mardi 27 mars 2012

A propos du « Carton rouge » de M. Aly Touré aux communicateurs d'Alassane Ouattara

Il y a quelques jours, j’ai pu lire avec attention un article de M. Aly Touré publié dans le quotidien Le Banco.net du mardi 20 décembre 2011. Comme à mon habitude, je permettrai d’émettre quelques réflexions que m’ont inspirées les propos de M. Aly Touré dans cet article intitulé : « Dénigrement de Ouattara par des Camerounais : Carton rouge aux communicateurs d'ADO ! »

Dans son article, M. Aly Touré fait remarquer que « Sur le bouquet Canal+, il y a une chaîne de télévision appelée "Vox Africa" qui s'illustre par des émissions farouchement hostiles au président Alassane Ouattara et à son régime. Selon M. Aly Touré, cette chaîne ne rate aucune occasion pour ouvrir son plateau, ainsi que ses ondes, aux détracteurs du Président ivoirien : « Des balivernes y sont distillées régulièrement », écrit-il, tout en déplorant qu’il n’y ait jamais eu aucune réaction contre cette chaîne de télévision visiblement hostile au régime, ni de la part, des membres de l’entourage du président, ni de son Cabinet, ni des agents de son service de communication, ni du RDR d'Amadou Soumahoro. Ces gens-là sont tous disqualifiés (« carton rouge »). Et ceci donne à réfléchir…

Et la réflexion, affirme-t-il, conduit à une interpellation directe du régime Ouattara, c'est-à-dire le chef de l'État lui-même et le Rassemblement Des Républicains (RDR) : « il serait temps qu'ils se réveillent et en prennent de la graine. S'ils restent là à ne couver que leurs égoïstes intérêts personnels, comme une poule couvant ses œufs, demain ils risquent d'être surpris et de n'avoir que leurs yeux pour pleurer », écrit M. Aly Touré

De tels propos nous interpellent et appellent les observations suivantes :

1°/ contrairement à ce que pense M. Aly Touré, les personnes qui participent aux émissions de "Vox Africa" ont le droit d’agir, de parler, d’écrire, de manifester librement, et en toutes circonstances, en tous lieux, leurs idées et leurs opinons. Cette libre communication des pensées et des opinions, constitue ce qu’on appelle la liberté d’expression. C’est la liberté d’expression qui autorise toute personne à s’exprimer librement, lui donne le droit de juger les paroles et les actions d’Alassane Ouattara (comme de tout autre gouvernant), du moins de porter des objections sur ses discours et les actes qu’il pose, de tenir un discours sur ses discours . En effet, c’est au nom de la liberté d’expression qu’un journaliste, en informant le public, a le droit de s’élever contre un gouvernant, de dénoncer ou mettre à nu les tares au plan social et politique. Cela ne signifie pas qu’Alassane Ouattara est attaqué, ni que l’ordre est troublé. Bien au contraire. M. Aly Touré doit s’instruire humblement de ces principes fondamentaux de la démocratie, et doit ne pas perdre de vue que la liberté d’expression est, en démocratie, l’un des droits essentiels et inaliénables et l’un des garants de l’état de droits.

2°/ M. Aly Touré, au cas où il l’ignorerait, doit simplement apprendre que, au nom de la liberté d’expression, un gouvernant est censé étouffer la démocratie et abuser de son pouvoir, dès lors qu’il s’identifie à l’ordre, aux lois et au gouvernement, dès lors qu’il censure ou interdit les libres opinions, dès lors qu’il sanctionne, condamne les journalistes, les artistes, les écrivains, les intellectuels... Agir ainsi est une absurdité qui annihile la démocratie et qui avilit. Parce qu’un tel gouvernant, empêche l’échange des idées, la diffusion des vérités nouvelles ; il rejette l’enseignement des théories contraires à sa politique personnelle ; il bannit toute action et activité susceptible d’aider au progrès de la société.

3°/ contrairement à ce que pense M. Aly Touré, les personnes qui participent aux émissions de "Vox Africa" ont le choix d’être favorables ou hostiles au régime, au nom de la liberté d'opinion qui est affirmée solennellement dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, article 10. Rappelons que la liberté d'opinion signifie que toute personne est libre de penser comme elle l'entend, libre d’être d’accord ou en désaccord avec autrui, libre d'avoir des opinions contraires à celle de la majorité ou des autorités. La Déclaration de 1789 précise d'ailleurs que cette liberté d'opinion s'étend à la liberté religieuse, chacun étant libre d'adopter le culte de son choix, ou de n'en adopter aucun.

