ! Que nous luttions pour que ces mêmes éditeurs fassent correctement leur boulot et qu’ils paient nos droits d’auteurs !

Que 2012 soit « la source d’un nouvel enracinement et d’une soif d’engagement qu’aucune médiocrité ne peut épuiser ». Que l’on rompe d’avec cette excellence nationale de toujours accorder la prime à la médiocrité. Certaines volontés se sont émoussées peu à peu au contact d’un système qui gère la stagnation au mieux de ses intérêts. Alors, il nous faut être nombreux à tirer la sonnette d’alarme car ç’en est assez de dire que les Ivoiriens ne lisent pas. Ç’en est assez d’entendre que le Livre coûte cher et de nous voir, au quotidien, nous investir dans tout ce qui étouffe notre conscience et notre cerveau.

Serge Grah

Paru dans Le Filament N°20

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