4°/ contrairement à ce que pense M. Aly Touré, la critique ne procède pas forcément d’une intention malveillante. La critique et les observations sur un individu, sur une idée, sur une décision sur un régime ne procèdent pas toujours d’un esprit chagrin, mais aussi et souvent du souci d’en révéler les failles, les défauts, les faiblesses, les errements, les insuffisances, en vue d’en améliorer les pratiques, les rouages, les structures, l’organisation, etc. Pouvoir critiquer librement témoigne de l’existence et de la réalité des droits et libertés des citoyens dans un pays, surtout lorsqu’il s’agit de république démocratique. S’en prendre aux défauts d’un être humain garantit son existence et témoigne de l’intérêt qu’on lui porte et, parfois participe de la volonté de voir les choses changer, évoluer différemment.

5°/ L’objectif de M. Aly Touré est clair et nous l’avons bien compris : il s’agit de tirer sur la sonnette d’alarme. Pour M. Aly Touré, il est temps, et même grand temps, que les membres de l’entourage de Ouattara et de son Cabinet, les agents de son service de communication, les militants du RDR « se réveillent et en prennent de la graine », passent à la vitesse supérieure dans la violence et la criminalité. Autrement dit, il vise à inciter les militants, véritable horde de chiens à visage humain, à aboyer et à surtout à mordre à belles dents. Et, pour que la mayonnaise prenne, M. Aly Touré dénature tout : pour lui les débats télévisés sont des « balivernes », les critiques relèvent du « Dénigrement de Ouattara » ou participent d'« une savante entreprise de dé-légitimation à terme du Président Alassane Ouattara », etc.

6°/ Par sa soi-disant « interpellation directe du régime Ouattara », M. Aly Touré voudrait-il, diantre ! nous faire revenir à vingt ans, trente ans, cinquante ans… en arrière?... Peut-il, un seul instant, se rendre compte que c’est très mal conseiller son mentor, et que c’est même indiquer à celui-ci une issue fatale, de la même façon que hier, quelques demeurés lui ont conseillé, idiotement, d'envoyer Laurent Gbagbo à la CPI. En tout cas, tout cela, comme qui dirait, est cocasse, ridicule ! On devrait en rire si ce n'était pas si triste, si nous n’entrevoyions pas le lourd tribut à payer…

7°/ Par sa soi-disant« interpellation directe du régime Ouattara », M. Aly Touré sait-il qu’il a ainsi signé le certificat de décès de la « réconciliation nationale » ? Alors, aux calendes grecques la commission de Banny ! M. Aly Touré sait-il qu’il a ainsi ouvert les vannes pour plonger notre pays dans un état permanent de guerre ? Car, ce qu’il ignore peut-être, c’est que nous n’accepterons plus d’être nargués, menacés, tués. Trop c’est trop ! Nous n’avons pas d’autres choix que de nous défendre, de nous battre, de combattre jusqu’à sa mort ce régime dont nous sommes les victimes et qui est en mission de déconstruction de la Côte d’Ivoire.

8°/ M. Aly Touré sait, ainsi que les autres, que nous avons toujours suggéré des moyens sûrs, y compris le dialogue, pour aller à un « vivre ensemble » fiable, mais cette voie est d’emblée rejetée. Par conséquent, seule reste la riposte la plus appropriée aux actes qu’ils vont être désormais posés. Nous avons mis en place une batterie de moyens pour réagir, pour nous libérer du joug d’Alassane Ouattara, pour gérer les rapports entre les pro-Ouattara et nous. La fin de la peur est déclarée et puis, le RDR n’a pas le monopole de la violence.

9°/ M. Aly Touré et les partisans d’Alassane Ouattara doivent savoir que le pouvoir de leur mentor les conduit à l’abattoir. La sagesse populaire nous instruit qu’on peut être fort le matin, puis être faible à midi ou le soir. De même Alassane Ouattara partira tôt ou tard. C’est la loi de la nature que toute chose ait une fin. Alors, M. Aly Touré et les partisans d’Alassane Ouattara doivent se poser la question de savoir quel avenir cet homme leur propose dans la désunion, pour eux-mêmes, mais aussi et surtout quel avenir pour leurs enfants ? Alors, M. Aly Touré et les partisans d’Alassane Ouattara devraient plutôt penser à l’après ADO, dès aujourd’hui même, et devraient s’abstenir de poser tous actes susceptibles d’obscurcir leur avenir.

Quoiqu'il m’en coûte, c’est ce que je pense... 

 Léandre Sahiri 

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